Le long confinement… Et demain ? Éditions Des auteurs des livres 8,80€
Depuis 1980, Gabriel Langouët (https://gabriel-langouet.com/) est connu pour ses ouvrages sociologiques sur l’éducation. Moins sans doute pour ses trois derniers livres publiés depuis 2011 (le plus récent étant coécrit avec Dominique Groux, présidente de l’Association française d’éducation comparée et des échanges), bien qu’ils aient fait l’objet de recensions flatteuses et méritées. Ils portent sur le thème des inégalités dans le monde. Avec ce « petit » (75 pages) ouvrage, il en reprend les points essentiels sous une forme qui en rend la lecture très accessible, et il y poursuit sa réflexion en évoquant la pandémie de coronavirus, toujours en lien avec les inégalités. Le sujet est traité avec l’habituelle rigueur scientifique de l’auteur, conjuguée à un engagement explicite en faveur d’un monde plus juste…
Une originalité de ce travail sur le thème des inégalités, abordé par bien d’autres, tient à la méthode et aux résultats obtenus. Il s’appuie notamment sur les données mondiales rassemblées par le PNUD (Programme des Nations-Unies pour le Développement) et sur plusieurs indices : l’IDH (indice de développement humain), construit à partir de trois domaines (revenus, santé, éducation) ; l’IDHI, qui estime la valeur de l’IDH compte tenu des inégalités observées dans les trois domaines ; le coefficient de Gini, mesurant le degré d’inégalité dans la répartition des revenus ; l’indice des inégalités de genre (IIG), qui traduit le désavantage des femmes dans les trois domaines de l’IDH ; l’indice de satisfaction globale de vivre, et l’indice de démocratie.
De la comparaison entre 182 États ressort le constat d’inégalités « obscènes » entre eux, et aussi de fortes différences de répartition des richesses à l’intérieur de ces États, ainsi que le lien étroit entre la redistribution des richesses et le niveau de développement humain, considéré sous l’angle des revenus, de la santé et de l’éducation. En comparant ensuite les États de l’Union européenne, auxquels est ajouté un groupe témoin de 10 États représentant des situations diverses, des États extrêmement riches à des États assez pauvres ou pauvres, on constate que l’homogénéité globale constatée entre les États de l’Union européenne s’accompagne d’inégalités conséquentes dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’égalité homme-femme. Les inégalités sont plus faibles dans l’UE, particulièrement dans l’Europe du Nord. Quant à la France, elle fait partie des six pays de la zone euros ayant un excellent niveau de vie et une population en excellente santé, mais il apparaît que sa politique éducative n’est pas une priorité. Faute d’efforts suffisants sur l’école, l’égalité de genre et le salaire, elle perd 9 % de son potentiel de développement humain.
D’un autre côté, le problème des inégalités est relié à d’autres éléments, en particulier le bien-être ressenti par les populations et le niveau de démocratisation des États concernés, par exemple en regardant si des pays ayant un haut niveau de développement humain et un haut niveau de satisfaction globale de la part de leurs habitants sont, par ailleurs, des régimes autoritaires. Pour donner des éléments de réponse à ces interrogations de fond, la focale est resserrée sur trois États : la Norvège, Maurice et Cuba.
L’ouvrage continue par une réflexion sur la pandémie de coronavirus. L’auteur en fait le bilan provisoire à la sortie du premier confinement, constatant qu’elle atteint plus particulièrement les plus démunis et les plus fragiles et qu’elle ne peut qu’accroître les inégalités. Au final, c’est un appel à l’urgence de politiques publiques portant sur une réduction drastique des inégalités, à une économie concertée avec l’écologie, résolument orientée vers le bien-être de tous les humains. Pour ce faire, souligne Gabriel Langouët, il faudrait notamment « qu’enfin la pseudo théorie du ruissellement, qui n’est qu’un leurre, soit abandonnée (…). Rien ne ruisselle quand le ru est sec ».