Un beau titre pour ce petit livre qui reprend les entretiens de Michel Serres donnés à l’INSEP. Une mine d’or pour tous les amateurs de citations tant Michel Serres a le sens de la formule, frôlant la poésie : « Le corps peut beaucoup de choses, il peut même des choses que je ne sais pas encore, il peut quelques fois même l’impossible… ». M. Serres prend à contrepied la pensée toujours tenace selon laquelle « les facultés mentales précèdent cette matière lourde qu’on appelle le corps » et montre au contraire, que « le corps est intelligent », que « l’être humain a une capacité d’invention par corps », et croit même que «l’intelligence ne fait que jouer le dernier coup».
«Le corps est selon moi beaucoup plus intelligent, il est vraiment le logiciel sur lequel on peut programmer beaucoup de choses». D’où l’importance d’« apprendre par corps » et de l’hommage à ses profs de gym et ses guides de haute-montagne. Ce livre est constitué de très courts chapitres qui se font écho. Sont abordés le rapport entre corps et évolution technique, le ballon et « son érotisme puissant », la notion d’équipe et l’idée fondamentale pour M. Serres du « sport comme substitut à la guerre ». « Ce que j’admire le plus dans les sports co, c’est justement l’apprentissage de la gestion de la violence ». Après les aspects philosophique, social, politique, voire religieux du sport, Michel Serres s’attaque aux « basculements » générés par la compétition : l’identité, la drogue, l’appartenance, le marché. Pour lui « la question qui va gagner ? est la drogue moderne. Il faut savoir prendre congé de cette question ». Si l’on ne peut qu’être d’accord avec ses constats… beaucoup d’entre nous serons surpris par ses conclusions qui invitent à « imaginer un sport tout autre où il n’y aurait plus de confrontation, où la question même disparaîtrait ». Je regrette de ne plus pouvoir poser cette question à Michel Serres : Comment rencontrer tous les aspects positifs du sport qu’il énonce, en proposant – comme il le fait – une « EPS personnelle, individuelle », à des élèves qui pratiqueraient « des activités sportives sans souci de performance, de confrontation, de gain ou de perte, de victoire ou de défaite » ? Oui…comment gérer cette contradiction ?