UNSS : tous-tes les acro-gymnastes en finale !

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L’acro-gym a été créé dans l’académie de Versailles il y a plus de 25 ans pour répondre à un problème :
il fallait trouver une alternative à la pratique gymnique développée par l’UNSS nationale, qui perdait des pratiquants et risquait de disparaitre. Cela s’est traduit par la publication d’un code par les éditions EPS, jamais reconnu par l’UNSS nationale. Les innovations tiennent à la fois dans les contenus gymniques et dans les modalités des compétitions. Ce sont ces dernières que développe Jean Fayemendy, enseignant au collège A. Dumas dans les Yvelines et responsable départemental et académique de l’activité.

Des rencontres départementales pour tous les gymnastes quel que soit leur niveau.

Trop souvent, les perspectives départementales, académiques ou nationales sont réservées aux meilleurs sportifs. Une fois les sélections opérées, seuls les meilleurs peuvent poursuivre les compétitions. Passés le district ou l’interdistrict, les autres n’ont plus de rencontre permettant de « rebondir ». C’est à partir de ce constat que des modalités nouvelles ont été inventées.

Au niveau départemental, à chacune et à chacun sa finale, son critérium ou son challenge !
Au sein de chaque district, ont lieu 2 rencontres, fin novembre et début janvier. Ensuite, les rencontres interdistrict ont pour objectif de sélectionner les 16 meilleures équipes pour les finales départementales.

Pour que les autres, débutants, puissent eux aussi jouer à se rencontrer pour de vrai, malgré les écarts de niveau qui persistent après la sélection des meilleurs, nous leur proposons alors, selon leur niveau, de continuer leur activité compétitive soit en critérium, soit en challenges départementaux. Créer deux compétitions supplémentaires permet de préserver une relative homogénéité des niveaux dans chacune d’elle, de préserver l’égalité des chances de l’emporter et donc d’avoir un enjeu à chaque compétition.

Des rencontres avec des acrobaties dès le début de l’année

Il y a une progressivité dans les exigences. Pour que dès la première rencontre les gymnastes soient confrontés aux enjeux de la gymnastique, ils peuvent ne présenter que 2 à 3 acrobaties sur 1 ou 2 agrès différents seulement. Les débutants montrent ainsi ce qu’ils ont appris très tôt dans l’année. D’emblée, ils sont confrontés aux enjeux de l’activité : choisir, décider, présenter des éléments devant un jury et juger.

Des rencontres qui témoignent des progrès
Lors de la deuxième rencontre, on augmente progressivement le nombre minimal d’acrobaties et d’agrès à présenter. C’est seulement lors des interdistricts, sélectifs pour les finales départementales que chaque gymnaste de l’équipe devra présenter 6 éléments réalisés sur au moins 3 agrès différents et pas plus de 2 acrobaties sur un même agrès.
Le nombre d’acrobaties et le nombre d’agrès utilisés témoignent ainsi au fil des rencontres des progrès de chacun.

équipes, duos, compétition par équipe, concours complet…
Nous avons fait le choix de formes diversifiées au service de la formation des gymnastes.
à partir de l’interdistrict, les élèves forment des équipes de 6 : soit des équipes de filles, soit des équipes mixtes ou de garçons. Ces deux modalités de constitution d’équipe donnent lieu à deux classements séparés.

Les élèves non sélectionnés à la finale départementale constituent des duos, comme ils le souhaitent. Souvent la constitution par affinité est privilégiée. Par deux, les élèves sont confrontés aux mêmes exigences qu’un seul gymnaste sélectionné à la finale départementale (6 acrobaties, 3 agrès…etc.). Pour que l’égalité des chances soit respectée au sein du critérium ou du challenge, le duo se présentera au critérium si son total de difficultés est égal ou supérieur à 30 points ou au challenge s’il est égal ou inférieur à 29 points.

Après avoir fait le constat que les élèves évoluent de manière privilégiée sur 3 agrès : les barres asymétriques, le cheval et le sol, nous souhaitons valoriser les élèves qui font l’effort d’avoir une formation plus complète en s’engageant sur plus d’agrès. Nous venons donc de créer un « concours complet ». L’idéal serait d’exiger 6 agrès différents, une acrobatie par agrès. Mais tous les établissements ne disposant pas de tous les agrès, un compromis a été trouvé : 4 acrobaties différentes sur 4 agrès différents. Les acro-gymnastes « complets » seront engagés dans 2 niveaux distincts, en fonction du total de difficultés (28 pts et plus, 27 pts et moins).

