L’ouvrage dirigé par Patrick Rayou, s’inscrit dans les travaux d’un réseau de chercheurs, (Reseida)1 qui s’attachent à analyser et comprendre comment se produisent les inégalités d’accès aux savoirs et à la réussite scolaire. Il engage à « se demander d’où on regarde les frontières de l’école » afin de « prendre en compte les processus qui les construisent » plutôt que « de réfléchir uniquement en termes d’étrangeté d’un territoire par rapport à l’autre ». L’école est confrontée à deux écueils : présenter les savoirs de manière telle que les élèves les moins connivents se sentent exclus d’un univers qui leur demeure étranger et considèrent que les apprentissages scolaires ne les concernent pas ; ou, pour répondre à une pression sociale et politique de plus en plus forte, faire autre chose que de l’école (on pense ici à toutes les éducations à). Les deux produisent les mêmes effets d’exclusion pour les élèves les plus éloignés des pratiques scolaires.
Les chercheurs qui participent à cet ouvrage montrent que ces élèves sont soumis à des exigences qu’ils ne peuvent connaître, voire reconnaître (dans la double acception du terme) à l’école primaire lorsque l’école externalise la demande scolaire via les devoirs et participe ainsi à creuser les écarts ; au collège où les élèves doivent se débrouiller seuls pour décrypter les réquisits de l’institution ou s’enferment dans des relations d’interdépendance avec les enseignants. Alors que nombre de discours insistent sur la pluralité des espaces d’apprentissages dans la société contemporaine, cet ouvrage a le grand mérite de rappeler la fonction spécifique de l’école, sa place dans l’histoire individuelle et donc collective. Il alerte sur les dangers de brouillage de ses frontières qui participe à contourner la réalité sociale, l’évacuer ou l’essentialiser, assignant ainsi les élèves les moins connivents à leurs origines.