Le sport est-il un jeu ?

Temps de lecture : 3 mn.

De Philippe Descola, INSEP Robert Laffont.

L’approche du jeu développée par l’auteur l’éloigne du sport contemporain. Dans ses observations, comme celles d’autres anthropologues, l’essentiel est dans le constat « qu’il ne s’agit pas du tout que l’un des camps triomphe sur l’autre » ou « qu’il ne devrait pas y avoir d’inégalités au terme du jeu ». L’activité ludique prime sur le résultat. Cependant, précise-t-il, « l’idée du jeu dans lequel l’un des participants triomphe sur l’autre est quelque chose qui, encore une fois, n’est pas absolument propre au monde moderne, mais qui a été, dans le monde moderne, complètement exacerbé par rapport à des conceptions du jeu qui privilégiaient l’activité ludique sur le résultat ». Le sport que nous connaissons, issu de l’individualisme possessif, « est en permanence dans ces dispositifs de compétition que sont le gain d’avantages par rapport à autrui. Ça, c’est la formule généralisée, le sport étant la quintessence empreinte de beauté de ce mécanisme. Et c’est en cela que le sport est différent du jeu ». L’imprécision de la définition du sport rend cette formulation énigmatique et laisse ouverte la question de savoir si, actuellement, le sport de la population est totalement dépourvu de cet objectif. Certes nous sommes loin de l’exemple qu’il donne de transformation du jeu, dans le monde animiste, en chasse, pêche, guerre, pouvant aller jusqu’à la mort. D’autre part, les bifurcations successives du sport dans sa longue histoire établissent des objectifs multiples toujours associés aux cultures qui les ont portées.

Non sportif « au sens habituel du terme » (?) il tire de belles conclusions de ses apprentissages (cheval) notamment lorsqu’il affirme que « n’importe quelle technique demande une incorporation et n’est véritablement efficace qu’à partir du moment où elle n’est plus « inculquable », où l’on ne peut plus vous enseigner ». 

Il reprend les analyses habituelles du sport contemporain, dans un registre similaire à la sociologie « critique » sans les condamnations avilissantes à l’égard des pratiquant.es, spectateurs·rices et supporters trouvant un intérêt particulier au fait que les personnes se parlent, sortent de leur vie privée ou de soi-même. 

Il ne partage pas les appréhensions à l’égard de l’homme machine ; « Une nouvelle manière d’être humain dans le monde, maintenant, va probablement consister à être des humains augmentés », affirmation qui ouvre un débat avec d’autres chercheurs (Jean-Michel Besnier, « Le sport, trop vite, trop haut, trop fort ? », même collection), doutant qu’une position morale, de type religieux soit féconde pour débattre de cette évolution.

Il termine son livre par une ouverture sur une vision de l’universel, comme forme de relation possible entre tous les êtres et de concevoir ce qu’on appelle de plus en plus fréquemment, « les communs » comme « des choses qui existent en soi et dont les humains pourraient n’être que des prolongements ». Certainement utopiste, il voit des applications possibles dans des reconstitutions d’équipes après chaque match et que les politiques de transferts de joueurs, préfigurent.

Un petit livre stimulant dont le format permet peu de développements et qui incite à un dialogue direct avec l’auteur.

Note rédigée par Jean Lafontan

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