En danse, renforcement musculaire et prévention des blessures

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Apparition de la musculation dans la formation des danseurs : Paola Braga, conseillère pédagogique au Centre National de la Danse, explique.

Les danseuses et danseurs professionnels que nous accueillons ici dans le cadre de la formation continue, arrivent avec une formation très souvent de longue durée, par exemple, en danse classique dans un conservatoire, elle peut être de l’ordre de 8 à 10 ans, et avec un programme très codifié, systématisé ; ou alors ils peuvent provenir aussi d’une formation dans des studios privés. Dans tous les cas, les formations sont spécifiques aux diverses danses, et donc très différentes : des danses contemporaines au flamenco, en passant par les danses urbaines, la danse classique, etc.

La routine régulière des danseurs commence normalement par un entraînement technique spécifique quotidien d’environ 2H, suivi, selon les moments, de répétitions des spectacles en cours, de créations, ou tout simplement d’un entretien exigeant et indispensable.

« Il y a une certaine appréhension à ce que l’entraînement sportif puisse interférer, transformer, voire nuire au corps du danseur. »

Sans s’y substituer et en complément, apparaît depuis plus d’une dizaine d’années, un autre entraînement, fait de musculation, circuits training, de Pilates, cross training, cross fit, fit ballet etc, (avec des effets de mode aussi qui font que certaines activités de ce type apparaissent et disparaissent) et dont le but est le renforcement musculaire, force et résistance des danseurs, d’une part, et prévention des blessures d’autre part (plusieurs études, principalement anglo-saxonnes, en ont montré l’utilité et l’efficacité). Que ce soit né là-bas n’est pas étonnant, c’est conforme à leur mentalité pragmatique et opportuniste de penser à associer certaines activités qui paraissent utiles à l’entraînement régulier du danseur. Au New York City Ballet, par exemple, il y a des années déjà, ils ont mis au point un entraînement de « fitness » spécifique pour les danseurs.

Je crois qu’en France et dans plusieurs autres pays, il y a une certaine appréhension à ce que l’entraînement sportif puisse interférer, transformer, voire nuire au corps du danseur. Il y a une crainte que le corps soit entraîné dans un registre différent de la danse, que le travail musculaire soit« abimé » et l’expression artistique compromise. Ce qu’il faut bien voir, c’est que les corps sont très différents les uns des autres et qu’il est nécessaire de veiller à ce que chaque corps soit respecté. Pour un entraînement complémentaire à la danse, un entraîneur doit donc adapter son programme aux besoins de chaque corps, de chaque danseur et des différentes danses. Les techniques somatiques, beaucoup utilisées par des danseurs contemporains, comprennent le corps en relation avec le monde.
Elles facilitent une certaine aisance au corps, ce sont des approches fonctionnelles qui apportent davantage d’harmonie et de bien-être au corps. C’est ainsi que certains danseurs vont aller chercher des compléments de formation dans ces registres, ou bien dans d’autres plus sportifs.
J’ai l’impression que ce mouvement est plutôt initié par les danseurs que par les compagnies, sauf quelques grandes compagnies qui travaillent avec des équipes en Pilates, circuits training, cardio etc, avec le but de prévenir les blessures et de nourrir un corps performant.

Pour ce qui nous concerne, nous avons mis au point au CND, en plus de l’entraînement technique, des stages destinés à mieux comprendre le corps qui danse, tant à destination des professeurs, que des danseurs. Notre département Ressources professionnelles a aussi mis en place un espace appelé Studio Santé, où les professionnels qui fréquentent le CND peuvent bénéficier d’un espace adapté à la prévention, à l’échauffement et à la récupération, ainsi que d’un accompagnement par un kinésithérapeute, de conférences et d’ateliers pratiques.

Aujourd’hui les danseurs sont actifs plus longtemps et doivent veiller à préserver et prendre soin de leurs corps. On est donc à la recherche d’un équilibre où tout va intervenir : la formation technique, le renforcement musculaire adapté, la connaissance et la compréhension du corps dansant, et enfin la prévention des blessures.

Entretien réalisé par Jean-Pierre Lepoix et paru dans Contrepied – n°26 Musculation