Sécurité et APPN, balayons quelques idées reçues

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Souvent les enseignants d’EPS disent qu’ils ne font pas d’APPN pour des raisons de sécurité et/ou de compétences. Pour assurer leurs cycles d’APPN, ils font alors appel à des intervenants extérieurs. Nous avons demandé à Jean-Paul Tournaire, responsable des questions de sécurité et de responsabilité au SNEP-FSU, de nous dire ce qu’il est nécessaire de savoir avant d’enseigner des APPN. Il donne ici les informations essentielles que nul n’est censé ignorer. Il démonte au passage un certain nombre d’idées reçues.

La première chose à savoir, c’est qu’un enseignant d’EPS, dans le cadre scolaire, est qualifié pour enseigner toutes les activités prévues aussi bien dans le programme d’EPS que dans l’AS scolaire, ainsi que les APSA organisées dans le projet d’établissement (stages, accompagnement éducatif…), qu’elles soient obligatoires ou non. En effet, les enseignants d’EPS sont dispensés des qualifications prévues par l’article L 212-1 du code du sport.

L’enseignant d’EPS n’a donc pas besoin a priori d’intervenant extérieur pour enseigner les APPN, comme d’ailleurs toutes les autres APSA.

Il est concepteur de son enseignement et à ce titre assume la responsabilité des choix qu’il opère, y compris en matière de sécurité.
Par exemple, enseigner l’escalade pour toute la classe est envisageable.
C’est à l’enseignant de décider si les conditions sont réunies pour qu’il puisse enseigner à la classe entière.

Si l’enseignant a une classe de trente, de niveau débutant, sur une SAE… l’enseignant peut considérer que c’est possible ou que ce n’est pas possible. Cette règle est vraie pour toutes les APSA.

●●● Oui, mais si l’enseignant ne se sent pas compétent ?
C’est effectivement à lui de le déterminer ! ou à l’IPR (du fait de sa mission d’évaluation). Ce n’est pas, en tout cas au chef d’établissement qui lui n’est pas qualifié pour cela, ce n’est pas sa fonction.

Tu dis que les APPN sont des APSA comme les autres, cela veut-il dire qu’il n’y a aucune norme ? Pourquoi alors dit-on qu’il faut tant d’encadrement pour telle ou telle APSA ?

Tu as raison, les APPN ont des caractéristiques particulières du fait qu’elles se déroulent dans un environnement spécifique, instable, et faisant appel à des techniques et des matériels spécifiques du point de vue de la sécurité.

S’il le juge nécessaire, l’enseignant peut faire appel à un intervenant extérieur qualifié. Par exemple, un guide de haute montagne. Mais il restera responsable de ses élèves. Il faut être très clair par rapport à ces intervenants.

Certains collègues font appel à eux parce qu’ils se considèrent incompétents et leur délèguent toutes les responsabilités.

S’ils ne conservent pas la possibilité d’intervenir dans le cours de l’activité, éventuellement de dire non, ils se mettent en difficulté du point de vue de leurs responsabilités. C’est à l’enseignant d’évaluer l’ensemble des conditions d’organisation de l’activité, de résister par exemple à des propositions ou des décisions des intervenants extérieurs.

De même, dans le cas d’une classe avec des élèves « agités » : l’enseignant connaît ses élèves, le moniteur, lui, ne les connaît pas. Il n’est pas en capacité de gérer les conflits, les débordements.

Le professeur reste dans tous les cas responsable et doit se donner les moyens d’intervenir.

Dans le cadre d’une intervention partagée, si ce partage a été bien formalisé, en cas d’accident, chacun assumera les responsabilités qui lui incombent.

Si l’intervenant qualifié fait une faute occasionnant un accident, c’est lui qui en supportera les éventuelles conséquences devant le juge.

Je reviens sur ce qui se dit dans les salles de profs… est-ce qu’il n’y a vraiment aucune norme ?

pourquoi dit-on qu’il faut deux encadrants pour douze élèves à vélo s’il n’y a pas de normes ?

Il y a effectivement des normes inscrites dans des textes réglementaires (lois -décrets-arrêtés) qui s’imposent pour les activités encadrées hors du secteur scolaire.

