Comment faire de la mixité de sexe un outil de l’égalité ? Comment aborder de manière ludique et progressive, la question des inégalités de sexe en partant de ce que chacun-e pense concernant les filles et les garçons ? C’est en cherchant à répondre à ces questions que Cendrine Marro, enseignante chercheuse à Paris Ouest Nanterre a conçu l’animation « le rempart des idées reçues ».
L’objectif est d’impliquer les jeunes dans un débat sur les différences de sexe et de les amener à repérer ce qui dans ces différences est porteur d’inégalités. Lors d’une première séance, il va s’agir d’extérioriser ce qui caractérise, pour chacun et chacune, les filles et les garçons, sous forme de briques d’idées qui vont constituer un rempart d’idées reçues qui, lors d’une deuxième séance sera objet d’un débat centré sur la dialectique différences/inégalités.
Former à l’égalité c’est favoriser l’indépendance à l’égard du genre, objectif du rempart des idées reçues.
Le débat en grand groupe est le moment capital de l’animation. Il ne s’agit pas de faire aux jeunes un cours sur les « études genre » 1, champ de recherche complexe, mais de prendre appui sur les concepts clefs qui le structurent, afin d’orienter le débat vers une prise de conscience des inégalités qui couvent sous les différences. C’est ce que permet le concept de « dépendance/indépendance à l’égard du genre (DIG) », au fondement du rempart des idées reçues. Dans ce cadre, le genre est appréhendé en tant que système hiérarchisé de normes de sexe qui légitime les inégalités de sexe en les naturalisant, les parant pour ce faire des habits de LA différence des sexes (idée selon laquelle il n’y a que deux sexes « naturels » et opposés tant sur le plan biologique que psychologique). Par le biais de cet habillage, notre socialisation sexuée nous place sous l’emprise de ce système, parce que nous voulons pouvoir être reconnu-e-s en tant que femme ou homme. De manière condensée, la dépendance/indépendance à l’égard du genre renvoie à l’idée que chacun-e d’entre nous est à la fois dépendant-e et indépendant-e à l’égard du genre, de manière variable suivant les contextes.
Dans certains contextes, on est aveuglé par le genre, on est sous sa dépendance et on perçoit les différences comme naturelles, acceptables voire souhaitables ; dans d’autres contextes, on repère bien les inégalités qui couvent sous les différences car le genre ne nous aveugle pas. On est indépendant-e au genre : les inégalités déshabillées, mises à nu peuvent être combattues. Former à l’égalité c’est ainsi favoriser l’indépendance à l’égard du genre, objectif du rempart des idées reçues.
Cet article est paru dans Contrepied – Égalité ! – Hors-Série n°7 – Septembre 2013
- Je parle bien ici d’études sur le genre (dites « études genre ») et non de « théorie du genre ». Une telle théorie n’existant pas. Il s’agit là d’une invention de personnes n’appartenant pas au milieu de la recherche scientifique, qui défendent des convictions personnelles, hostiles aux études genre dont elles s’efforcent de déprécier la valeur en les diabolisant sous cet étiquetage utilisé de manière péjorative comme synonyme de dogmatisme sans fondement scientifique. Ce qui est bien sûr totalement faux[↩]