Une recherche collaborative en cirque pour bousculer nos pratiques !

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Une recherche au plus près de la réalité professionnelle permettant d’expérimenter un dispositif d’enseignement du cirque. Pour Joëlle Coasne, enseignante au STAPS de Valenciennes, l’enjeu est de «faire un pas de côté» vis à vis de notre pratique enseignante de l’EPS et plus particulièrement de l’enseignement des Arts du cirque pour mieux l’éclairer et par là même contribuer à aider, en toute modestie la profession.

Paru dans Contrepied HS n°3.

La recherche ayant pour objet d’étude les arts du cirque en est à ses débuts (Jacob, 2002). On compte un certain nombre de travaux en sciences sociales en cirque, mais il en existe peu en didactique. Notre travail de recherche en ingénierie didactique s’inscrit dans ce contexte. L’enjeu pour nous est de « faire un pas de côté » vis à vis de notre pratique enseignante de l’EPS et plus particulièrement de l’enseignement des Arts du cirque pour mieux l’éclairer et par là même contribuer à aider, en toute modestie la profession.

Une recherche qui s’appuie sur la Théorie Didactique de l’Action Conjointe (TDAC) (Sensevy, 2007 ; Gruson, Forest, Loquet (dir), 2012)

Rappelons que l’EPS, discipline praxique (Léziart, 2008) à forte densité émotionnelle, s’appuie sur des techniques qui sont autant de réponses provisoires à des problèmes que les hommes se sont créés pour se défier, s’affronter, se donner en spectacle sur les terrains de « jeux », afin de se divertir (Caillois, 1957) dans les registres de l’épreuve, la performance et la compétition (Jeu, 1977).

  • La théorie didactique de l’action conjointe (TDAC) s’appuie sur le modèle[[Sensevy définit le concept de modèle en ces termes : « je considère en effet tout modèle comme un voir-comme (Wittgenstein, 2004), comme le fruit de pensée (Fleck, 2005) qui façonne la perception.]] des jeux[[non compris dans le sens ludique, bien que cela ne soit pas exclu.]] qui constitue un modèle d’appréhension de toutes les activités humaines qu’elles soient langagières ou physiques (réalisées dans le monde du travail, dans la vie ordinaire ou de loisirs). On considère deux types de jeux : les jeux épistémiques qui constituent la réalité de la référence (ce que les experts déploient comme activités et stratégies pour être efficaces) et les jeux d’apprentissage qui peuvent se dérouler à l’école ou en dehors de l’école et dont l’intention est l’acquisition de nouveaux savoirs et/ou pratiques issues des activités de référence (Martinand, 1985).
  • La TDAC s’appuie sur l’observation in vivo et l’analyse ascendante des pratiques professionnelles avec un cadre qui place les interactions corporelles et verbales de la classe, au cœur des analyses.
  • La démarche d’investigation traque dans les pratiques ce qui se « joue ». L’enjeu est de faire jaillir des interactions des différents protagonistes, les déterminants qui provoquent des bascules significatives dans les représentations et organisations motrices des élèves et se révèlent au bout du compte déclencheurs d’apprentissage et de circulations des savoirs dans la classe. La méthodologie consiste alors à mettre « en intrigue » les différents événements dans des séquences qui se révèlent « saillantes » pour saisir « la main dans le sac ( !)» ce qui provoque l’apprentissage (une action, une décision, une consigne, une démonstration, une manipulation, une discussion entre élèves, ou une articulation des éléments cités). On suit alors pas à pas cette intrigue impliquant tous les protagonistes de la pièce de théâtre qui se joue (Sensevy, 2007). Celle-ci est disséquée pour retrouver « le ou les coupables ainsi que les témoins » de l’apprentissage.
  • La théorie de l’action conjointe met en évidence la place fondamentale de l’enseignant dans la conception des jeux d’apprentissage au sens défini par Sensevy. Elle peut être amenée à repérer si l’enseignant conçoit des jeux d’apprentissage à forte densité culturelle, imprégnés de ce qui fait l’épistémologie de la pratique. Dans ce cas, l’enseignant peut, alors faire du simple jeu scolaire, un jeu culturel « fort », à forte intensité émotionnelle qui approche les élèves de ce que les experts ont déployé ou déploient comme activité technique pour réussir (jeux épistémiques source). En d’autres termes, dans ce cas précis l’enseignant conçoit des jeux d’apprentissage proches des jeux épistémiques déployés par les experts (Sensevy parle de jeux épistémiques cibles.)
  • Dans la TDAC, la place de l’enseignant est fondamentale : s’il conçoit les jeux d’apprentissage à forte densité culturelle et révèle à la classe les règles définitoires[[ « les règles définitoires sont données par la situation et par la médiation du professeur : elles précisent « comment jouer au jeu » ; la production de règles stratégiques a pour but de permettre aux élèves de gagner au jeu » : elles représentent à la fois un enjeu et un résultat de l’action didactique conjointe. Ces règles stratégiques, souvent de type déclaratif, s’actualisent ou non dans l’action effective en stratégies. » (Senvevy, 2012, p.358) ]] du jeu d’apprentissage sans lesquelles on ne peut jouer, il amène la classe à intégrer les règles stratégiques qui permettent de gagner au jeu.
  • La méthodologie proposée par la théorie de l’action conjointe, analyse (sans apriori) par exemple si l’enseignant conçoit un milieu compris au sens de Brousseau (1998) et s’inscrit dans un contrat didactique dit « en réticence » (Sensevy, 2007)[[Sensevy, s’appuyant sur la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1998) met en évidence que l’appropriation active du savoir par l’élève (proprio motu) passe par une « certaine réserve de celui qui sait ». ce qui ne signifie pas pour autant retrait de l’enseignant, car la construction du savoir n’est possible que par la relation dialogique à celui qui « sait » (Roesslé, 2012).]]. Ce modèle de contrat doit permettre à l’élève de vivre en responsabilité les activités et s’exercer proprio motu (de son propre mouvement, de sa propre volonté) le savoir enseigné[[On ne peut en effet avoir la preuve de l’intégration d’un savoir lorsque l’élève est capable de refaire l’action efficace de son propre chef.]].
  • La TDAC et la relation enseignant chercheur : Le chercheur ne se positionne pas en juge du travail professoral, il analyse sans s’exprimer en termes d’erreur, de manques ou de corrections et « se met à l’écoute de la complexité du faire (Sensevy, 2012, p.355). Si le chercheur déconstruit « sa position de surplomb », il ne s’efface pas pour autant. « (…) il apparaît que le chercheur didacticien dispose d’un langage spécifique permettant de dire autre chose des gestes enseignants, de dresser des connexions entre certains d’entre eux, de faire affleurer une autre partie de leur sens. » (sensevy, 2012, p.354)

