1972 : Une certaine lutte des CAS !

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Belle illustration, cette année là, de l’existence et de l’opposition de deux courants ” sportifs ” concernant l’EPS.
D’une part, le Secrétaire d’état J-S, Joseph Comiti tente de résoudre la quadrature du cercle : comment contourner l’objectif des 5 heures qu’il est quand même obligé de rappeler dans la circulaire du 9.9.71 et qui suppose de doubler le nombre des professeurs d’EPS ? Que va t-il imaginer, avec un projet de budget 72 en régression et quelques idées ” simples ” sur une politique d’animation sportive d’état ?
D’autre part, le SNEP, dans la logique de l’orientation pédagogique choisie en 1969, appelle la profession à relever le défi de la rénovation et la modernisation de l’EPS. II l’encourage à construire un enseignement à contenu culturel et sportif, répondant aux exigences éducatives. C’est même le thème du congrès 1972, conclu par une déclaration pédagogique sans ambiguïté sur la nocivité des projets en cours.


A cette époque, le SNEP obtient 86% aux élections professionnelles des professeurs d’EPS. II va renforcer sa recherche d’alliances : second degré, étudiants, Comité pour le doublement du budget J-S… Un montage de 80 diapos ” EPS 72, réalités et perspectives ” sera réalisé comme outil d’une campagne d’opinion.

” Structures nouvelles ” ?
C’est donc dans le cadre d’un rapport de force serré (10 000 manifestants le 8 juin 1972 devant le SEJS) que Comiti va tenter une nouvelle politique appuyée sur une forte campagne médiatique et ceci à côté des recettes classiques ” filles de la pénurie ” . transferts de postes des lycées vers les collèges sur la base d’horaires ramenés ” provisoirement ” à 3 heures – 1er cycle et à 2 heures – second cycle, animation de l’AS en heures supplémentaires, etc…
Les tentatives simplistes de 70-71 : créations de “carrefours sportifs ” (écoles – municipalités – clubs) ou implantation directe d’animateurs à l’école, ne sont pas reprises. II y a cependant une phase de tâtonnement avec la proposition grossière de la circulaire du 9.9.71 de faire valider les pratiques en clubs dans le ” temps – élève “.

Mais le SEJS va élaborer un produit idéologiquement plus performant, ce sera, après deux circulaires intermédiaires (25.11.71, 24.04.72) celle du 1 juillet 1972. On passera ainsi de la notion vague de ” structures nouvelles ” à celle plus franche de ” Centres d’animation sportive “, structures intermédiaires entre les clubs et l’école sur lesquelles pouvaient être nommés et intervenir les profs d’EPS.
Avec beaucoup d’hypocrisie et de mauvaise foi, une campagne officielle est menée auprès des collègues : ” l’optionnel “, ” le libre choix “, permettent le glissement de l’obligatoire au facultatif, ” l’ouverture sur la vie ” ; la sortie ” hors les murs de l’école ” à cause des APPN, justifient les bases extrascolaires ; l’enseignement sportif est distingué de l’EPS. En bref l’EPS ringarde doit faire place à la modernité ! II y a à la fois enjeu de contenu et enjeu institutionnel. Certains seront séduits ou piégés de bonne foi et d’autres plus ou moins complaisants. Ainsi le syndicat des maîtres (SNEEPS) se prononcera pour des ” écoles de sport ” puis pour des centres d’initiation sportive, non sans espérer une retombée corporative .
Mais l’idée de l’opération, c’est avant tout la démultiplication de l’action des enseignants : le maître peut devenir contremaître ! II suffit de lui adjoindre des animateurs, des intervenants extérieurs ! Un prof pour 400 jeunes ! Le profil du CAPEPS sera même ré-envisagé dans ce sens.

Le chat et la langouste[[Comiti avoue son échec avec les professeurs d’EPS le 21-2-73, dans l’Équipe “… avec leur syndicat je suis comme un chat qui tourne autour d’une langouste “]]
Le SNEP dénoncera le risque d’une déscolarisation mortelle de l’EPS, il appellera très fermement au boycott, au refus d’être affecté sur un CAS malgré les séductions géographiques. II dénoncera le gâchis financier et exigera la récupération des moyens attribués aux CAS. Chez des collègues attachés à l’extrascolaire et à l’ouverture sportive, cette intransigeance provoquera quelques incompréhensions durables. Quant à ceux qui parlent aujourd’hui d’un seul courant ” sportif “, ils ont du mal à expliquer ce moment d’histoire. Pourtant, le SNEP fera partager son point de vue par les parents, par les OMS et aussi dans la FEN

Quel est le bilan ?
Rentrée 72 : 200 postes CAS créés … 100 non pourvus
Rentrée 73 : 300 nouveaux postes CAS implantés mais un grand nombre seront récupérés pour le scolaire ou non pourvus.
Le SNEP maintient la pression.
Entre temps, en décembre 72 et janvier 73, deux fortes grèves auront lieu pour défendre le sport scolaire.
Avril 1973 : Comiti qui avait rêvé d’un millier de CAS rapidement doit, plutôt découragé, céder la place à Pierre Mazeaud. Celui-ci récupère un bébé mal en point et dans un premier temps, va assumer … profil bas . 350 CAS subsisteront en 74-75, la pente semble fatale !
Mais ceci est une autre histoire … la suite au prochain épisode.
Interrogation finale : Sans la résistance de la profession, une vaste politique d’animation sportive n’aurait-elle pas pu s’installer et modifier durablement le paysage ?
Question complémentaire : cette résistance aurait-elle été aussi forte si, à l’opposé du courant formaliste du moment, la profession n’avait pas en même temps travaillé (FPC dynamique, expérimentations) à construire un enseignement fondamental des APSA ?

Rappelons que cette chronique reprend d’une manière différente, les 10 moments-clés traités pas les 10 Posters de l’Exposition du Centre EPS /Société : “L’EPS prend dates :
1969-1985 “. Celle-ci tourne actuellement et a déjà permis des conférences débats à Lille (Plc1 et collègues), à Créteil (Plc1), à Grenoble (Plc1), à Nantes, bientôt à Nice, Paris, Amiens, Bordeaux, Orsay…