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«émanciper la femme c’est excellent; mais il faudrait avant tout lui enseigner l’usage de la liberté !» Ainsi s’exprimait émile Zola dans La Tribune en 1868 …


Dans la même période, la deuxième République affranchissait ses esclaves sous l’impulsion de Victor Schoelcher après trois siècles d’efforts pour y parvenir.

Un siècle plus tard la jeunesse étudiante française, cassant les usages, revendiquait sa mise hors tutelle, contestait les institutions et prenait momentanément le pouvoir comme elle le pouvait, manifestant ainsi son besoin d’émancipation des autorités d’où qu’elles viennent.

Aujourd’hui les tenants de l’ordre « naturel» établi, une fois pour toutes, manifestent à contre-courant de l’histoire, pour contester ces luttes difficiles, et le plus souvent dramatiques, consistant à donner à chacun des Hommes sa juste dignité et son droit à la liberté quel qu’il soit et où qu’il soit.

L’émancipation est une conquête, exigeante, qui passe par une lutte contre toutes les formes de domination, d’oppression, de dépendance, et de préjugés.

Elle passe d’abord par une lutte contre soi, contestant ce qui est sensé me constituer, mon appartenance (de classe, de genre..), mes droits et devoirs dits par une puissance extérieure qui sait, mes préjugés construits dans mon environnement proche dont il va falloir déconstruire peu à peu les mécanismes…

Lutte contre des systèmes aussi, dont l’essentiel du temps est consacré au maintien des pouvoirs en place, ne concédant que par la force, place, droits et égalité, qu’à la marge, et prêts à les reprendre dès que l’occasion s’y prête.

«L’émancipation est une conquête, exigeante, qui passe par une lutte contre toutes les formes de domination, d’oppression, de dépendance et de préjugés. »

Cette lutte séculaire doit être poursuivie sans relâche pour conserver l’acquis fragile et conquérir d’autres raisons de se sentir libre.

Mais il est un domaine dont on parle moins c’est celui de l’émancipation de sa condition d’humain bipède : si cette condition relève d’une première émancipation du règne animal elle est en même temps la promesse d’en actualiser toutes les potentialités, et c’est le propre de notre espèce de s’y adonner. Le rêve d’Icare est aujourd’hui une réalité et il n’est pas de lieu, d’espace, de milieu, de domaine, qui ne soit l’objet d’exploration pour y jouer, s’en jouer, afin d’en connaitre les limites et tenter de les dépasser.
Le sport constitue un modèle d’organisation privilégié que se sont donnés les Hommes pour s’y consacrer, non sans contradictions.
Relever le défi de déjouer la dépendance à la pesanteur, invite à la réalisation de performances alimentant le moteur de l’invention de nouvelles techniques, les unes se nourrissant des autres et réciproquement.
Conquête jamais terminée, si cette exploration des possibles, toujours renouvelée, s’accompagne des droits et des pouvoirs équitablement répartis afin que chacun puisse y apporter son originale contribution.

L’EPS, à sa mesure, peut en faire naitre le goût à condition d’en créer le besoin.
Pour cela elle doit proposer des contenus, à l’apprentissage des jeunes, susceptibles de les faire sortir de leur corporéité usuelle pour les faire entrer dans un nouvel imaginaire.
Leur faire découvrir de nouvelles émotions, des sensations inédites, des performances imprévisibles.
Leur faire atteindre un état corporel « extraordinaire » et des façons de plus en plus autonomes d’y parvenir.
Agir sur le milieu, voire le créer, en intégrant le collectif en soi, comme le dit Yves Clot.

Transformer ce bipède qui marche et qui court, en artiste du ballon rond comme en expert de la voltige. Les faire grandir ainsi c’est contribuer à leur émancipation.