Sélections : pas seulement la performance

Les critères de sélection prennent en compte les meilleures performances, mais pas seulement. Ils prennent aussi en compte la diversité géographique : chaque district doit être représenté par au moins une équipe à la finale départementale.
Un seul classement, quelle que soit la constitution des équipes, favoriserait les équipes mixtes ou de garçons. Deux classements sont donc réalisés.
Le nombre d’équipes sélectionnées en finale départementale ou académique est proportionnel au nombre de chacune d’elles engagées au départ pour représenter la diversité dans les deux catégories : filles et mixtes ou garçons. 16 équipes sont retenues cette année : 6 équipes filles et 10 équipes mixtes ou garçons, ce qui représente le maximum possible pour un après-midi de rencontre (13h-17h).

Un joker pour éviter l’élimination

Impossible d’assurer qu’aucun élève ne se blesse lors de rencontres gymniques. Cela conduit trop souvent à une élimination injuste. Aussi, le joker a vu le jour. Si un membre d’une équipe se blesse, il peut être remplacé par un camarade joker. Ce 7e gymnaste prend le relais à partir de ce que son camarade blessé a déjà réalisé et de ce qu’il sait faire. La règle de pas plus de 2 acrobaties par agrès est toujours présente pour l’équipe.
Aujourd’hui, ce 7e élève joker participe à la compétition dès le départ, pour éviter qu’il ne passe son temps à attendre la blessure d’un copain, même si son résultat n’est pas pris en compte pour le classement. Il devient joker effectif seulement en cas de blessure. Le joker est récompensé comme les titulaires de son équipe.

C’est réussi ou raté, fini le casse-tête des 0,10 ou 0,20 

Acro-gym a inventé une évaluation très innovante et simple que des gymnastes débutants peuvent rapidement maîtriser. Deux domaines de notation : la réalisation et l’exécution.

La réalisation

Les gymnastes sont notés sur la réalisation effective de l’acrobatie présentée de manière binaire, c’est oui ou non. Par exemple, si je présente « un salto avant, arrivée sur les pieds », il est considéré comme réalisé si je me réceptionne sur les pieds. J’obtiens alors la totalité des points que vaut le salto. Il est possible que l’acrobatie annoncée ne soit pas celle réalisée : si cette dernière est répertoriée dans le code, l’élève obtiendra les points attribués à l’acrobatie réalisée.
L’élève a droit à 2 essais : mais s’il choisit de prendre son 2e essai (soit parce qu’il n’a pas réalisé l’acrobatie, soit parce qu’il pense pouvoir faire mieux), le jury abandonne le 1er essai. En cas d’acrobatie non réalisée, la note 0 est attribuée !

L’exécution
C’est là sans aucun doute que se situe l’innovation la plus avancée de ce code : l’exécution est additive.
3 critères ont été retenus : la réception, la tenue du corps, l’amplitude. Chacun de ces critères est noté séparément et peut rapporter 1 point supplémentaire. L’exécution, témoin de la maîtrise, peut donc ajouter à la note de réalisation jusqu’à 3 points.
Elle est aussi binaire : c’est tout ou rien. Fini les casse-têtes avec 0.10, 0.25 ou 0.50 points. Ou bien la réception par exemple est excellente (pile chute, axée et tenue 2s) et le gymnaste obtient le point en entier, sinon, ce sera 0 !

L’acro-gymnaste peut jouer avec le règlement

La valorisation de la difficulté et l’évaluation additive de l’exécution préservent ce qui fonde l’activité, c’est à dire la dialectique entre difficulté de l’acrobatie / maîtrise de l’exécution. Le, la gymnaste choisit de faire difficile au risque de ne pas « totalement » maîtriser ou de maîtriser « totalement » au risque de faire facile. Or le code national de l’activité « gymnastique artistique » de l’UNSS nationale choisit à la place du gymnaste à travers sa devise : simple mais correct plutôt que difficile et incorrect.
Les contenus de ce code promeuvent à la fois les enjeux de formation du gymnaste et les enjeux de la compétition. Le jeu avec le règlement sollicite la formation du gymnaste à son meilleur niveau. Il n’y a pas de dérive ou de calcul. Restent les choix authentiques auxquels chaque gymnaste est confronté de par l’activité elle-même.

La formation des jeunes officiels

La formation commence au sein de chaque AS. Dès les premières rencontres les jeunes officiels sont sollicités. Ils sont regroupés par 3, accompagnés d’un « prof référent ».