1 : Pourquoi une recherche en ingénierie didactique en cirque.

Notre ingénierie comporte deux objectifs.

1) Elle est tout d’abord conçue comme un système de situations de cirque[[Le cirque : Une définition a minima est proposée par Jean-Michel Guy qui s’appuie sur « le fonds commun » du cirque à savoir ses disciplines circassiennes et le champ de compétences associées. (Guy, 2006, p.65)]] au sein desquelles les élèves font l’épreuve de la fonctionnalité des savoirs. Concernant l’activité des élèves, nous insistons sur la question essentielle suivante : « pratiquer le cirque en artiste circassien favorise-t-il vraiment son apprentissage et son enseignement (comparativement aux méthodes habituelles d’enseignement scolaire) ? ».

2) Cette question, que nous discutons au cœur de notre recherche, est ensuite conçue dans la perspective d’une ingénierie coopérative. Cette recherche d’ingénierie, de type participatif (Astolfi, 1993) également appelé coopérative (Sensevy, 2012), tente donc d’instaurer de nouveaux rapports professeur/chercheur, en particulier au travers de responsabilités partagées fondées sur un principe de symétrie entre eux, dans l’action conjointe[[Action conjointe et symétrie ne veulent pas dire équivalence des actions entre professeur et chercheur, mais plutôt complémentarité. La recherche en ingénierie coopérative est au plus près de la réalité professionnelle, elle s’appuie sur une collaboration étroite entre chercheur et enseignant et bénéficie d’un double éclairage : celui du chercheur qui, au regard d’un cadre théorique, discute les variables du milieu avec l’enseignant, celui de l’enseignant qui en retour conçoit les situations avec l’aide du chercheur et gère les interactions avec les élèves.]]. Ce type de recherche demande une étroite collaboration et une clarté des buts assignés à chacun[[Le rôle du chercheur consiste à formuler des hypothèses de recherche, tout en étant vigilant sur les variables de commande lors des essais en classe, à observer et évaluer les incidences de ces variables sur les apprentissages. L’enseignant est le co-concepteur des situations didactiques sous-tendues par les variables de commande, il demeure le médiateur et le régulateur des savoirs qu’il fait apprendre aux élèves.]].

Dans cette perspective, nous considérons l’activité du professeur et des élèves en cirque sous la description suivante : lorsque le professeur fait apprendre à l’élève un savoir (faire) en cirque, il fait travailler la résolution d’un problème d’élève. L’élève peut alors être amené à résoudre ce problème « comme un élève » ou à le résoudre « comme un artiste du cirque ». C’est la différence entre ces deux références que nous voulons pointer dans notre recherche. Dans le cadre théorique de la TDAC (Sensevy, 2012 ; Gruson, Forest & Loquet, 2012), le processus désigné par l’énoncé « le professeur fait apprendre [un savoir][[Dans l’énoncé global « le professeur fait apprendre à l’élève un savoir », nous plaçons une partie tour à tour entre crochets (comme une mise en veille momentanée) pour mieux éclairer chaque dimension de l’action à modéliser. ]] » est modélisé sous la forme de « jeu d’apprentissage ». Le processus désigné par l’énoncé « le savoir [que le professeur fait apprendre] » est modélisé sous la forme de « jeu épistémique ».

En d’autres termes si le jeu d’apprentissage se définit comme un jeu du professeur sur le jeu de l’élève, le jeu épistémique est extérieur et correspond à une création ou œuvre culturelle telle que le cirque.

