Extraits de « l’Homme et la culture » de Léontiev

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Ces quelques extraits, choisis pour l’apport qu’ils apportent à la compréhension des rapports humain/culture/éducation valent mieux qu’un long discours. L’auteur, avec d’autres, fait partie des bases théoriques qui nourrissent ce qu’on appelle le culturalisme dans le domaine de l’éducation.

L’Homme et la culture – Développement du psychisme, Alexis Léontiev, 1961 (éditions Sociales, 3e édition, 1972)

(…) Ainsi l’homme, devenu sujet du progrès social de travail, se développait sous l’action de deux sortes de lois : en premier lieu les lois biologiques en vertu desquelles ses organes se sont développés aux conditions et aux besoins de la production, en second lieu les lois socio-historiques qui régissaient le développement de la production même et des phénomènes qu’elle engendre… Au troisième stade de son évolution (homo sapiens) seules les lois socio-historiques régissent désormais l’évolution de l’homme.

Au cours de l’activité des hommes, leurs aptitudes, leurs connaissances et leurs savoir-faire se cristallisent dans ses produits matériels, intellectuels, idéels. C’est pourquoi tout progrès dans le perfectionnement, par exemple, des outils de travail peut être considéré, de ce point de vue, comme marquant un nouveau degré du développement historique des aptitudes motrices de l’homme… Chaque génération commence donc sa vie dans un monde d’objets et de phénomènes créés par les générations précédentes. Elle s’approprie les richesses de ce monde en particulier en participant au travail, à la production et aux diverses formes de l’activité sociale, et développe ainsi les aptitudes spécifiquement humaines qui sont cristallisées, incarnées dans ce monde.

(…) En fait, la pensée et le savoir d’une génération se forment à partir de l’appropriation des résultats de l’activité cognitive des générations précédentes.

(…) Les aptitudes et caractères humains ne se transmettent nullement par hérédité biologique mais s’acquièrent tout au long de la vie par un processus d’appropriation de la culture créée par les générations précédentes. C’est pourquoi tous les hommes actuels, quelles que soient leurs appartenances ethniques, possèdent les dispositions élaborées dans la période de formation de l’homme et qui permettent, lors- que les conditions sont réunies, l’accomplissement de ce processus inconnu dans le monde des animaux.

(…) L’individu est placé devant un océan de richesses accumulées au long des siècles par d’innombrables générations d’hommes, les seuls êtres, sur notre planète, qui soient des créateurs (…) Comment se déroule le processus d’appropriation par les individus des acquis du développe- ment historique de la société (…) Il faut souligner que ce processus est toujours actif du point de vue de l’homme. Pour s’approprier les objets ou les phénomènes qui sont le produit du développement historique, il est nécessaire de déployer par rapport à eux, une activité qui reproduise, par sa forme, les traits essentiels de l’activité incarnée, accumulée dans l’objet.

Mais peut-on supposer que cette activité adéquate apparaît chez l’homme, chez l’enfant, sous l’influence des objets, des phénomènes eux-mêmes ? La fausseté d’une telle proposition est évidente (…) Les rapports de l’enfant au monde ont toujours pour intermédiaire le rapport de l’homme aux autres êtres humains, son activité est toujours insérée dans la communication (…) Par sa fonction, ce processus est donc un processus d’éducation.