Du vrai acrosport en 6ème ? Oui !

Temps de lecture : 12 mn.

Si Mélanie Avisse, enseignante au collège Jacques Dorissen à Drancy, privilégie les pyramides statiques avec ses élèves de 6e, cela ne l’empêche pas de les confronter à une véritable activité de prise de risque, grâce aux aides qui font partie du groupe au même titre que les voltigeur·es et porteur·es. La hauteur n’est plus un problème si les aides ont appris leur rôle et sont efficaces pour sécuriser les montages et démontages.

Un code resserré

Le but est de proposer des pyramides en nombre peu important pour assurer les acquisitions indispensables à la pratique et de réduire le choix des élèves afin d’augmenter le temps de pratique.
Les élèves apprennent les différentes postures du porteur·e (P), du voltigeur·e (V) et de l’aide (A). Les postures visent les acquisitions de gainage et de verrouillage des articulations.

La posture de P à 4 pattes proscrite

Dans les différentes postures de P, je ne fais pas pratiquer la position « 4 pattes ». Cette position est souvent proposée afin d’avoir une position stable proche du sol. Malheureusement, elle s’accompagne aussi de risque concernant l’intégrité physique de P. La différence de taille des segments cuisse/bras entraîne des difficultés à avoir une surface plate du dos. De ce fait, certains déséquilibres apparaissent pour V qui peut même sauter directement du dos de P au sol, provoquant des traumatismes.
Dans cette posture P ne peut pas apprendre son rôle : monter V au dessus de mes appuis, réguler l’équilibre si nécessaire, puis redescendre V au sol en le/la tenant jusqu’à ce qu’il ait retrouvé son équilibre. Enfin, le porteur·e débutant fonctionne en priorité avec la vue pour réguler les équilibres, or dans cette position il/elle en est complètement privé·e.

Donc, la posture à 4 pattes est à proscrire et peut être remplacée par des postures au sol dans lesquelles le porteur peut apprendre pleinement son rôle, sans risque pour son intégrité physique, et ces postures seront évolutives du point de vue pédagogique.

Les pyramides statiques privilégiées

Le travail en statique est privilégié car il permet de faciliter les apprentissages notamment par la diminution de la vitesse d’exécution. La recherche par la suite de la rapidité dans les montées et descentes sera un objectif de maîtrise.
Les différentes positions de V sont établies à partir de 4 types de travail : le travail de la position redressée (debout), renversée (vers l’ATR), à l’équerre, à l’horizontale.
Une pyramide de chaque famille doit être présentée ce qui permet une répartition équilibrée du travail des différentes compétences liées à chaque position (une pyramide peut sembler facile si l’on regarde la position de V alors que la difficulté réside dans les placements de P).
La pyramide dynamique est de la famille des sauts par redressement. Une seule pyramide dynamique est demandée car le travail dynamique à ce niveau est de l’ordre de l’initiation.

Les prises de mains

Les différentes prises de mains sont également l’objectif principal de ce cycle, elles permettent non seulement de sécuriser la pratique, mais également de donner les appuis nécessaires aux différentes montées, maintien et descentes des pyramides.

Apprendre tous les rôles

L’apprentissage des différents rôles doit également être acquis en fin de cycle.
Par exemple, P fait monter V au dessus de ses appuis puis régule en permanence l’équilibre de la pyramide durant tout son maintien.
V, lui, doit rechercher à monter au dessus de ses appuis et de celui de P puis doit uniquement garder la position en restant « dur·e » tout le long de la réalisation afin de laisser P faire ce travail de régulation de l’équilibre si nécessaire.
Si tous les partenaires essaient de réguler l’équilibre de la pyramide, cela est voué à l’échec provoquant une rupture des alignements entre partenaires et une chute.