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Par exemple, l’arrêté du 20 juin 2004 et ses annexes (par activité) réglemente la pratique des APPN dans les centres de vacances pour les jeunes d’âge scolaire. Les annexes sont disponibles sur le site www.snepfsu.net (sécurité APPN).
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D’autres arrêtés spécifiques réglementent la pratique encadrée de certaines activités (ski, canoé-kayak, voile…) hors secteur scolaire.

Ces textes ne s’imposent pas réglementairement dans le cadre scolaire, mais leurs préconisations représentent « la norme communément admise » qu’on ne doit pas ignorer dans les décisions à prendre lors de l’organisation des séances.

On pourra s’en écarter à condition de justifier les choix opérés (par exemple, un groupe de skieurs scolaires de niveau homogène ,
sur une piste dégagée pourra dépasser douze pour un encadrant).

Comme pour toute autre activité, en cas d’accident dans une APPN, le professeur doit pouvoir justifier de ses choix en fonction de ses objectifs, de son groupe, des conditions matérielles…

Enfin, si on utilise un espace organisé (station de ski, base nautique..), le gestionnaire a élaboré des règles d’usage et de sécurité auxquelles on doit se conformer. D’ailleurs, la station de ski, par exemple, est un lieu très sécurisé.

Alors, l’éducation nationale n’a pas édicté de règles pour les APPN ?

L’EN produit des recommandations au travers de circulaires.
La seule activité particulière concernée est la natation (circulaire du 13 juillet 2004).

D’autres circulaires (du 9 mars 1994 et encore du 13 juillet 2004) traitent de la sécurité en EPS de façon générale et elles doivent être connues des collègues.

Ces textes doivent être considérés comme définissant les « diligences normales » attendues du professeur d’EPS.

Leur non application peut aboutir à une faute professionnelle.

N’y a-t-il pas un problème de surveillance ? Si je ne vois pas tout le temps mes élèves suis-je en faute ?

Tu fais référence à la déclaration administrative à remplir en cas d’accident. C’est simple.
À la question, « est-ce que l’élève était sous la surveillance effective du professeur ? » la réponse devrait être oui si le professeur est avec ses élèves (et pas ailleurs !).

Mais à la question « le professeur a-t-il vu l’accident se produire », le professeur peut répondre non, sans être en faute !

Prenons l’exemple de la course d’orientation, si le professeur a emmené ses élèves dans un lieu déterminé, a montré les limites de l’espace, bien expliqué les situations, etc. l’élève peut disparaître de ses yeux !

Pour apprendre à s’orienter, il faut risquer de se perdre sinon on n’apprend pas ! La réussite va avec la possibilité d’échec.

L’erreur fait partie de l’apprentissage, donc le prof ne peut pas être en faute !

En course d’orientation, il est nécessaire que l’élève puisse sortir de la vue du prof ! et il en est de même dans d’autres activités.

Certains chefs d’établissements ont des difficultés à comprendre cela et font tout un tas d’ennuis au professeur pour limiter ces APSA !

Quelle serait pour toi la plus grande leçon a retenir sur la sécurité ?

Je trouve que beaucoup de collègues ont du mal à se positionner. Ils sont sous l’influence forte de l’administration, de la société, des parents… Ils ne se sentent pas soutenus et du coup, ils font très (trop) souvent appel à des intervenants extérieurs… et d’une certaine manière scient la branche sur laquelle ils sont assis !

De plus, ils se mettent en danger parce que croyant être non responsables ils ne se donnent pas les moyens d’intervenir.

La question essentielle est pour moi celle de la formation.
Avoir des professeurs compétents en APPN, comme dans les autres APSA, est un enjeu déterminant.

Les profs les plus en difficultés sont, de ce point de vue là, les TZR. Ils arrivent dans des établissements où les APPN sont programmées. Or, ils n’ont pas élaboré le projet EPS, on ne peut donc pas leur reprocher de ne pas savoir.

Ils doivent pouvoir dire non, je ne fais pas d’escalade, je change la programmation.

Bien sûr il faut revendiquer que l’institution organise des stages de FPC en priorité pour les APSA qui posent des problèmes de sécurité (pas seulement les APPN).

En attendant, la plupart du temps, les collègues se débrouillent entre eux et font de l’autoformation !

Entretien réalisé par Claire Pontais et paru dans APPN, sports de nature, l’aventure pour tous – contrepied n°22 – octobre 2008