Le numéro de Carnets rouges consacré aux enjeux de l’école inclusive (téléchargeable sur http://reseau-ecole.pcf.fr/114315) permet notamment de prendre le contre-pied du triomphalisme manifesté par le Secrétariat d’État des personnes handicapées dans son communiqué de presse du 9 novembre 2020 sur le « suivi de l’école inclusive ». En effet, même si la scolarisation des élèves en situation de handicap progresse effectivement d’un point de vue quantitatif, les résultats de la politique scolaire à leur égard montrent des aspects moins flatteurs.
Une thèse avancée dans ce numéro est que l’injonction inclusive se traduit parfois, pour des élèves aux difficultés et besoins singuliers, par des apprentissages insuffisants et du mal-être, et aussi par le malaise d’enseignants confrontés à des situations auxquelles ils n’ont pas été préparés et qui ne bénéficient pas des ressources adéquates…
Dans ces conditions, loin de répondre à l’injonction d’en finir avec l’enseignement spécialisé, formulée par la rapporteure spéciale de l’ONU, en 2019, il est avancé que « le principe d’universalité de l’inclusion scolaire doit être défendu, mais sans faire du milieu ordinaire le parangon de la scolarisation et de la socialisation ». Cela dit sans masquer une scolarisation quelquefois très insuffisante dans les établissements spécialisés, ni les risques d’une filiarisation de l’enseignement qui assignerait des élèves à un destin sans ambition.
Par ailleurs, on retiendra de cet ouvrage la critique d’une politique inclusive infiltrée par le libéralisme et le souci de réduire les coûts économiques. À retenir aussi quatre exigences : rompre avec une conception binaire distinguant l’élève capable, donc éducable, de celui et celle qui ne l’est pas ; accessibiliser l’accès à l’École et à ses savoirs ; se centrer sur l’activité de l’élève dans sa confrontation aux savoirs ; mieux former les AESH et les enseignants, et les accompagner dans leur exercice professionnel.
D’un autre côté, il est surprenant de lire l’appel contestable à « une école post-disciplinaire », décalé par rapport à l’orientation de la revue, et, sous la plume du même auteur, la promotion d’une certaine forme d’individualisme, à l’opposé de l’éditorial qui dénonce la promotion de l’individualisation. L’inclusion, mantra de discours en vogue, comme la bienveillance, ouvre à bien des débats et controverses… Et plutôt que d’en limiter l’approche au handicap, on ferait bien de la considérer au regard de tous les élèves qui subissent plus ou moins des exclusions, parce qu’ils sont d’un milieu social défavorisé, issus de l’immigration, ou pour des questions ethno-raciales ou encore de genre.