Si la formation du joueur doit prendre en compte tous les contextes d’affrontement, les différents statuts et les logiques d’interactions qui devraient les animer ne doivent pas être oubliés. Olivier Weber, conseiller technique fédéral au comité du Loiret, nous montre comment articuler ces duels. Il va plus loin en explicitant comment solliciter toutes les ressources des joueurs.
Les stratégies de séance
Solliciter toutes les ressources
Satisfaire à la particularité des sollicitations de toutes les ressources est incontournable pour améliorer les compétences au handball : les ressources perceptivo-décisionnelles (activité de lecture et de prédiction de l’évolution de situations de jeu dans un contexte complexe), les ressources biomécaniques (les savoir faire spécifiques au handball), les ressources bioénergétiques (explosivité, vitesse, force, dans les courses, sauts, lancers…), les ressources bio-affectives (combativité, respect, loyauté, dans les duels…).
Les solliciter spécifiquement à chaque séance constituera une priorité.
Jouer avec les alternances
Le formateur devra jouer sur des alternances au cours de la séance, afin de permettre aux joueurs d’être dans les meilleures conditions pour apprendre. Les alternances pourront porter sur :
– La sollicitation variée des différentes ressources.
– Les dispositifs et codes de jeu, en jouant sur le nombre de joueurs, de ballons, l’espace, les cibles, les règles…
– La mise en œuvre de processus formatifs différents : séquences engageant le joueur dans un apprentissage assisté (prescriptions précises), dans un processus d’adaptation autonome (situations problème dans lesquelles les joueurs devront construire les réponses), ou encore dans une activité très libre (joueurs seuls avec un ballon quand ils arrivent dans la salle).
– Les thèmes de travail : coopération défensive, duel T/G…
Jouer de ces alternances doit permettre à l’entraîneur d’envisager l’ensemble des ressources de la conduite du jeune joueur, de maintenir sa motivation, dans une stratégie traduisant des choix ponctuels.
L’entrée dans la séance
Elle s’inscrit aussi dans cette stratégie. Comme au restaurant, le « menu » proposé aux joueurs dans la séance, pourra débuter avec un « buffet d’entrées ». Au choix, le formateur pourra l’orienter ou non vers l’objet d’étude, privilégier ou non une activité ludique, individuelle et/ou collective…, avec comme objectifs d’assurer un échauffement articulaire et musculaire « classique », mais aussi de générer chez le joueur une motivation à entreprendre, à s’approprier des contenus.
Les compétences se construisent dans un système complexe
Le système Effet-Objet-Outils
Non seulement, la construction des compétences exige la sollicitation spécifique de toutes les ressources, mais celle-ci doit s’activer dans le cadre de logiques d’interactions tactiques. à tout moment du jeu, les interactions entre les attaquants et les défenseurs s’organisent pour chaque équipe en termes :
– d’effets à rechercher sur l’équipe adverse,
– d’objets matérialisés ou non, sur lesquels les joueurs peuvent agir afin d’aboutir aux effets recherchés,
– d’outils utilisables pour agir.
Ces 3 catégories d’éléments constituent les contenus de formation initiale, c’est à dire ce que les joueurs doivent apprendre pour concrétiser efficacement leurs choix tactiques.
Prendre en compte les logiques d’interaction entre les joueurs
On peut distinguer des rapports d’opposition interindividuels, sous la forme des duels entre le PdB et son adversaire direct, les partenaires du PdB face aux autres défenseurs, ou encore le duel Tireur/GB. Mais pour mieux comprendre l’activité requise pour « bien jouer » au handball, on ne peut les « isoler » sans prendre en compte les rapports d’opposition inter-collectifs.
Chaque protagoniste de chaque duel est contraint de prendre des informations sur les autres duels, les mettre en relation, pour obtenir un effet positif sur la situation de jeu. Ainsi, donner du sens à l’activité de chacun des joueurs au sein de chaque duel ne peut s’opérer qu’en proposant des situations, où au moins deux duels vont interagir.
Des exemples :
– Le défenseur éloigné du PdB ne peut se centrer uniquement sur son duel face au partenaire du PdB.
Les duels PdB/défenseur proche, partenaire du PdB/défenseur éloigné sont intimement liés.
Le défenseur éloigné doit gérer sa distance de duel avec son adversaire, en tenant compte de l’état d’évolution du duel entre le PdB et son défenseur : où en est le crédit d’actions du PDB (CA) ?
Si le CA est épuisé, la distance de duel peut être rompue pour jouer une dissuasion (interdire la passe) puisque le défenseur proche n’a pas besoin d’aide pour défendre sur le PdB : le duel est « gagné », le PdB ne peut que transmettre la balle ou tirer.