« Lorsque les élèves se sont essayé·es et ont compris ce qui ressort des différents rôles, chacun trouve le rôle, la place qu’il/elle préfère et dans laquelle il/elle sera le plus efficient·e pour le groupe. »

Le travail sur la tenue des jambes jusqu’aux pointes est aussi un objectif. Il ne s’agit pas de rechercher une excellente exécution des éléments gymniques (individuels ou pyramides) mais de construire, d’affiner, le schéma corporel de l’élève. Grâce à ses nouveaux repères sur ses jambes,
il/elle pourra mieux se repérer lorsqu’il/elle sera dans une position renversée par exemple, ou restituer son énergie lors d’un lancer de jambe, pour effectuer une roue par exemple.

Les aides : un rôle à part entière

Des figures difficiles grâce à l’aide

Aide ou pas durant les montées descentes ou même lors du maintien, la figure vaut le même nombre de points.
Pour que mes élèves réussissent et présentent des figures statiques et dynamiques difficiles dans lesquelles la prise de risque est notable, j’autorise une ou deux aides.

Par exemple, mes élèves de 6e sont capables de réaliser cette figure où V est debout sur les épaules de P, lui même debout…à condition qu’ils, elles disposent d’une aide qui finalement joue le rôle d’une deuxième porteur·e. Cela permet un montage et un démontage beaucoup plus fluide et sécurisé. Et surtout, l’aide permet au groupe de réaliser une figure difficile, de se confronter à une activité authentique.
Il est à noter qu’en UNSS les montées et descentes sont libres et peuvent se faire grâce à l’aide des élèves qui ne sont pas directement dans la pyramide. Pourquoi s’en priverait on en EPS au risque d’en diminuer le traitement didactique ?

Cela me permet de rehausser de manière significative le niveau de difficulté des figures et de donner plus de poids au rôle social d’aide. L’aide est noté·e à part entière puisqu’il/elle permet d’augmenter la note de difficulté du groupe. En revanche, il/elle ne pourra pas jouer uniquement ce rôle durant toutes les pyramides.

Les aides apprennent quand ils/elles « ne servent à rien »

Les aides apprennent leur rôle quand sa fonction n’est pas déterminante sur une figure de basse hauteur de telle manière qu’ils, elles soient efficaces quand la figure devient difficile et risquée parce que haute.
Cette figure par exemple devient possible pour des élèves en 6e grâce à l’aide qui intervient tout au long de la réalisation de la figure.

Aide et non pareur·e

Je préfère parler d’aide et non de pareur·e.
Le, la pareur·e est quelqu’un qui a lâché le gymnaste et doit être prêt·e à intervenir quand un problème se pose. C’est très difficile, il faut anticiper et agir au bon moment.
L’aide, lui, elle ne lâche jamais le, la gymnaste et peut plus facilement anticiper car il, elle « sent » quand il faut intervenir.

Les groupements et les rôles

Je demande aux élèves de faire des groupes affinitaires mais je souhaite le mélange de gabarits car sinon certaines figures seront impossibles ou très difficiles.
Dans un premier temps de pratique, les élèves peuvent être de gabarits identiques permettant la découverte de tous les rôles et des pyramides en compensation.
Dans un deuxième temps, afin de permettre la réussite de tous et toutes sur des pyramides de plus grandes difficultés, j’encourage les élèves à apprendre plus particulièrement un rôle en fonction de leur gabarit.
Cela ne se fait pas forcément tout de suite. Mais les élèves ont envie de réussir.
Les filles en 6e et 5e sont souvent plus grandes et « plus puissantes » que les garçons. Or si un garçon veut voltiger, les groupes composés seulement de garçons ne le permettent pas toujours.
C’est alors que je leur propose de se mettre avec des filles plus fortes.
La motivation, l’envie de réaliser des figures plus difficiles, la curiosité les conduit à composer des groupes mixtes et dépasser la répartition sexuée des rôles.

La motivation, l’envie de réaliser des figures plus difficiles, la curiosité les conduit à composer des groupes mixtes et dépasser la répartition sexuée des rôles.

Je sollicite les élèves à apprendre tous les rôles, mais si l’un·e d’entre eux ne souhaite pas être porteur·e, ou voltigeur, je ne le, la contraint pas.
Effectivement, certains élèves en surpoids se trouvent en difficultés psychologiques et physiques lorsqu’on leur demande de se faire porter, et inversement pour un élève très fluet. Je trouve que les contraindre à passer dans tous les rôles a donc des limites pour l’intégrité des élèves.