Les JOFF sont responsables de l’exécution
Le prof référent valide ou non la réalisation ; il accorde les points de l’acrobatie effectivement réalisée. Les JOFF notent l’exécution selon les 3 critères. Pas de moyenne entre les 3, c’est la note majoritaire qui est retenue pour chacun des 3 éléments de l’exécution. Par exemple en amplitude, si le premier JOFF a accordé 0, le deuxième 0, et le troisième 1, la note d’amplitude est 0. Si la réception est notée 1, 1, 0, c’est 1 qui est retenu. Le gymnaste ne peut obtenir que 0, 1, 2 ou 3 pour l’ensemble de l’exécution. Des chiffres ronds, pas de comptes d’apothicaire ! La notation des jeunes officiels n’est jamais contestée.

Un professeur référent
Le prof note aussi l’exécution, mais sa note ne compte pas : elle sert de référence. JOFF et prof référent ont la même grille pour enregistrer – pour chaque acrobatie, dans l’ordre où elles sont présentées – leurs 3 notes d’exécution.
Les noms des gymnastes sont absents de ces relevés, cela facilite la tâche. Par contre, cela permet de comparer les évaluations de chaque jeune officiel avec celles du prof référent et d’établir des statistiques. L’écart entre la notation de chaque jeune avec celle du prof référent établit un niveau de compétence. Si la congruence est comprise entre 70 et 80%, le JOFF est de niveau départemental, si elle est supérieure à 80%, il est de niveau académique.

Ces statistiques sont réalisées à chaque rencontre, cela permet le suivi de la formation des JOFF.

Chaque élève peut être gymnaste et juge
En district et interdistrict, les élèves sont juges et gymnastes sur la même compétition. Lors des phases départementales (finale, critérium, challenge) les élèves sont soit gymnastes soit juges. Mais comme tout gymnaste, quel que soit son niveau, il participe à une phase départementale, à chaque rencontre l’AS peut se déplacer « en entier » et chacun vit les 2 rôles en alternance.

Ainsi, les acro-gymnastes moyens/débutants évaluent les plus forts, les plus forts/débutants évaluent les moyens, les plus forts/moyens évaluent les débutants. Le mélange de JOFF dont le niveau de gymnaste est différent contribue à la formation des juges.

Les rencontres sont aussi des stages de formation
Le concours complet, individuel, sera mixé avec une journée départementale de formation des juges. Cette formation sera conçue comme un véritable stage dont le support sera une authentique rencontre.

Un succès académique mais pas de reconnaissance nationale

Ce programme gymnique original s’est développé dans l’académie de Versailles. En Essonne, la pratique gymnique traditionnelle de l’UNSS nationale n’existe presque plus. Des finales académiques sont organisées sous les mêmes modalités.
Les acro-gymnastes sont un millier dans l’académie de Versailles, filles comme garçons.

Cette innovation est vivante, son histoire se poursuit. Un nouveau code est en chantier.
Mais l’histoire d’acro-gym montre combien l’UNSS nationale est rétive aux innovations et ne se résout pas à les prendre en compte. Ce programme très largement reconnu a contribué aussi à transformer l’enseignement de la gymnastique en EPS, mais jamais l’UNSS nationale ne lui a apporté sa reconnaissance par sa mise en œuvre sur tout le territoire.

Or elle a apporté sa reconnaissance à l’acrosport en le dénommant gymnastique acrobatique…bien que le nombre de pratiquants ne soit pas aussi développé dans notre académie. Or, il y a une place pour chacune de ces 3 pratiques gymniques !

Alors finalement, ça vaut le coup l’acro-gym ?

Pour toutes celles et ceux qui ont expérimenté l’acro-gym, oui ! Parce que ça vaut la peine que chaque élève soit éduqué gymniquement et l’acro-gym le permet dans le plus grand respect de l’activité.

L’acro-gym change aussi le regard des filles et des garçons sur l’activité.
Le regard sur les agrès d’abord : les garçons découvrent que la poutre n’est pas réservée aux filles et qu’ils peuvent l’investir. Quant aux filles, elles jouent avec la fixe de manière similaire à la barre supérieure des asymétriques !

Le regard des garçons sur les filles change et vice versa.

Et surtout le regard de chacun sur la gym change.

Pour les filles, c’est une gym où on ne reste pas au ras du sol à faire des belles choses, il y a de possibles perspectives de développement. Cette gym-là est possible pour les filles ! Les garçons peuvent oser des acrobaties, tenter le risque.

Cette gym-là n’est pas interdite pour les garçons ! Mais croyant toujours pouvoir faire des choses extraordinaires, se plaçant dans un certain mythe, ils découvrent aussi que la maîtrise d’acrobaties nécessite du travail et de la répétition !

Ce texte est paru dans Contrepied HS n°4 – sept 2012 – Sport demain, enjeu citoyen