Nous avançons alors que résoudre le problème posé par le professeur « créer comme un artiste de cirque » renvoie à un jeu épistémique que nous qualifions de « source » (Sensevy, 2012). Le jeu épistémique source (issu de l’activité cirque) constitue une référence pour la conception des jeux d’apprentissage qui doivent permettre l’émergence du jeu épistémique : on parle alors de jeu épistémique émergent. Ce jeu épistémique émergent doit être « traqué » dans les différentes interactions enseignants-élèves, élèves entre eux, en posant une question du type : dans la pratique du cirque observée chez les élèves, de quelles habiletés se rendent-ils capables ?

2 : L’objet de notre recherche

L’objet de notre travail est donc de décrire la distance (proximité) du jeu épistémique émergent des élèves au jeu épistémique source des experts. En d’autres termes, nous voulons décrire les situations proposées (jeux d’apprentissage) et analyser en quoi elles engagent nos élèves dans une construction de savoirs circassiens (jeu épistémique émergent) relatifs aux pratiques des experts (jeu épistémique source). Au final, l’ambition de notre ingénierie est de construire la classe comme un collectif instituant une version scolaire d’une compagnie d’artistes circassiens.

3 : le cadre méthodologique de Michèle Artigue

Notre recherche s’appuie sur la méthodologie issue des travaux de Michèle Artigue en Ingénierie didactique en mathématiques (1988). Cette méthodologie précise la nécessité de respecter les différentes phases de la méthodologie d’ingénierie. Elles comportent quatre phases :

Phase 1 : Les analyses préalables.

Dans une recherche d’ingénierie didactique, la phase de conception de contenus d’enseignement s’effectue en s’appuyant sur un cadre théorique didactique général. Nous nous sommes penchés sur la singularité de la transposition didactique[[CHEVALLARD M., La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné, Grenoble, La Pensée sauvage, 1985. ]] en EPS pour notamment saisir la question des pratiques de référence dans le domaine artistique. Nous avons complété l’analyse par l’étude diachronique et synchronique des différentes formes sociales des Arts du cirque[[ GUY J-M. « Que sont les arts du cirque ? » in cirque d’aujourd’hui, Arts de la piste numéro spécial année Arts du cirque 2001-2002, 2001, p.34.]] qui nous permet de saisir sa singularité dans le paysage des activités « du donné à voir » notamment dans la prise de risque[[WALLON E., (dir) Le cirque au risque de l’art, Actes sud, Paris, 2002.]]. Nous étudions les différents travaux sur « les savoirs de la pratique » réalisés sur l’acrobatie[[ PEIGNIST M. (2010) « L’homo acrobaticus » in l’acrobatie, coordonné par Denis Haw, Revue EPS, p.11-28.]], la jonglerie[[GUY J-M, « Jongler n’est pas jouer » in Wallon E. Le cirque au risque de l’art, Paris, Actes sud, 2002, p.110-122.]], le rapport au corps technique et artistique dans sa théâtralité[[LECOQ J., le corps poétique, actes sud-papiers, cahier, 1997.]], son rapport esthétique au risque, son rapport au spectateur[[[17] HOTIER H. L’imaginaire du cirque, Arts de la piste, Arts de la rue, l’Harmattan, 2005.]]

Cette approche épistémologique et anthropologique nous guide sur les options didactiques et pédagogiques à retenir pour la conception apriori du cycle expérimental. Cette étude se complète d’une analyse de la démarche de création[[ MOREIGNE M., « Le processus de création d’un spectacle » in cirque(s) d’aujourd’hui, Arts de la piste 2001-2002, Edition Hors les murs, 2001.
]] utilisée par une compagnie de cirque contemporain professionnelle de la région Lilloise, la compagnie Méli-Mélo[[ www.cirquemelimelo.com]] afin d’en retenir certains principes. Cet examen nous a permis de choisir certaines options didactiques pour la construction de notre cycle expérimental, notamment pour les variables relatives à la création artistique, au travers de l’importance de la place des contraintes ou règles qui conditionnent la création, du rôle du spectateur et de l’instauration du « carnet de création ».

Nous avons analysé les savoirs de type didactique divulgués dans les ouvrages ou revues professionnelles afin de relever les tendances de l’enseignement du cirque à l’école (dossier Arts du cirque revue EPS, revue EPS, EPS1, revue Hyper, les productions CNDP avec notamment le travail d’Alexandre Del Perurgia.[[BENDER R., DEL PERURGIA A. & LISIKI A-L, Jeux d’enfance, jeux de cirque, DVD CNDP, CNAC collection entrer en théâtre dirigé par LALLIAS J.-C., 2007.]]).

Les analyses préliminaires doivent faire le point sur les enseignements usuels et ses effets en termes d’insatisfactions et d’obstacles à lever (analyse des programmations des APSA de l’Académie du Nord Pas de Calais- Analyse d’un cycle antérieur réalisé par une équipe d’un collège valenciennois[[Collège Carpeaux de Valenciennes.
]] et l’enseignant associé Pierre Dubois[[Collège Onnaing (59)]]. Cette étude nous permet d’établir ainsi les hypothèses initiales de la conception et du pilotage des dispositifs de l’enseignement usuel du cirque en collège.

