La performance en badminton

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La présence du Badminton dans ces journées pédagogiques1 centrées sur la « réussite de tous » peut sembler à priori surprenante, voire inappropriée, dans la mesure où il s’agit d’une activité qui a la réputation de favoriser un progrès rapide des élèves.
Cependant, je considère avec Deutz d’Arragon (2013) qu’enseigner le badminton relève d’une « fausse évidence ».
Ces journées seront donc l’occasion de revenir sur ce qui, dans la logique même de l’activité, est créateur d’inégalités potentielles de réussite, afin de proposer quelques pistes didactiques et pédagogiques visant à les limiter.

Logique interne du badminton et réussite de tous ?

Tout d’abord, le badminton est une activité fondamentalement duelle : elle nécessite de la part des joueurs de s’engager dans un rapport de force avec un adversaire, et de le gérer. L’intention de s’inscrire dans ce duel est une condition indispensable pour atteindre les compétences attendues en EPS : en effet, le jeu en coopération ne rend pas nécessaire le travail de la construction de l’échange ou de la variété des frappes, axes pourtant prioritaires dans les programmes. Or, l’acquisition de cette capacité n’est pas neutre du point de vue du genre : si les filles peuvent avoir des difficultés à entrer dans une logique d’opposition dans le sens où elles jouent « pour rire », les garçons ont quant à eux davantage de mal à gérer les frustrations liées à leurs intentions de duellistes dans la mesure où ils jouent « leur vie » (Davisse et Louveau, 1998).

De plus, la notion d’incertitude est centrale en badminton : l’enjeu est davantage d’engager les élèves dans une activité d’adaptation permanente que dans une reproduction de techniques (Leveau et Demas, 1991). Pour autant, il s’agit d’une APSA également très exigeante sur le plan moteur (coordination et dissociation) si l’on veut gagner en puissance et en précision, éléments qui font souvent défaut aux élèves en échec. Or, comme le soulignent les travaux scientifiques, seule une quantité de pratique importante peut engendrer une adaptation précoce et efficace des processus perceptivo‐moteurs (Derrider, 2000).
De ce fait, dans la mesure où les élèves ne disposent pas tous du même vécu, ils n’ont pas les mêmes chances de réussite au terme d’un cycle de badminton. La même démonstration pourrait être faite sur le plan des ressources énergétiques : de la vitesse et de l’endurance sont en effet nécessaires pour être efficace, dans les déplacements en particulier.
Or, il s’agit de qualités qui sont pour une large part déterminées génétiquement.

Ainsi, comment faire en sorte que chacun des élèves, avec leurs identités sexuées, leurs expériences et leurs ressources singulières, atteignent les compétences attendues lors d’un cycle de badminton ? Seront traités dans ces journées la construction d’un 1er et d’un 2ème cycle.

1. Cibler des axes de travail et des contenus d’enseignement pour chaque étape d’apprentissage

En croisant les compétences attendues des programmes avec une analyse didactique du badminton, plusieurs axes de travail ont été définis : (a) le déplacement et le replacement ; (b) la production de trajectoires variées ; (c) l’identification et l’exploitation d’une situation favorable ; (d) la construction de l’échange ; (e) la gestion du duel. Pour chacun de ces axes ont été ciblés des capacités à atteindre en fonction du niveau visé. Je partage ainsi l’analyse développée dans le dernier cahier du CEDREPS (2013), selon laquelle c’est par la sélection d’objets d’enseignement en nombre limité qu’il est possible de répondre au problème de l’« éternel débutant ».
Lors de la 1ère demi‐journée, seront proposées des situations d’apprentissage visant l’acquisition de capacités qui me semblent prioritaires dans un 1er et dans un 2ème cycle, mais sur lesquelles les élèves sont difficiles à transformer.

2. Construire des situations de jeu aménagées significatives d’un niveau de compétence attendue : pour une évaluation continue et formative.

En alternance avec ces situations d’apprentissage, seront organisées des phases de confrontation à des situations de jeu global mais aménagé, dans lesquelles la validation des critères de réussite est significative de l’atteinte de la compétence attendue pour un niveau donné.

Ces situations, lorsqu’elles sont proposées en début de cycle, ont une fonction de mise en évidence d’un problème, permettant la mise en projet des élèves ; programmées de manière périodique au cours du cycle, elles servent d’évaluation formative afin d’aider les élèves à situer leurs progrès par rapport à la compétence attendue ; en fin de cycle elles sont le support de l’évaluation terminale.

De ce fait, le choix de ces situations, et surtout des critères de réussite et/ou d’évaluation, doit être questionné au regard des inégalités potentielles de réussite mis en évidence dans l’analyse de l’APSA développée en amont. Je présenterai dans ces journées des possibilités d’adaptation des critères en fonction du niveau de pratique et du sexe des élèves.

3. Différencier en fonction des obstacles rencontrés par les élèves, sans dissocier l’apprentissage des techniques spécifiques au badminton de leur fonction tactique

En fonction du comportement des élèves dans la situation de jeu global aménagé, l’enseignant doit être capable, en les observant mais également en les questionnant, de faire des hypothèses sur la nature des problèmes qu’ils rencontrent. Ces obstacles n’étant pas pour tous de même nature, ni de même intensité, sera abordé dans ces demi‐journées la différenciation en badminton de deux manières : comment proposer au cours d’une même leçon des situations spécifiques à certains groupes d’élèves ; comment adapter une même situation à l’aide de variables.

Ces situations, dans la mesure où elles ciblent un problème précis, peuvent être décontextualisées c’est‐à‐dire ne pas être des situations de jeu. Pour autant, en cohérence avec l’analyse du badminton présentée, fondée sur la notion d’incertitude et de duel, les apprentissages techniques proposés s’articuleront autant que possible avec des apprentissages d’ordre tactique et émotionnel. La pertinence de situations dans lesquelles les élèves doivent répéter des coups dans un ordre imposé, et où il n’y pas de volant et/ou de partenaire sera questionnée.

4. Mettre la coopération entre les élèves au service de la réussite de tous

Le fait d’avoir décrit le badminton comme une activité d’opposition duelle ne signifie pas pour autant le rejet de toute forme d’apprentissage coopératif, au contraire ! En effet, la réussite des élèves passe également par des phases de répétition en contexte plus stable, au sein de groupes homogènes mais également hétérogènes. Ces formes de groupement sont souvent l’occasion pour les élèves les plus en difficultés de progresser de manière significative.

La difficulté réside alors pour l’enseignant dans le fait de donner du sens à la coopération au sein d’une APSA ayant pour finalité l’opposition : je proposerai des pistes à l’échelle d’une situation, d’une leçon et d’un cycle d’enseignement, notamment par la création d’une interdépendance entre les élèves (addition des scores individuels, défi collectif sur un objectif commun fédérant la classe).

5. Varier les modes d’entrées ainsi que les formes de rencontres.

Si ces quatre pistes de réponses présentées ci‐dessus nous semblent adaptées à une majorité de publics scolaires, l’enseignant d’EPS peut être confronté à des situations particulières dans lesquelles elles sont inopérantes. Afin de faire réussir ses élèves, il est alors souvent nécessaire d’innover sur les modes d’entrées dans l’activité ainsi que sur les formes de rencontres proposées. Ce dernier point sera abordé sur la demi‐journée du vendredi matin, en co‐animation avec Claude Leveau, également enseignant à l’UFR STAPS de Nantes.

Intervention orale de Pauline ENDRESS – UFRSTAPS – NANTES, aux Assises pédagogiques du 5-6 février 2015.

  1. Intervention orale, 8e Assises pédagogiques de Nantes, 4 et 5 février 2015