Programmes : un manque de cohérence dans la succession des niveaux

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Loïc Lemeur est formateur dans l’académie de Créteil. Globalement il juge les programmes en EPS de façon positive, mais relève malgré tout dans les sports collectifs un manque de cohérence dans l’affichage des niveaux de compétence.
Explication.


2008 marque pour notre discipline une avancée indéniable. Notre discipline réécrit ses programmes dans un souci de lisibilité, d’unité et de construction d’un continuum de formation allant du collège vers les lycées visant une certaine homogénéisation des objets d’apprentissage, tout en garantissant à chacun son « génie didactique », le principe de liberté pédagogique étant réaffirmé.

Ainsi, et sous l’égide d’une culture du résultat, propre à l’arrivée du concept de compétence, il est proposé une nouvelle forme de classement des APSA ainsi qu’une proposition d’enchainement de niveaux de compétence dans chacune d’entre elles, déclinée sous le vocable de compétence attendue. Ici il s’agit donc clairement de donner des repères à toute une profession pour la rendre plus unitaire afin d’éviter une forme d’émiettement ou de parcellisation des savoirs. En ce sens, nous pensons que l’effort fait pour rendre lisibles les acquisitions à un niveau national en EPS relève de l’ancrage de notre profession dans les rouages du système éducatif et lui permet d’affirmer son statut de discipline scolaire.

Pour autant nous nous proposons de mettre en lumière le déficit de cohérence dans la progressivité des objets d’apprentissage jalonnant le parcours de l’élève de la 6e à la terminale.

Le N1 marque le début de formation des élèves qui doivent s’organiser individuellement et collectivement en faisant des choix entre la passe et le dribble pour accéder régulièrement à l’espace de marque et tirer en position favorable face à une défense qui cherche à gêner la progression adverse.
Cet énoncé semble réaliste et confronte les joueurs à la construction d’une motricité individuelle de base (prendre des informations pour décider entre la passe et le dribble) permettant d’aboutir à une forme de projet collectif cohérent : les élèves face à une défense individuelle sont capables de réaliser des passes de progression vers l’avant en exploitant efficacement les espaces disponibles pour se retrouver en situation de tir dans un espace de marque favorable. L’analyse croisée des caractéristiques fonctionnelles des élèves et les retours de collègues laissent à penser à un premier niveau réaliste, prouvant qu’en dix heures, il est tout à fait possible de transformer les élèves et d’aboutir à la compétence.

Dans une logique d’emboitement et de hiérarchisation progressive, les élèves doivent ensuite, dans le cadre du N2 s’organiser individuellement et collectivement pour assurer des montées de balle rapides et construire une première circulation de balle et des joueurs pour se retrouver en situation favorable de tir. Bien conscient qu’un programme affichant publiquement les acquisitions à viser par les élèves doit être ambitieux, nous en questionnons cependant sa clairvoyance. Se focaliser sur la montée rapide de balle nous paraît être un choix très cohérent qui prend appui sur les acquisitions précédentes : jouer individuellement et collectivement sur tout le terrain afin de faire progresser une balle. Ce secteur de la compétence, au-delà qu’il plait aux élèves dans sa dimension émotionnelle, semble adapté à leur évolution ontogénique. En proposant un jeu sur des espaces importants, il réduit la densité et favorise l’émergence d’une pratique individuelle et collective. Mais le deuxième secteur de la compétence semble quant à lui bien plus problématique et avouons-le, très difficile à mettre en œuvre dans le temps de formation préconisé. Apprendre à s’engager dans un intervalle pour mobiliser et faire se déplacer la défense dans des espaces qui se réduisent considérablement nécessite, au regard des caractéristiques fonctionnelles des joueurs, un temps de formation bien plus important.

Le N3, au-delà d’un manque de rigueur terminologique (confusion entre montée rapide de balle et contre-attaque) laisse entrevoir peu de continuité avec les acquisitions précédentes, le jeu face à une défense replacée ayant disparu. En ne s’inscrivant pas dans la progressivité du continuum de formation, ce N3 rend alors caduque l’une des caractéristiques fortes de la compétence : la continuité des acquisitions.

Le N4 n’est pas incohérent en soi, au regard de la logique culturelle du HB mais nécessiterait d’être clarifié en termes de choix de dispositif défensif. La complexité des actions à construire devrait ainsi être pensée dès le N3. Une version détaillée sera proposée dans un complément en ligne.

Article paru dans Contrepied HS n°6 – Handball