L’analyse des contingences relatives à la dimension didactique associée aux caractéristiques du fonctionnement du système éducatif et notamment de la réalité des nouveaux programmes d’EPS en vigueur depuis la rentrée scolaire 2009 complète les analyses préalables et fixe les contingences de la conception du cycle expérimental, notamment autour de la compétence attendue collège niveau 1 en Arts du cirque. Afin nous explicitons le cadre de démarche didactique et pédagogique inspirée des travaux de formation continue de l’Académie de Lille[[Ce groupe est piloté par Jacques Lemaire et Francis Lebrun. Le groupe disciplinaire cirque est composé de Laurent Lemai, Alexandre Devisse, Sébastien Cattez, Pierre Dubois et Joëlle Coasne.]].

Phase 2 : Conception et analyse a priori du cycle

« L’objectif de l’analyse a priori est donc de déterminer en quoi les choix effectués permettent de contrôler les comportements des élèves et leur sens. Pour ce, elle va se fonder sur des hypothèses et ce sont ces hypothèses dont la validation sera, en principe, indirectement en jeu, dans la confrontation opérée dans la quatrième phase entre analyse a priori et analyse a posteriori » (Artigue, 1988).

Notre hypothèse principale

Pour que les élèves approchent la réalité du jeu épistémique du circassien expert « en création » ou « vivre une tranche de vie de circassien » Portes (1999), et intègre les savoirs comme de nouvelles « puissances d’agir »[[Puissance d’agir : « Savoir en APSA c’est pouvoir faire en situation, pouvoir réfléchir, calculer et pouvoir parler dans la mesure du possible de ce qu’on fait. Cette approche des savoirs incite toujours à se demander quelle est la situation dans laquelle ou pour laquelle le savoir permet de « résoudre le problème ». Et ceci, sans qu’il soit question d’opposer l’agir et le comprendre, le sensori-moteur et le cognitif. (Loquet et Roesslé, 2012, p.100)]] (Sensevy, 2007), il est nécessaire de leur faire vivre le processus de création d’un spectacle comme une compagnie de cirque pourrait le faire au travers de différentes étapes : « commencer, expérimenter, présenter et laisser traces » (Moreigne, 2001)

Alors nous postulons pour la mise en place de notre expérimentation que le maintien de la complexité de l’activité culturelle cirque est essentiel : maintenir des contraintes (culturelles) qui font que l’on joue au cirque et que l’on reconnaît le cirque en tant qu’activité artistique : réaliser des « difficultés techniques» en prenant des risques tout en s’inscrivant dans une posture artistique et expressive.

La corollaire à cette hypothèse est que pour faire vivre aux élèves une démarche de création « authentique » proche du jeu épistémique source, il faut faire entrer la classe dans un rapport de confrontation systématique entre artistes et « regardeurs » qu’il soit chorégraphe ou spectateur. Doit s’instaurer alors une verbalisation autour de l’œuvre qui permet la structuration de la pensée créatrice. Il doit y avoir débat sur le donné à voir entre les regardeurs et les artistes pour que le processus de création se mette en place. Le spectacle devient une co-construction artistique. (Motais, Louvel, 2012)

Phase 3 : l’expérimentation

L’expérimentation porte sur neuf séances conduites avec une classe de 5ème de quinze élèves (neuf garçons et six filles) aux résultats scolaires hétérogènes. L’enseignant partage un gymnase B avec un collègue qui enseigne le volley-ball, ce qui rend les conditions acoustiques difficiles. P. délimite un espace intimiste par des ½ tables de tennis de tables disposées à la verticale autour d’une « scène » de 20 m x 15 m, découpée en quatre espaces tracés à la craie. Face à l’espace scénique, des tapis sont installés pour permettre aux élèves spectateurs de s’asseoir. Pour les élèves acteurs, trois espaces « coulisses » sont organisés au fond, à droite et à gauche de la scène. Cette délimitation des espaces ainsi que les séquences de travail correspondantes sont ritualisés à chaque séance. La classe est répartie en quatre groupes de travail. Pour une meilleure lisibilité, lorsque toute la classe travaille, les élèves endossent des dossards de couleur différente par groupe. Un lieu d’explication de séance est créé avec des bancs face à un tableau noir. Une sono de bonne puissance diffuse les musiques retenues pour le cycle.

Chaque séance est filmée. Des entretiens ante et post leçon ont été menées avec l’enseignant afin d’organiser les leçons en fonction des bilans. A l’issue du cycle des entretiens sous-tendus par le visionnage de séquences choisies du cycle ont été réalisées avec l’enseignant et cinq élèves.

Phase 4 : analyse apostériori

La phase d’analyse dite a posteriori s’appuie sur l’ensemble des données recueillies lors de l’expérimentation : observations réalisées lors des séances d’enseignement, mais aussi productions des élèves lors de l’écriture de leur carnet de création. Cette phase s’organise à partir des outils construits par la théorie de l’action conjointe didactique (TACD) (Sensevy, 2007). Ces outils passent au crible les interactions verbales et corporelles des leçons pour « traquer » les stratégies gagnantes aux jeux d’apprentissage développées par les élèves. Cette analyse permet de déceler le jeu épistémique émergent et sa proximité avec le jeu épistémique-source.

Les résultats de ces observations sont complétés par des données obtenues à l’issue du cycle lors d’un entretien individuel avec l’enseignant et d’un entretien de petits groupes d’élèves. Nous analysons les données obtenues par la confrontation des trois relevés suivants : les variables utilisées au cours de la séance, les interactions élèves/enseignant et le descriptif des conduites des élèves face aux variables de commande enchâssées dans les situations proposées.

