Une enseignante-ressource dans une école maternelle, quel rôle ?

Virginie Guézo enseigne à l’Ecole maternelle Olivier Metra, Paris 20ème est devenue au fil des années référente EPS dans son école maternelle. Être enseignante-ressource en EPS, cela se traduit comment concrètement ?

Comment es-tu devenue référente EPS1 dans ton école ?

J’ai fait des études Staps. Quand je suis arrivée dans l’école, j’ai proposé de mettre en place ce qui posaient problèmes à mes collègues : les parcours. A l’époque, nous travaillions sur des verbes d’action : sauter, lancer…. Ensuite, grâce à mes lectures, j’ai proposé des séquences faisant référence aux APSA : athlétisme, gymnastique. Puis, comme dans les écoles, nous avions besoin d’acheter des fournitures, nous avons été amenés à nous répartir les tâches : une collègue s’occupe des fournitures pour les arts (nous avons une artothèque), une autre des sciences. C’est ainsi que je devenue « naturellement » référente EPS au sein d’une équipe où chacune à un rôle particulier.

Il y a donc une référente en EPS, une autre en arts, une autre en sciences …Comment travaillez-vous ?

Nous avons une bonne équipe, nous mangeons ensemble tous les midis et cela permet de régler de nombreux problèmes et de discuter de nos enseignements, sans que cela nous demande trop de temps. En français par exemple, nous n’avons pas de référente, mais une collègue a été formée avec la méthode Boulanger, elle l’a testé pendant un an. On a analysé en commun ce qu’elle faisait et nous avons tenté cette année dans nos classes, nous avons ensuite fait un bilan puis établi une progression sur les 4 années de maternelle. En EPS, on fait pareil, avec une référente attitrée. Nous avons une programmation en commun sur 5 APSA : gymnastique, athlétisme, cirque, vélo, danse folk (avec un bal folk pour toute l’école). Pour ces APSA, je fais des propositions que j’ai moi-même testé au préalable. Mes collègues essaient, on en discute et ensemble on fait évoluer. Par exemple, nous n’avons pas encore de programmation commune en jeux collectifs, mais j’en fait avec ma classe depuis plusieurs années et on va bientôt s’y atteler ensemble. Nous faisons de « l’auto-socio-formation » et chacune peut enrichir la base commune.

Ce travail d’équipe nous fait gagner beaucoup de temps en préparations de classe …et aussi de l’argent puisque nous le matériel est commun. Il est satisfaisant aussi parce qu’il permet des progrès plus importants des élèves.

Peux-tu rendre un exemple qui décrirait plus précisément le processus en EPS ?

Quand j’ai commencé à aménager la salle d’EPS avec la référence aux APSA, ça a été un grand changement pour mes collègues. Elles avaient d’abord besoin d’être rassurées sur le plan de la sécurité (par exemple, décider qu’elle serait présente à tel atelier et pas à tel autre). Sur le plan des contenus, elles faisaient leur EPS à partir de verbes d’action et étaient très vite limitées, et parfois même enseignaient des choses farfelues (des roulades sur la tête, des lancers loin par en- dessous…). Notre travail sur la gymnastique a d’abord commencé par se donner ensemble des repères d’acquisitions, et donc des critères de réussite communs. Par exemple, en petite section, savoir faire la roulade avant, savoir rebondir sur le trampoline (rebonds multiples sans être déséquilibré), marcher en équilibre sur la poutre, tourner autour d’une barre. Cela peut être discutable, mais il fallait des repères simples, compréhensibles par les enseignantes et par les élèves. Ces repères ont été élaborés collectivement grâce aux retours que mes collègues me faisaient de leurs séances. Pour que ça marche, il fallait que mes propositions tiennent compte de ce qu’elles faisaient.

Quelles sont vos satisfactions ?

La première satisfaction, c’est que mes collègues ont maintenant le sentiment de faire vraiment de l’EPS, d’enseigner et de faire apprendre quelque chose de valable et d’utile, pour le développement des enfants et pour leurs pratiques en dehors de l’école. En grande section, on a des élèves qui ont des « attitudes d’EPS », ils ont développé un rapport aux apprentissages, un rapport à l’autre, à la course, au ballon qui leur permet de progresser plus vite, d’expliciter leurs stratégies. Cet aspect n’est pas spécifique à l’EPS. Dans toutes les disciplines, toutes les enseignantes de l’école demandent aux élèves d’expliquer leurs stratégies (que fais-tu pour réussir ?), mais quand on connait les contenus, c’est quand même plus facile !
La deuxième satisfaction, c’est l’ouverture culturelle pour les élèves. Sans mon aide pour la programmation, mes collègues feraient surtout des activités artistiques parce que les activités sportives leurs apparaissaient au départ trop techniques, et elles feraient sans doute encore probablement des parcours.

Et un dernier point fort, c’est qu’on a beaucoup de matériel adapté parce qu’on met en commun.

Des problèmes ?

Pas vraiment. Le système de référente ne nous donne pas un travail colossal (contrairement à d’autres aspects du métier qui sont pesants). On avance à notre rythme. On travaille aussi sur des sujets qui traversent tous les enseignements, comme l’égalité entre filles et garçons. On fait aussi des enseignements en mélangeant PS, MS et GS (par exemple : les danses folk pour le bal en fin d’année). Si, …on pourrait sans doute faire des progrès dans notre relation à l’école élémentaire et notamment aux PVP…mais on ne peut pas tout faire !)

Connais-tu  le dossier primaire du Centre EPS&Société?

Bien sûr ! au début je l’ai beaucoup utilisé pour les jeux collectifs et les activités que je n’enseignais pas. Maintenant que nous faisons une programmation avec les APSA, on utilise aussi les autres activités comme l’athlétisme (la situation de Lancer testée par Pascale Boyer par exemple). ça m’arrive maintenant de regarder le cycle 3, notamment les documents sur la logique interne de l’APSA. C’est intéressant, même pour la maternelle, de savoir ce qu’ils sont capables de faire en cycle 3, ça nous aide à donner nos propres repères. J’ai des sites de référence dans chaque discipline …et pour l’EPS, Contrepied est dans mes favoris !!

Propos recueillis par Claire Pontais et parus dans le magazine Contrepied HS N°25 – Fortifier les équipes, fortifier l’EPS (Octobre 2019)

  1. Référent.e EPS, enseignant.e-ressource EPS n’est pas une fonction officielle reconnue par l’Education Nationale. C’est un rôle qu’une personne accepte de jouer dans une équipe d’école, en accord avec ses collègues. Le SNEP-FSU revendique que dans chaque école, un.e enseignant.e puisse jouer ce rôle, de manière volontaire. Cette personne pourrait bénéficier d’une formation continue « à dominante », comme la loi le permet (Code de l’Education, article L 312–3). Elle pourrait bénéficier d’une décharge qui lui permettrait de faire de la co-intervention et également d’impulser, organiser, animer le sport scolaire. En élémentaire, elle pourrait faire le lien avec les professeurs EPS du collège dans le cadre du cycle 3. []