Certains élèves en surpoids se trouvent en difficultés psychologiques et physiques lorsqu’on leur demande de se faire porter, et inversement pour un élève très fluet. Je trouve que les contraindre à passer dans tous les rôles a donc des limites pour l’intégrité des élèves.

Lorsque les élèves se sont essayé·es et ont compris ce qui ressort des différents rôles, chacun trouve le rôle, la place qu’il/elle préfère et dans laquelle il/elle sera le plus efficient·e pour le groupe.
Le rôle de porteur·e est souvent considéré comme étant le plus facile. Pourtant, c’est bien lui qui régule l’équilibre et permet de sécuriser la pyramide. Ce rôle doit être autant travaillé et mis en valeur.

Des étapes obligées

Pour réaliser la figure 4, des étapes sont nécessaires. Il faut les identifier et ce n’est pas une évidence !
Mais pourquoi donc faut il passer par V debout sur épaules de P (figure 2) pour faire V en équerre mains dans les mains de P (figure 4) ? : pour s’habituer à la hauteur avec des prises plus faciles à maîtriser et parce que le départ de cette pyramide se fait de la position debout.
Pour passer de la figure 1 à la figure 2, la seule différence porte sur la hauteur. Les actions de P, de V et de A sont rigoureusement identiques, comme de la figure 3 à la figure 4.
Donc tous les apprentissages se feront en sécurité, à faible hauteur.

Figure 1, P à genoux, V debout.

Le montage

Les actions, prises et les contacts de P et V
P est à genoux, assis sur ses talons, les genoux écartés pour augmenter sa surface d’appui au sol.
Il /elle positionne ses bras semi fléchis, paumes des mains vers le ciel.
V est légèrement derrière et à gauche de lui, elle.
V pose son pied gauche en haut de la cuisse de gauche de P.
Puis V pose sa main gauche sur la main gauche de P et y prend appui, paumes contre paumes, doigts entremêlés, on serre. Voir prise[[Voir l’ouvrage collectif : De l’acrosport à la gymnastique acrobatique. Editions EPS, 2010. Elle est aussi membre de la CMN de gymnastique acrobatique à l’UNSS et fait des chorégraphies pour l’équipe de France de gymnastique acrobatique depuis 1996.]].
V pose sa main droite sur celle de P., P tracte alors avec son bras droit le poids de V au dessus de ses appuis mains, V profite de cette traction du bras D de P pour mettre son pied droit sur l’épaule droite de P.
V se retrouve dans la position suivante : il, elle est en appui sur P, la jambe gauche tendue sur la cuisse de P, et le pied droit, jambe pliée sur l’épaule droite de P.
Dès que V est dans l’axe, P donnant un bon appui avec ses mains à V, V peut mettre sa deuxième jambe sur l’épaule de P, puis, quand il, elle est bien équilibré·e, tendre ses jambes pour être complètement debout.
P alors pose ses mains sur les mollets de V. Voir prise 2.
– Les actions de l’aide
L’aide se tient derrière le, la voltigeur·e et tient son bassin ou sa taille. Il, elle aide la montée en soulevant V.
Quand V est debout les 2 pieds sur les épaules de P, il se met alors sur le côté (pour intervenir en cas de chute en arrière ou en avant) en gardant une main sur le dos et une sur le ventre de V. De cette façon, il peut ressentir les déséquilibres et contribuer à les résorber.

Le maintien

V est à la station debout, les jambes tendues collées à la tête du porteur afin d’avoir le maximum d’appuis et de contacts. Il regarde un point devant lui pour garder son équilibre et cherche à rester le plus « dur » possible.
Le P a les mains sur les mollets du V, le plus haut possible vers les genoux, les coudes sont ouverts. Il sert avec ses doigts sur les mollets pour assurer la prise et sert les jambes de V sur son cou, tête, afin de lui assurer l’appui. Voir prise 2.