C’est la confrontation des deux analyses : analyse a priori de la phase 2 et analyse a posteriori de la phase 3 qui fonde essentiellement la validation des hypothèses engagées dans la recherche.

4 : Des choix pour que le jeu d’apprentissage renvoie au jeu épistémique

Nous reprenons à notre compte le postulat développé par Loquet et Roesslé[[« Entrée des jeunes enfants dans la culture sportive, la place des jeux épistémiques dans les lieux d’éducation », in Gruson B., Forest D & Loquet M. (dir), Jeux de savoir, études de l’action conjointe en didactique, Rennes, PUR, 2012, p. 91)]](2012) en ce qui concerne l’enseignement : « Nous postulons qu’un savoir prend du sens, lorsqu’il insère dans une culture, dans une œuvre, une histoire, une compréhension du monde, autrement dit lorsqu’il fait entrer l’enfant dans des jeux épistémiques, envisagé comme moyen de devenir individuel et collectif, d’un devenir partagé avec les autres générations. »

Il semble ainsi fondamental de faire vivre les émotions[[« Il y a là tout un héritage d’expérience accumulée, ramassée, codifiée, stylisée des schémas de conduite, des comportements quasi instinctifs aux significations obscures, l’action persistante, insistante, et surtout motivante d’une affectivité ressentie dans la participation à une sorte d’inconscient collectif qui se matérialise dans les structures du sport. » (Jeu, 1977, p. 10).
]] intrinsèques à l’activité, d’enclencher des bascules significatives sur le plan des organisations motrices. De spontanées, elles doivent tendre vers la nécessaire compréhension et intégration de techniques comprises comme solutions ou inventions provisoires au problème rencontré dans la situation.

Tous les choix que nous avons faits l’ont été avec l’idée que les jeux d’apprentissage doivent renvoyer aux jeux épistémiques déployés par l’expert. En d’autres termes que les jeux proposés aux élèves deviennent à la fois leurs propres jeux (eux seuls vont décider de jouer) mais renvoient aussi aux jeux de l’expert de cirque. Pour cela, le couple enseignant chercheur a déterminé un milieu et un contrat (Brousseau, 1998) constituant l’arrière-fond (Sensevy, 2012) des jeux d’apprentissage comprenant

  • un lieu : l’espace est une scène balisée par des coulisses (des demi-tables de tennis de table redressées) et non une piste[[Bien que les circassiens contemporains reviennent pour certains à cet espace emblématique du cirque classique, la piste n’a plus l’exclusivité de la création circassienne : la scène, le théâtre et la rue sont les nouveaux lieux d’expression. D’autre part, la spécificité de ce lieu est complexe à gérer pour l’artiste et demande un apprentissage long difficilement conciliable avec le temps scolaire. En effet cette circularité « où tous les regards convergent » exerce une grande pression difficilement soutenable pour un élève débutant. « La folie du voir panoptique fait du cirque une arène globale. Rien ne peut échapper à la vision. Elle est même l’élément principal de ce qui se déroule sur la piste. Ce voir exorbitant distribue le cercle comme une succession de points sont la somme à valeur d’œil unique. Le 360° oblige à se mouvoir de manière cubiste, à savoir que de chaque angle de vue il doit être possible d’observer la même chose. » (Ciret, op.cit , p.127)]],
  • un temps : toute la classe travaille en même temps (pas de travail en atelier qui fragmente les interactions)
  • un quoi : trois objets d’étude :
    • la jonglerie minimaliste[[La jonglerie minimaliste dont l’un des chefs de file est Jérôme Thomas se différencie de la jonglerie maximaliste (manipulation aérienne de nombreux objets) qui est caractéristique du cirque traditionnel.]], avec le lancer (avec l’utilisation d’un code sideswap adapté), le contact (balle posée sur une partie du corps), l’isolation (la balle placée à un endroit du corps se déplace et guide le corps) et le flash (un lancer avec une forme de corps associée (tour, acrobatie, posture expressive, réception au sol etc…Ces figures vont être au service d’une machine à jongler collective. La chute de la balle est dédramatisée et est considérée comme une « ouverture » à l’improvisation créatrice.[[Paradigme idéologique de la jonglerie contemporaine (cf.CARASSO J.-G. & LALLIAS J.-C., Jérôme Thomas Actes Sud-Papiers/CNAC, 2010.
      ]]
    • l’acrobatie (à base de porters collectifs qui correspondent plus à des jeux « d’extrémités » en référence aux travaux didactiques de Marielle Brun[[Brun M. & Gal-Petitfaux N. (2006) : « Un format pédagogique particulier selon l’éclairage théorique de l’action située » Revue EPS.]] et aux travaux anthropologiques de Myriam Peignist (2010).
    • Le « coup de projecteur » : l’élève réalise son meilleur niveau de maîtrise dans l’une des trois disciplines (jeu d’acteur, acrobatie ou jonglerie). Il s’agit pour les autres camarades de mettre en valeur l’exploit du camarade en adoptant des postures et des attitudes pouvant mettre en valeur l’artiste[[Ces techniques de mise en valeur de l’artiste par le « chœur » constitué des « silhouettes » sont inhérentes au jeu circassien. C’est la barrière dans le cirque classique ou les partenaires dans le cirque contemporain.]].
    • Les différents événements se retrouveront enchainés grâce à des circulations en jeux de poids contrepoids qui doivent donnés l’impression que l’on est tiré par un fil imaginaire par le bout du nez, ou par le pied ou par les fesses.[[Ces circulations les engagent dans les « jeux de masques ou Mimicry » Caillois cité par A. Del Perurgia pédagogue du CNAC : Centre National des Arts du Cirque)]]
    • L’enjeu est d’amener les élèves à s’inscrire dans une démarche de création telle que la vive les professionnels[[Nous nous référons ainsi à la chrono-genèse du spectacle Tétatétakam de la compagnie Méli-Mélo.]]. Les élèves s’inscrivent ainsi dans le processus de création d’un spectacle qui s’articule autour des items suivants: « commencer-expérimenter-présenter- laisser traces » (Moreigne, 2006)
  • Un comment : On distingue ainsi à chaque séance :
    • Une phase de recherche collective qui est balisée par un jeu de règles spatiales, temporelles et motrices.
    • Une première phase de spectacle appelée « 1er coup d’œil »[[Expression que nous empruntons à Laurent Lemai.]] devant un groupe où les spectateurs sont invités à conseiller le groupe sur des questions techniques, artistiques ou de mise en scène (l’enseignant donnant des indicateurs précis relatifs à ces critères)
    • Une seconde phase de travail en « remédiation »
    • Une troisième où à nouveau les élèves produisent « la forme améliorée » devant les spectateurs qui répondent alors à la question « épistémique » du cirque : c’est difficile ? C’est risqué ? C’est original ? C’est expressif ? On y croit ou pas ? Ces questions renvoient d’emblée à la « génétique » du cirque qui s’inscrit à la fois dans « les jeux de l’Ilinx ou de vertige et les jeux de Mimicry ou de masques» (Caillois, 1957) La question de l’engagement et de l’authenticité restant une question fondamentale pour toutes les activités de spectacle.[[Nous nous référons ici au travail d’A. Del Perurgia (Bender R., Del Perurgia A. & Lisiki A-L (2007) Jeux d’enfance, jeux de cirque, DVD CNDP, CNAC collection entrer en théâtre dirigé par Lallias J-C.]]
    • Une dernière phase où chaque groupe choisit sous les conseils des spectateurs sa musique (parmi différentes présentées et essayées). Chaque groupe a un carnet de création qui est rempli à chaque séance (ils notent leurs idées, les conseils des spectateurs et qui correspond au carnet utilisé par les professionnels qui laissent ainsi une « trace » de la « matière » trouvée.

