Les grands naissent toujours à l’école

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Joel Delplanque président de la FFHB et Philippe Bana DTN livrent leur vision du développement du handball et leurs stratégies pour maintenir cette activité à son meilleur rang mondial, mais surtout afin qu’elle perpétue un attachement à une vision humaniste et éducative, conforme à sa proximité native avec le milieu scolaire.

à l’échelle de la fédération, est-il possible de préciser le sens de l’évolution du handball, du point de sa structuration et de son contenu ? Quelles en sont les perspectives de développement ?

Philippe Bana : La liaison permanente du handball avec l’école, les conventions et l’histoire qui nous lient, ont conduit à l’existence d’une population de 150 000 enfants de moins de 12 ans, avec une forte mixité, pratiquant régulièrement dans les clubs. Cette explosion du développement du nombre de licenciés de 6 à 12 ans s’est faite sur 10 années à partir de pratiques pédagogiques mises en place avec toutes les structures de l’école et du périscolaire. Les contenus de pratique et d’enseignement ont été conçus et mis en œuvre avec les acteurs de l’école, pour la FFHB, afin de garder l’esprit initial de la maison mère école.

Le développement du travail avec les jeunes va se poursuivre avec l’apparition de pratiques pédagogiques et d’éveil, ludiques et motrices, en direction des 4-6 ans ; nous devons là aussi les bâtir avec l’école et ses acteurs. Nous nous sommes attelés à la tâche pour l’olympiade qui vient.

Les résultats sportifs d’aujourd’hui sont-ils le fait d’une génération particulièrement exceptionnelle ? Sinon, quel est le système de formation de votre élite et quels sont les grands axes de préoccupation de la formation des joueurs (euses) ?
Les résultats sont plutôt le fait d’une formation longue et déterminée, d’une lourde architecture de formation qui accompagne les pratiquants de 6 à 15 ans, de la détection, enfin des structures pôles espoirs ; ces structures -24 masculines et 24 féminines- couvrent tout le territoire avec un pôle masculin et féminin par région afin de laisser les lycéens en formation, près de leur lieu de vie, de leurs familles dans des lycées traditionnels plutôt que dans des établissements spécialisés. Ensuite après le bac, vient le temps du centre de formation du double projet dans le monde préprofessionnel des clubs professionnels et de leurs centres de formation. Ensuite le temps du professionnalisme.
Cette réussite est aussi due à des entraîneurs à forte connotation éducation Nationale Philippe Bana, Claude Onesta, Olivier Krumbholz sont les derniers profs de gym managers de haut niveau.

En tant que DTN, comment voyez-vous l’élargissement de l’audience internationale du HB et des questions qu’elle vous pose ?

Le handball est un sport européen qui se mondialise très lentement malgré ses 180 pays de pratique ; son audience média est de plus en plus forte ; c’est un axe de développement fort pour la discipline et une chose que nous devons maîtriser car médiatisation et professionnalisation sont sources de dangers si nous ne contrôlons pas la pratique. Sensibiliser plus, éduquer plus les jeunes sont notre devoir dans ces temps de croissance de notre activité.

Pourquoi les équipes nationales féminines et masculines n’ont pas de succès comparable ?

Elles l’ont eu ces dernières années entre 2000 et 2011 grâce à la parité que nous avons prônée dans notre fédération. Nous devons aujourd’hui relancer notre équipe et professionnaliser ces femmes au travers de métiers du handball ce qui est une crise de croissance à digérer comme les garçons l’ont fait il y a 10 ans. Nous allons gagner dans la prochaine olympiade en filles aussi pas d’inquiétude.

Pensez-vous que le HB scolaire reste un vivier important du dynamisme de votre fédération ?

Il est fondamental. Aucun sport ne peut exister sérieusement sans une base scolaire (encore plus de 180 000 licenciés à l’UNSS ces années) les enseignants sont aussi des militants et nous restons encore une fois très attachés à la maison mère. Les réseaux tissés sont centraux pour notre développement dans le respect mutuel de chacun.

Que devrait apporter l’EPS dans la perspective d’une diffusion de la culture HB ?

Une démarche un sens, une direction vers l’activité sportive en partant de l’enfant ; une adaptation permanente des savoirs de chacun pour donner envie d’aller plus loin , une responsabilisation de l’enfant vers le sport en lui en donnant les clés de compréhension. Nous sommes un sport de préaux, nous en sommes fiers et souhaitons le rester.

