d’Irma Pelatan, ed. La contre-Allée, collection La sentinelle, 2019.
Dans son inclassable ouvrage, entre récit et chronique, voire autobiographie, l’autrice raconte une jeunesse passée aux bords des bassins, où le corps de l’enfant devient celui de l’adolescente et de la jeune femme, à force de battements et d’ondulations. Avec beaucoup d’originalité et de sensibilité, elle propose la chronique d’un corps qui fait ses longueurs dans la piscine de Firminy, construite selon le programme « Modulor ». Le Modulor ? Il s’agit d’un système de mesure créé par le Corbusier, sorte de norme architecturale où le corps – celui d’un homme idéal de 1 mètre 83 – devient l’échelle de référence. L’analyse n’est pas celle d’une architecte, froide et mesurée, mais celle d’une nageuse qui offre une perception intime et une compréhension personnelle d’un lieu qui a accompagné la croissance de son corps. Après tout, Irma Pelatan l’a habité pendant près de 15 ans, entre 4 ans et 18 ans, enchaînant les longueurs avec ses camarades de lignes d’eau. Elle y a réalisé cegrand voyage qui mène de l’enfance à l’âge adulte… même si ce voyage se jouait dans un bocal d’une longueur de 25 mètres : « C’est vrai, quand on y pense, on n’allait pas bien loin. On nageait des kilomètres mais on restait sur place, dans notre petit bassin. Vingt-cinq mètres de long. On travaillait l’art du virage. L’art de la limite ». La piscine se fait matrice, la nage institue l’identité en devenir et le saut de la plus haute plateforme du plongeoir de la piscine réalise un rite initiatique. Irma Pelatan nous conduit aussi dans un collectif, un club de province (les Dauphins de Firminy), loin du haut niveau mais non sans des exigences sportives faites de rigueur et d’effort. Finalement, avec L’Odeur du chlore, l’autrice met des mots sur ce qui constitue le plaisir de nager et de vivre au sein d’un collectif, d’une équipe.
Par Julie Gaucher