En résumé, à chaque séance et pour chaque objet d’enseignement les trois dimensions sont travaillées: technique, artistique et mise en scène. La technique peut être au service du projet artistique ou l’inverse, la technique crée une image expressive (marcher avec une balle posée sur la nuque fait penser à un petit vieux, tenir la balle avec deux doigts écartés à une cigarette). Les trois dimensions s’enrichissement mutuellement.

5 : Les résultats la discussion:

1. : les résultats : analyse de la séance de spectacle.

L’enseignant d’EPS qui veut évaluer les activités artistiques (Danse et cirque) est face à un paradoxe (Commandé, 2009). En effet, si l’art ne s’évalue pas, car ne s’inscrivant pas dans une logique de progrès, l’enseignant d’EPS se doit d’évaluer ce qu’il a enseigné, cet acte faisant partie intégrante de sa mission. Pour dépasser ce paradoxe, il revient à l’enseignant de dépasser le jugement subjectif de goût[[Pour Kant, juger esthétiquement est donc incompatible avec la raison car ce n’est pas l’objet jugé qui est pris en compte, mais le sujet qui apprécie et juge l’objet dans son ressenti à lui de plaisir ou de déplaisir. (Kant, E., Critique de la faculté de juger, Gallimard, coll. La Pléiade, t 2, Ed.1985, p. 1004, cité par Commandé, 2009)]] face à l’œuvre qui échappe au savoir, car uniquement attaché à la personne qui juge et adopter le jugement d’objet[[« Dans un jugement de connaissance, la représentation que l’on a de l’objet et qui se dit dans le jugement est mise en rapport avec l’objet lui-même qu’il s’agit de connaître. » ATELIER D’ESTHÉTIQUE (collectif) (2002), Esthétique et philosophie de l’art, Bruxelles, De Boeck Université, p. 109, cité par Commandé, 2009)]] s’attachant au « vrai » qui s’appuie sur une saisie conceptuelle de l’objet en tant que tel avec des propriétés, et ce dans une visée utilitaire. Au jugement de l’objet peut s’ajouter le jugement de goût : « Ici le plaisir (ou déplaisir) se construit en relation avec la raison, on peut dire qu’il se conceptualise » (Ibid, p.5).