Peux-tu nous présenter rapidement la FFHB ?

Joël Deplanque : La FFHB c’est désormais près de 500 000 licenciés adhérents aux 2400 clubs affiliés présents dans chaque département métropolitain et répartis sur toute la planète dans les Caraïbes, l’Océan Indien et le Pacifique Sud. La communauté des handballeurs ne se limite pas aux seuls licenciés mais compte de nombreux adeptes chez les enseignants, les journalistes et les élus des autorités publiques locales et nationales.

Les résultats internationaux particulièrement probants implantent-ils le HB de façon durable dans la vie sportive nationale,
La notoriété du handball tient à son histoire, son réseau de clubs, son organisation, son savoir-faire et ses résultats depuis plus de 20 ans dans le secteur masculin et féminin. Le calendrier international qui fixe désormais les évènements majeurs (championnat d’Europe ou Championnat du Monde) en décembre ou en janvier offre une exposition médiatique très favorable.
La personnalité des joueuses, des joueurs et des coaches qui se sont succédés à la tête des équipes de France a aussi largement contribué à l’amélioration de la notoriété du handball.

Qu’est-ce qui fait que la France soit passée aussi rapidement de l’ombre à la lumière au niveau international ?

Les qualités du handball français notamment en matière d’organisation ont toujours été reconnues par les instances internationales .Le succès populaire du mondial féminin de 2007 en France fait figure de référence. C’est toutefois l’enchainement des résultats aux Championnats d’Europe, Championnats du monde et Jeux Olympiques qui a permis l’accès au grand public .Qualifié en féminin et en masculin depuis 4 olympiades le handball français s’est distingué dans le paysage du sport français. Son tournoi international annuel de Bercy en janvier fait le plein de spectateurs tout comme chaque sortie de l’équipe de France en province. Le désamour qui a frappé le football après le mondial a vraisemblablement contribué à accroitre cette notoriété.

Le HB rivalise avec le rugby et le foot en termes de popularité. À quoi est dû ce succès ?

Le handball a beaucoup évolué. Il s’est considérablement accéléré et sollicite des qualités exceptionnelles d’engagement, d’habileté et de maitrise. Les joueuses et joueurs de l’équipe de France dans leur diversité sont des interprètes exemplaires de cette richesse technique qui caractérise le handball moderne. Les partenaires privés de la fédération ont compris quel parti ils pouvaient tirer de cette notoriété et ont conclu des contrats d’image mettant en valeur leur qualités sur le terrain et en dehors. Parallèlement le championnat français bénéfice d’une excellente exposition médiatique et d’un traitement éditorial qui est la marque de fabrique de Canal+.L’ancrage des clubs dans les territoires s’est accru, le retour des internationaux français dans le championnat, l’arrivée de nombreuses vedettes étrangères, font que ce championnat occupe cette saison la seconde place après l’Allemagne.

Le HB est perçu comme spectaculaire, associé à des valeurs positives, et très technique. Le championnat du monde en 2017 va-t-il pouvoir en faire un événement exceptionnel en France ?

Malgré sa notoriété accrue le handball de haut niveau reste encore difficile d’accès du fait de sa vitesse notamment. Offrir pendant près de 3 semaines la possibilité de présenter à proximité de son lieu de vie habituel un spectacle de handball de haut niveau devrait contribuer à améliorer sa connaissance. Mais notre ambition est aussi de permettre de franchir un nouveau palier notamment en élargissant son influence à d’autres partenaires et de faire évoluer favorablement l’économie de nos clubs. L’accueil du championnat dans de grands équipements devrait nous familiariser avec des savoir-faire nouveaux dans le domaine de la billetterie, de la gestion des espaces d’hospitalité etc.

L’ancrage scolaire du HB est-il une chance ou une image désuète qu’il vous faut rectifier ?

L’ancrage scolaire est l’affaire de tous, fédération-enseignants. Notre volonté de prendre notre part dans la continuité pédagogique famille, école, club s’inscrit dans cette volonté de faire de cet ancrage un atout. La participation de la DTN à cette revue s’inscrit dans cette volonté partagée que je salue. Je me félicite qu’elle m’offre l’opportunité de m’adresser directement à tous les enseignants en espérant qu’ils continuent à influencer pédagogiquement et techniquement le handball français dont son évolution vers le professionnalisme ne doit pas le détourner de sa vocation éducative première.

Entretien réalisé par Jean Lafontan et paru dans Contrepied HS n°6 – Handball