Le démontage (actif)

– Les actions de P et V
V fléchit les jambes et P et V se redonnent les mains l’une après l’autre.
P avance ses bras vers l’avant, avançant du même coup les appuis qu’il, elle offre à V qui se déséquilibre vers l’avant afin d’amener son centre de gravité devant P.
– Les actions de l’aide
L’aide reste en position partagée : un bras devant, un bras derrière pour attraper V une main dans le dos, une main sur le ventre, il ralentit puis stabilise la descente.
Les élèves apprennent donc toutes les actions nécessaires à cette figure, les poses des pieds, les prises de main sans grand danger vu la faible hauteur.
Quand, j’ai validé cette figure sur leur fiche de suivi, ils, elles peuvent changer les rôles ou passer à la suivante.

Figure 2, P debout

Je rassemble le groupe après chaque validation de pyramide afin d’expliquer les points essentiels de la pyramide à venir. Je montre, à chacun·e les consignes et ce qu’ils, elles doivent faire.
Les autres groupes travaillent sur leurs figures et me solliciteront à leur tour pour valider et remplir leur fiche de suivi, pour leur expliquer la figure à apprendre.
Le groupe essaie la première fois en ma présence, je peux même parer.
Tout ce qu’il est nécessaire d’apprendre pour maîtriser cette figure est déjà appris. Donc, ce n’est pas difficile, mais la hauteur peut faire peur[[Avant d’être dans la position debout sur P debout, le V passera par la position assise sur épaules de P à la position debout. Cela permet également à l’aide de se positionner plus facilement que la position debout/debout, ayant plus de proximité.]] .
P fléchit ses jambes et V vient poser son pied G sur l’aine de P. Ensuite, c’est la même chose, il y a une « marche de plus », c’est tout mais si important !
L’aide est efficace, il faut rappeler que la figure ne se réaliserait pas sans lui, elle.
à cette hauteur, l’aide devra aussi se positionner de façon partagée mais ne pourra plus tenir V au niveau du bassin. Il place alors sa main sur le mollet de V afin de sentir les éventuels déséquilibres et aider à les absorber.
Lors de la descente, l’aide effectue le même travail que la pyramide précédente et porte davantage son aide pour freiner l’arrivée de V au sol.
C’est aussi l’occasion de valoriser les porteur·e-s qui réalisent finalement le plus gros du travail !

Figure 3

Pour réaliser cette figure, l’aide se positionne derrière à genoux, mains sur poignets de P pour aider à soulever le poids de V et pour aider P à maintenir ses bras le plus verticalement possible suite aux actions de V.

Figure 4


Elle est l’addition de la 2 et de la 3 puisque pour la réaliser il faut passer par être debout sur le porteur.


L’enchaînement

Un enchaînement à présenter

En fin de cycle, les élèves devront présenter un enchaînement coordonnant 5 pyramides, (4 statiques de familles différentes, 1 dynamique), 4 éléments gymniques individuels et des liaisons chorégraphiques.
Présenter un enchaînement est très important car la combinaison fluide des différents types de pyramides renforce le caractère dynamique des pyramides statiques. (et le résultat ressemble davantage à l’activité de référence).

Des liaisons imposées

Les liaisons « chorégraphiques » intégrant les éléments sont par ailleurs systématiquement travaillées.
Afin de gagner un temps maximum pour les acquisitions motrices sur les pyramides et les éléments gymniques, j’impose chaque liaison chorégraphique en 6e lors du premier cycle. (par exemple, roulade avant, 3 pas départ face à face). Ils/elles pourront se l’approprier et le transformer s’ils/elles le souhaitent, mais pourront également ne rien changer. Les élèves peuvent ainsi se centrer sur l’anticipation et l’ajustement de leurs placements pour monter les différentes pyramides et à trouver une posture, gestes chorégraphiques pour l’élève qui aide s’il/elle n’intervient pas dans la pyramide.

Article de Mélanie Avisse paru dans la revue Contrepied Acrosport

Ces articles pourraient vous intèresser

Un commentaire ? Exprimez-vous !