Si l’œuvre née de l’intention du danseur et de l’attention du spectateur (Genette, 1992)[[Genette, G., (1992) Esthétique et poétique, Paris, Seuil.
]], l’enseignant se doit d’être un spectateur particulièrement attentif. Pour réaliser une évaluation s’attachant au vrai, l’enseignant détermine les critères qui font référence aux propriétés de l’objet à partir des contenus d’enseignement mis en œuvre pendant le cycle. En d’autres termes, l’évaluation doit saisir dans les signes-processus (Montais-Louvel, 2012, p.87) des productions terminales ce qui relève de l’acquisition de la compétence, de la nouvelle « puissance d’agir » (Sensevy, 2007) des élèves.

1.1 : L’évaluation et les grilles :

L’évaluation prend en compte les quatre événements : jonglerie (machine), les circulations 1 (phrase en poids contrepoids 1 qui amène le porter statique) et circulation 2 (phrase en poids contre poids 2 qui enclenche le porter dynamique) et le coup de projecteur. Chaque événement est noté sur 5 points. La grille comporte pour chaque événement trois niveaux de maîtrise. Un bonus de 0,5 à 1 point est accordé en fonction de l’articulation entre les différents événements[[On lit : de l’ensemble décousu (00) à l’ensemble structuré (0,5) à la dissertation argumentée (1pt).]]. La grille comporte pour chaque niveau une description de comportement attendu.

C’est ainsi que l’on repère systématiquement pour l’aspect technique de chaque événement le qualificatif « complexe » décrit en fonction de la spécificité de l’événement par exemple pour la jonglerie, on lit : « Manipulations en synchro et/ou décalées qui combinent des trajets complexes avec les contraintes suivantes. Manipulation à différentes hauteurs, en dehors du champ de vision ; trajectoires, circulations, contacts complexes »

Pour l’aspect artistique l’expression « ON Y CROIT DU DEBUT A LA FIN » (pour le niveau 3)[[Pour le niveau 1 : « hésitations, on n’y croit pas du tout, pour le niveau 2 : on y croit par moment.]] cherche à spécifier la qualité de l’interprétation et son impact sur le public. On lit : « Présence, postures expressives, circulations plus élaborées (Léonard de Vinci collectif) existent tout au long du numéro. Variations d’énergies marquées. Les personnages sont bien établis et servent le propos. »
Sur le plan de la mise en scène : l’utilisation de l’espace scénique et la prise en compte du spectateur est évalué. Par exemple, pour le niveau trois, les indicateurs de comportement s’expriment en ces termes : « L’espace est exploité en fonction de l’effet produit par événement. Recherche d’orientations, de trajet et d’espace précis en fonction de l’effet de l’événement sur le spectateur… »

Les critères déterminés par l’enseignant reprennent les objets et contenus d’enseignement du cycle : à savoir la part de technique, d’artistique et de mise en scène d’une production circassienne. A chaque objet correspond des critères testés par les élèves lors de leurs différentes démonstrations pendant le cycle. Ces critères qui soutiennent les signes-processus ont été repérés et travaillés d’un point de vue chronogénétique dans la dimension méso- (au cours d’une même séance) et macro-didactique (au cours du cycle).

1.2 : Le spectacle final :

Nous avons analysé la production finale des quatre groupes qui ont présenté quatre productions originales. Chaque groupe a agencé les quatre événements (acrobatie portée, jonglerie, circulations, coup de projecteur) de façon singulière. Les élèves semblent avoir intégré à des degrés différents la dimension théâtrale du cirque. Si certains sont entrés dans un jeu burlesque utilisant les mécanismes du rire (Bergson, 1900) notamment le principe « du mécanique dans le vivant », d’autres (3 élèves sur 15) restent sur une dimension technique de l’activité. Tous ont mémorisés leur œuvre et ont pris un vif plaisir à présenter leur travail. Deux élèves ont dépassé le contrat en présentant les spectacles de leurs camarades sous forme d’entrées clownesques (Rémy, 1962).

2. : Bilan jeux d’apprentissage jeux épistémiques.

2.1 : Les jeux d’apprentissage observés autour des trois genèses (méso-top-chrono genèses(s)) et d’un quadruplet définir, dévoluer, réguler, institutionnaliser (Sensevy, 2007).

Nous avons analysés toutes les interactions langagières et corporelles qui constituent les leçons et en faisant le bilan autour du triplet des trois genèses (Sensevy, 2007)[[« On pourrait ainsi caractériser les trois genèses comme suit : la mésogenèse pose la question quoi ? ou plus précisément comment quoi ? Elle incite à identifier le contenu épistémique précis des transactions didactiques. La chronogenèse pose la question quand ? plus précisément comment quand, Elle incite à identifier la nature et les raisons du passage, à un certain moment, d’un contenu épistémique à un autre. La topogenèse pose la question qui ? plus précisément comment qui ? Elle incite à identifier comment le contenu épistémique de la transaction est effectivement réparti entre les transactants. La catégorie de topogenèse constitue ainsi un analyseur privilégié de la nature conjointe des transactions » (Sensevy, 2007).]] considérées dans leurs interrelations. Dans ce triplet, nous faisons fonctionner un autre outil d’analyse construit par Sensevy (2007) le quadruplet qui définit la dynamique des jeux d’apprentissage et en particulier le rôle de l’enseignant : définir, dévoluer, réguler, institutionnaliser (Sensevy, 2007).

