Compagnie XY, des artistes passionnés

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L’acrobate,  métaphore du temps volé au temps, Xavier Lavabre l’est pleinement quand, avec ses 21 acolytes de la compagnie XY, il s’efforce tous les soirs de « tenir le niveau collectif du spectacle 1». Spectacle du déséquilibre et de la précarité, où ils se jouent de la pesanteur, les acrobates donnent à voir également l’indispensable rapport de chacun aux autres, les formes de partages « comme une ode à l’humanité brinquebalante et imparfaite ».

Le spectacle que vous présentez l’appelleriez-vous un numéro, une pièce…

Ce que vous venez de voir n’est pas seulement un numéro, c’est une pièce qui exige une écriture plus poussée. Il y faut un jeu d’acteur, du comique, de la danse… et évidemment de l’acrobatie. Notre spectacle relève du cirque contemporain. Cela se distingue bien sur de la gymnastique ou de l’acrosport qui sont liés par le code, le classement, la conformité à, la confrontation, la note. Ici on voit des athlètes plus libérés : s’il y a un raté ce n’est pas grave, par contre comment on va régler le montage, le finir. La présentation… c’est ce qui nous intéresse, nous sommes des artistes et ce qui nous rassemble c’est la passion mais dans l’expression des talents et de l’acrobatie.

Si notre intention change, le spectacle change aussi, même si les aspects techniques et acrobatiques restent d’une même exigence.

Peut-on parler d’intentions ?

L’intention est partout. Provoquer des émotions, entraîner un public, mais aussi comment je monte, quelles indications je donne à mes partenaires. Le gymnaste en a aussi mais elles sont similaires à chaque présentation, il faut qu’il s’exerce à ce qu’elles le soient, nous c’est l’inverse, on laisse parler nos sentiments, nos impressions, elles sont même mises en scènes, c’est un art vivant : chaque soir si nos déplacements sont millimétrés, si tout a été répété, le rapport que nous avons entre nous, au public, la tonalité qui va naitre de ça, va changer le ressenti général et va influer sur le spectacle au point de le rendre différent. Si notre intention change, le spectacle change aussi, même si les aspects techniques et acrobatiques restent d’une même exigence.

Quand vous cherchez à progresser sur quoi mettez-vous l’accent ?

Ce qui constitue le progrès pour nous, c’est de tenir le niveau collectif du spectacle. à 22 c’est très important. Bien sur chacun s’entraîne pour être au meilleur de lui-même, chacun mini groupe règle au mieux ses réalisations, mais il suffit que l’un(e) soit « en dessous », fatigué(e) pour que le déséquilibre s’installe, alors le groupe par son investissement doit compenser, pour que, toujours, le niveau collectif soit conservé, c’est ça l’exigence, davantage que l’exploit de l’un(e) d’entre nous dans la figure qu’il doit réaliser.

« Ce qui constitue le progrès pour nous, c’est de tenir le niveau collectif du spectacle. »

Comment se déroule l’écriture ?

L’écriture du spectacle est collective et se fait avec l’apport d’un regard extérieur comme force de proposition. C’est très difficile car il faut gérer des différences générationnelles qui posent des problèmes d’expérience et de compétence. Tout part d’une idée, puis du travail que chacun(e) injecte, des pistes s’ouvrent, mais ce sont les idées qui constituent la trame à partir de laquelle les duos, trios… vont travailler pour ensuite se regrouper pour produire le spectacle. Il y a pas mal d’impros et on travaille beaucoup sur les déplacements qui génèrent des regroupements, des formes corporelles et le chorégraphe introduit un début, un déroulement, une fin.

Comment vous entraînez-vous ?

Comme des sportifs de haut niveau. L’entraînement est quotidien à raison de 2h chacun(e) puis 2h30-3h collectivement, quasiment autant pour le réglage des duos, trios…, les répétitions des figures qui vont s’enchaîner pendant le spectacle. Malgré une impression de fouillis chacun(e) connait d’où il part, ou il(elle) va, quelle est sa trajectoire…L’entraînement porte bien sur aussi sur les répétitions inlassables des figures pour la réussite mais pour faire baisser les risques, qui existent, mais on fait ce métier pour ça aussi .

Sur quoi les porteurs prennent-ils leurs repères ?

Dans l’installation et le maintien des pyramides l’équilibre se joue à partir de celui ou celle qui est le plus haut. En fonction des sensations transmises et ressenties, l’équilibre est restauré en passant par dessous en avant ou en arrière. Un peu comme quand on essaie de faire tenir un bâton droit dans la paume de sa main. Beaucoup de nos figures ont été inventées, nous nous autorisons toutes les prises de risque, à la différence de l’acrosport nous ne sommes pas tenus par un code qui nous enferme ou nous interdit telle ou telle figure, comme la chute tête en bas par exemple.

Entretien réalisé par S. Duboz et JP. Lepoix et paru dans la revue Contrepied Acrosport

  1. l n’est pas encore minuit

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