À quand l’égalité réelle en France ?

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Le 22 mars 2013, Najat Vallaud-Belkacem réaffirmait ses engagements « pour la réalisation d’une troisième génération des droits des femmes : celle de l’égalité réelle ». L’obtention du droit de vote en 1944, la légalisation de la contraception en 1967 ou celle de l’interruption volontaire de grossesse en 1975 n’auraient-elles donc pas suffi aux françaises ? Muriel Salle, formatrice à l’IUFM de Lyon, nous confronte à quelques réalités !


Aujourd’hui, en France, filles et garçons n’ont pas le même droit à se projeter dans l’avenir, malgré l’obligation de la mixité scolaire depuis 1975. Les filles accèdent aux études et sont plus diplômées. Pourtant, elles forment le gros des rangs des pauvres (54%) ! Du fait d’une orientation scolaire s’effectuant toujours selon des critères sexistes, l’école anticipe et maintient une division sexuée du travail. Si les filles sont alors préparées à réussir scolairement, elles sont aussi formées à s’orienter vers les filières sociales moins rémunérées et moins reconnues, alors que les garçons sont préparés à réussir professionnellement et à s’orienter vers les filières compétitives, porteuses d’emploi et mieux rémunérées. Une « valence différentielle des sexes » induit même une dévalorisation systématique du féminin par rapport au masculin qui explique pour partie qu’une profession qui se féminise (à l’heure actuelle la médecine ou la justice, après l’enseignement) est une profession qui se dévalorise. Et les textes de loi peinent à en venir à bout.

Aujourd’hui, en France, femmes et hommes n’ont pas le même droit à vivre de leur travail. Le principe de l’égalité salariale, par exemple, est inscrit dans la loi depuis 1945. Mais malgré 4 lois sur le sujet (1972, 1983, 2001 et 2005), le compte n’y est toujours pas. Si l’on compare des salaires à temps complet, l’écart mensuel moyen entre hommes et femmes est de 446 euros : presque un demi-Smic ! Au terme de la vie professionnelle, le verdict est sans appel. Entre les pensions des femmes (606 euros en droits acquis) et celles des hommes (1372 euros), l’écart est du simple au double !

Les femmes valent-elles moins que les hommes ?

Même constat en privé. En moyenne, les femmes consacrent 3 h 52 par jour aux tâches domestiques (2 h 24 pour les hommes), et assument des tâches moins valorisées, répétitives, éternellement recommencées (ménage, cuisine ou courses contre bricolage ou jardinage dévolus aux hommes). Foyer rime aussi avec violence. En France une femme meurt sous les coups de son compagnon tous les deux jours et demi. Mais les violences subies par les femmes le sont aussi à l’extérieur. Le viol, défini par la loi comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par violence, contrainte, menace ou surprise » est théoriquement puni de 15 ans de réclusion criminelle. Malgré une estimation basse de 75 000 viols chaque année en France, seules 5 000 plaintes sont déposées. Et 2 % des agresseurs sont condamnés. Une femme sur trois est aujourd’hui concernée par la violence. On voudrait que le politique se saisisse de ces inégalités. Mais il n’est pas non plus exemplaire. En dépit de la loi sur la parité (2000), on ne compte que 27 % de femmes à l’Assemblée, 22 % au Sénat.

L’égalité des sexes n’est pas acquise en France.

Pourtant, alors que le préambule de la Constitution de la ive République énonce dès 1946 que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme », de puissantes forces conservatrices ont récemment exprimé leur attachement à un modèle traditionnel de la famille. Chacun-e bien à son rôle.
Comment ne pas voir ce que la persistance des inégalités entre hommes et femmes et des stéréotypes de genre engendre de souffrance ?
Souffrance des filles et des femmes lisible dans la baisse très nette de l’indice de bien-être qu’elles déclarent, depuis une quarantaine d’années. Souffrance des garçons et des hommes qui ne se sentent pas en adéquation avec les normes de la masculinité hégémonique, les grands sensibles, les pas-assez-virils, mais aussi souffrance de ceux qui s’y conforment en adoptant des pratiques à risques préjudiciables à leur espérance de vie (78,2 ans pour un garçon né en 2011, 84,8 pour une fille) ou à leur santé (76% des personnes qui se tuent en voiture sont des hommes). D’après l’OCDE, les inégalités hommes/femmes sont mauvaises pour nos économies, elles sont aussi mauvaises pour le moral de tous et toutes.

Quand est-ce qu’on s’y met vraiment ?

Cet article est paru dans Contre Pied – Égalité ! – Hors-Série n°7 – Septembre 2013