Pour résumer cette analyse nous pouvons dire que le milieu didactique est proche de celui dans lequel évolue l’expert, que les choix d’objets culturels (à charge instrumentale faible) : jonglerie à une balle, acrobatie portée de faible hauteur ont permis l’exploration d’une dimension théâtrale (charge sémiotique) forte.

Les jeux d’apprentissage basé sur la confrontation systématique entre les spectateurs et les acteurs ont permis la co-construction des différents spectacles et le partage d’une « grammaire commune » (reconnaissance de tous de signes processus : qu’est-ce que faire difficile ?, qu’est ce qui fait que l’on y croit ou pas, qu’est ce qui fait qu’en tant que spectateur on se sent concerné).

D’autre part l’attitude en réticence (Sensevy, 2007) de l’enseignant dans le contrat didactique (Brousseau, 1998) a permis aux imaginaires d’élève de fonctionner. Les réponses originales ainsi apportées sont repérées lors des phases des « premiers coups d’œil » et l’occasion d’échanges autours des trois items répétés (difficile ? original ? on y croit, on se sent concerné ?) permettant ainsi de resserrer les représentations des spectateurs et acteurs autour des jeux épistémiques.

Le processus de création s’est mis en place à partir des expérimentations basées sur improvisations cernées par des règles (définitoires). C’est ainsi que les élèves ont intégré voire dépassé les règles définitoires comme peut le faire un expert qui au départ se donne une règle pour, au cours du jeu (ici épistémique) la dépasser. Par exemple lors d’un jeu d’apprentissage en jonglerie qui consiste à donner l’impression que la balle conduit le mouvement, Val organise la circulation balle vivante à partir d’un scénario : il fait de sa balle un véritable adversaire qui vient le combattre en lui portant des coups. L’analyse du cycle nous montre que les élèves usent de la règle, la prolongent et jouent avec elle sans la détourner, signe pour nous d’une émancipation de l’élève qui s’inscrit ainsi dans une réelle démarche d’artiste créateur expert[[Necker S. & Tribalat T., (2009) Règles à respecter, règles à transgresser dans les mondes de la danse et du spot d’aujourd’hui. In Que proposer à l’étude des élèves en EPS ? Cahiers du CEDRE, Edition AEEPS. n°8 p89-93.]] qui circonscrit de façon responsable et autonome son activité artistique[[ « La responsabilité est une troisième dimension intrinsèque de l’apprentissage : si l’on veut enseigner quelque chose à quelqu’un, il faut que celui-ci agisse en « première personne » (Loquet, Marlot & Santinin, 2011, p13).]].

Les élèves ont intégré à la fois les règles définitoires du cirque (faire difficile et expressif) et des règles stratégiques du jeu circassien : pour gagner au jeu : intéresser un public et l’émouvoir il faut faire difficile, varié, jouer avec le public, être à l’écoute, mémoriser, savoir improviser s’il y a chute ou oubli, s’engager avec authenticité (y croire), savoir s’orienter etc…

Pour aider le lecteur à comprendre la démarche suivie, nous exposons dans l’article suivant un diaporama proposé aux collègues en formation continue.

Conclusion : cette recherche qui s’inscrit dans la réalité professionnelle questionnée par les nouveaux programmes de collège de 2008 a pour fonction de revenir à la pratique car comme le souligne Yvon Léziart « Le moins que puisse faire un chercheur en didactique, c’est de rendre visible les productions qu’il fait. Ça naît des pratiques, il faut en quelque sorte que ça retourne aux pratiques. C’est la grande force des recherches en enseignement dans le milieu STAPS » (Léziart, 2006)

Bibliographie :

MOREIGNE M., « Le processus de création d’un spectacle » in cirque(s) d’aujourd’hui, Arts de la piste 2001-2002 Edition Hors les murs, 1999.

PORTES M., Etre formateur d’enseignant d’EPS, Edition AEEPS, Cedre, 1, 1999.

LEZIART Y., Logique scolaire et logique sociale : détermination de l’identité scolaire de l’Education Physique et Sportive. SPIRALE Revue de Recherches en Éducation, 42, 2008, p.19-30.

MARTINAND, J-L., Pratiques de référence et problématique de la référence curriculaire. In A. Terrisse (Ed.), Didactique des disciplines. Les références au savoir, Bruxelles, De Boeck Université, 2001, p. 179-24.

SENSEVY, G., MERCIER A., SCHUBAUER-LEONI M-L., LEUTENEGGER (dir)

Agir ensemble, l’action didactique conjointe du professeur et des élèves, Editions Presses Universitaires de Rennes, 2007.

LOQUET M. MARLOT C. & SANTINI J. (dir) Jeux d’apprentissage, jeux épistémiques et théorie de l’action conjointe en didactique, 2012,

LOQUET M. & ROESSLE S. « Entrée des jeunes enfants dans la culture sportive, la place des jeux épistémiques dans les lieux d’éducation in Gruson B., Forest D. et Loquet M., Jeux de savoir, Etudes de l’action conjointe en didactique, 2012, p. 91-118.

MONTAIS LOUVEL G., « Pratiquer une activité chorégraphique à l’école primaire : Quels jeux épistémiques », in Gruson B., Forest D. et Loquet M. (dir) Jeux de savoir, Etudes de l’action conjointe en didactique, 2012, p. 59-89.