à l’inverse, tant que le CA du PdB n’est pas épuisé, le défenseur éloigné doit garder la possibilité d’aider son partenaire défenseur en cas de débordement pour densifier le couloir de jeu direct, en restant légèrement en retrait et surtout pas au delà du PdB (notion d’alignement).
Appauvrir le réseau d’échanges du PdB ou neutraliser ses possibilités d’action avec le ballon constituent les effets recherchés par les défenseurs.
Ici les objets sur lesquels agissent les défenseurs sont le crédit d’actions du PdB, la distance de duel et le couloir de jeu direct. Les outils dont les défenseurs doivent être dotés s’organisent autour de : harcèlement du PdB, dissuasion, contrôle et couverture sur les autres attaquants à visée d’interception.
– Le partenaire du PdB en position de pivot doit prendre en compte l’état d’évolution du duel PdB/défenseur avancé.
Le contexte : la défense est reconstituée et disposée en 2 lignes. Pour battre cette défense, le PdB doit passer le premier rideau, en utilisant ou non un partenaire situé dans le dispositif défensif (pivot).
Comme dans l’exemple précédent, la réussite de l’attaque est liée à la compréhension des logiques d’interactions entre les 2 duels PdB/défenseur « devant » et pivot/défenseur « derrière ».
Les conditions d’exploitation du couloir de jeu direct (CJD) par le PdB doivent interagir avec l’activité du partenaire pivot. Si le CJD se libère par le débordement du PdB, le pivot devra contribuer à accentuer cette « ouverture » en s’écartant. Le PdB devra choisir entre tirer si le défenseur « derrière » suit le pivot ou transmettre la balle au pivot démarqué si ce défenseur le prend en charge. à l’inverse, si le PdB n’arrive pas à exploiter seul son CJD, l’aide du partenaire pivot par l’enrichissement du réseau d’échanges, blocage ou écran sera nécessaire.
Ici l’effet recherché est la réduction de la densité du dispositif défensif dans le couloir de jeu direct. Les objets sur lesquels les joueurs peuvent agir sont le CJD et le réseau d’échanges et les outils utilisables pour agir sont : origine, quantité et moments des changements de secteurs des attaquants, fixation, blocage, écran, …
Des situations
Situation 1 : le jeu du défenseur éloigné du PdB
Dispositif : 3 x 3 secteur central.
Chaque duel est dans un secteur de jeu (un couloir),
1 ou 2 passeurs neutres sur les côtés, 1GB.
Résultats à obtenir : marquer 10 points en défense pour changer de statut (2 pts si reconquête provoquée,
1 pt si ballon hors des limites du terrain, -1 pt si faute des défenseurs).
Conditions à respecter : les attaquants n’ont pas le droit de changer de secteur, les défenseurs ont toute liberté d’en changer.
Régulation / relance : être très attentif à l’équilibre des rapports de force dans les secteurs.
– limiter le CA du PdB (un seul dribble, dribble de débordement interdit…).
– agrandir ou réduire les espaces (secteurs).
– questionner les défenseurs sur les conditions de réduction des possibilités du PdB.
Les ressources sollicitées
– L’activité perceptivo-décisionnelle : l’activité du PDB sera juste s’il a mis en relation l’activité du pivot et de son défenseur.
L’activité du pivot est décisive : il permet au PDB d’utiliser son couloir direct en s’écartant ou il vient aider le PDB s’il en a besoin.
– Développement des ressources physiologiques et biomécaniques : la répétition sollicite les ressources énergétiques et contribue à développer les savoir faire tout en préservant leur sens.
Situation 2 : le jeu du partenaire du PdB
Dispositif : 2 x 2 latéral ou central, 1GB.
Défenseurs : 1 hors 9 m, 1 dans les 9 m.
Attaquants : 1 en position de pivot, 1 PdB en position d’AR.
Résultats à obtenir : Marquer malgré l’étagement défensif.
Conditions à respecter : Lancement du jeu par une passe à un des 2 passeurs neutres.
Régulation/relance : Être très attentif à l’équilibre des rapports de force dans les duels.
– agrandir ou réduire les secteurs en largeur en profondeur.
– limiter les possibilités d’action des défenseurs (balle tenu à 2 mains…).
Les ressources sollicitées :
– ressource perceptivo-décisionnelle : activité de lecture sur les conditions d’exploitation du CJD par le PdB : mise en relation de l’activité du pivot et de son défenseur.
– ressources physiologiques et biomécaniques : répétition d’actions en situation proche du jeu et développement des savoir faire du joueur « dedans » (fixation, écran, bloc…)
Cet article est paru dans Contrepied HS N°6 – HandBall – Mai 2013