La médicalisation de l’échec scolaire, Stanislas Morel, éditions La dispute. 2014

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La multiplication des « élèves à besoins éducatifs particuliers » est une opération qui s’est considérablement développée ces dernières années. La catégorie s’est élargie au point d’englober tous ceux qui ont des difficultés scolaires …

soit en psychologisant les problèmes (phobie scolaire, estime de soi…) soit en cherchant une origine neurobiologique, voire génétique aux troubles d’apprentissage : dyslexie, dysorthographie, dysphasie, dyspraxie, hyperactivité, précocité intellectuelle… Tout cela révèle de ce que l’auteur appelle une médicalisation de l’échec scolaire. On pourrait en rester au constat, que tout le monde a plus ou moins repéré : chaque classe a maintenant son lot de dossiers médicaux et les professeurs principaux font circuler toutes sortes d’informations plus ou moins fiables. Mais les conséquences bouleversent le rapport à l’Ecole et reconfigure d’abord le rapport à l’échec, qui devient très individualisé et dont la responsabilité rejetée du côté du fonctionnement du cerveau dont la connaissance serait liée au développement des sciences cognitives principalement. On comprend que cette « médicalisation » arrange beaucoup de monde, à commencer par les parents qui voient enfin une explication rationnelle à l’échec de leur enfant. Mais on voit s’opérer aussi un transfert de légitimité pédagogique des enseignants et plus largement de l’institution pédagogique vers les personnels de soin.
L’auteur pose alors une question redoutable : l’intervention de ces personnels a-t-elle vraiment pour cible des enfants atteints de pathologies ou vise-t-elle à promouvoir des réformes pédagogiques que certains pensent nécessaires pour l’ensemble des élèves ?
Il est vrai qu’à l’heure où on parle beaucoup d’évaluation et de moyennes, on pourrait vite se rendre compte que cette logique de médicalisation pourrait s’étendre à tous les élèves qui ne sont pas dans la norme, dans la moyenne, c’est-à dire grosso modo entre 9 et 15 sur 20. Ceux qui sont en dessous ont des « dys » et ceux au-dessus sont surdoués ?
Cerise sur le gâteau, on en arrive aussi à oublier que l’échec scolaire reste toujours et encore corrélé au milieu social !
Peut-être aussi, finalement, que cette naturalisation des extrêmes vient consacrer le pouvoir des classes moyennes sur l’école publique ? En tout cas, elle consacre surement l’éviction des sciences sociales et de la pédagogie dans la prise en compte et du traitement de l’échec, au profit des sciences de la vie…
Ce livre apporte un regard salutaire, comme le reste de la collection du reste, sur la compréhension des enjeux scolaires.