Le foot à 7 auto-arbitré n’est pas seulement un jeu de football à effectif réduit, c’est un jeu pensé pour reconstruire une pratique citoyenne et porteuse de changement social. Alain Jeunehomme, président du comité départemental FSGT 93 nous présente le fonctionnement de ce jeu, soutenu par la FSGT. De quoi nous donner des pistes pour nos pratiques en EPS et en AS.
Qu’est-ce-que le foot à 7 ?
Pourquoi a- t-il été inventé ?
Cette pratique émerge à Aubervilliers en 1968 sous la forme d’un championnat inter-quartier. Le foot à 7 FSGT est donc une formule réglementée d’une pratique de foot au pied des immeubles. L’auto-arbitrage a été réfléchi pour répondre à des besoins : diminuer au maximum l’anti-jeu ainsi que les violences, qu’elles soient verbales ou physiques, sans dénaturer le jeu et ainsi promouvoir des valeurs d’engagement et de respect. Le système de gestion des résultats est conçu pour conserver l’esprit de camaraderie.
L’originalité par rapport à la pratique dominante du foot vient de trois aspects :
La création de sa propre équipe : les équipes sont des regroupements de copains passionnés et amoureux du beau jeu.
L’auto-arbitrage et la négociation des règles.
Deux championnats se succèdent : le championnat d’automne est un brassage d’équipes de différents niveaux avec uniquement des matchs allers ; le championnat de printemps est un championnat de niveaux, plus classique.
Cette formule tient compte des contraintes d’installations, recherche la facilité de mise en place de la pratique ainsi que l’ouverture de la pratique au plus grand nombre. En Seine-Saint-Denis, c’est aujourd’hui 100 équipes concernées.
Cette formule se base sur une organisation démocratique. Des assemblées générales sont organisées afin de valider la composition des poules, de désigner des référents par poule, de travailler ensemble le fonctionnement et de réviser le calendrier si besoin.
La formule générale du jeu est remise en compte tous les ans et validée par une commission, où tous les participants sont invités à y prendre part.
Une commission se réunit également tous les mois afin d’enregistrer et de valider les résultats de match et le classement des poules. Elle gère également les litiges. Tout le monde peut y prendre part, s’investir dans les décisions. La présence d’un représentant des équipes en litige est obligatoire. Les décisions sont donc discutées et validées. Il n’y a eu que deux conflits réglés par la commission en 2011/2012, ce qui indique que la plupart des litiges se règlent entre les deux équipes qui jouent, en auto-arbitrage, au moment du match. Ainsi, chaque joueur est sollicité du point de vue de l’engagement, de l’organisation et de la prise en charge de démarches.
L’auto-arbitrage et la négociation des règles, comment cela fonctionne t-il ?
Au foot à 7 auto-arbitré, deux règles ne sont pas négociables : on joue sans hors-jeu ; on joue sans tacle. Les équipes sont composées de 7 à 13 joueurs ; les matchs se déroulent sur un temps de jeu de 1 heure et sur des terrains qui sont en général la moitié du foot à 11. On joue sans arbitre ; on devrait plutôt dire sans sifflet car les arbitres existent mais sous forme originale et peu commune.
En début de match, les autres règles sont négociées : les touches, on les fait au pied ? à la main ? Les deux ? Le temps de match, on fait quoi ? Une heure non stop ? Deux fois trente minutes ? Deux fois vingt cinq minutes avec une mi-temps ?
La formule repose sur la responsabilité, l’implication et l’honnêteté de chaque joueur présent sur le terrain. Il appartient à chacun d’arrêter son action, dès lors qu’une faute ou une sortie des limites ont été observées.
Chaque décision est validée collectivement par les équipes. Chacun a intérêt qu’il n’y ait pas de conflit (ou de cinéma individuel !) parce que toute discussion diminue d’autant le temps de jeu qui ne peut dépasser une heure. Une équipe peut décider d’arrêter de jouer si les conditions de jeu ne sont pas loyales. Elle quitte alors le terrain, sans que cela soit reconnu comme abandon. Ce différend se résout ensuite lors des commissions mensuelles.
Ces règles sont conçues pour favoriser un jeu attractif et vivant, pour lutter contre la violence et les blessures et ainsi promouvoir des valeurs d’engagement et de respect. Le plaisir du jeu et l’esprit de camaraderie priment sur l’enjeu du résultat.
En quoi, ce « foot sans sifflet » est-il une pratique porteuse de changement social ?
L’auto-arbitrage permet le passage du rôle individuel de l’arbitre à un rôle collectif. Il permet la répartition de la responsabilité de l’arbitre. Ce rôle est un point épineux souvent de la pratique dominante du foot : on passe donc d’1 arbitre à 14. Là où un arbitre ne siffle pas ou ne voit pas la faute (qui amène parfois à des réactions physiques ou verbales violentes), il y a 14 arbitres présents capables de communiquer. L’auto-arbitrage nécessite le jeu loyal des joueurs, comme en témoigne les joueurs sur la vidéo disponible sur le site de la FSGT 93 : « les collègues préfèrent jouer plutôt que se faire “enguirlander” par les autres joueurs quand ils jouent le rôle d’arbitre parce qu’ils n’ont pas sifflé la faute au bon moment ».
Cette négociation des règles est émancipatrice car elle permet aux pratiquants d’être actifs dans leur pratique par les choix effectués mais également car ces principes impliquent l’écoute et la communication des équipes. Personne n’est consommateur et tous sont responsabilisés.
De plus, la règle de la dernière action empruntée à la pratique du rugby (à l’annonce de la fin du temps de jeu par les joueurs responsables, l’action en cours se poursuit et clôture le match) et le remplacement tournant (qui donne la liberté de changer de joueurs à tout moment sur le terrain) participe à la mise en place d’une citoyenneté active sur le terrain.
Comment fonctionnent les compétitions ? Quel est l’intérêt de la phase de brassage ?
Les 100 équipes inscrites sont réparties de manière aléatoire dans 7 groupes : c’est la phase de brassage. Lors de cette phase, on rencontre chaque semaine une équipe différente ; elles peuvent être beaucoup plus faibles ou beaucoup plus fortes. La compétition comporte uniquement l’utilisation des matchs allers, afin de faciliter la gestion des matchs (intempéries, replacement), de conserver un intérêt (je rencontre une nouvelle équipe).
Cette phase permet de constituer des groupes de niveaux et aux équipes de jouer rapidement à leur meilleur niveau.
Dans un championnat classique, les équipes progressent année par année dans le système de montantes descendantes. Ainsi, pour une équipe qui s’inscrit pour la première fois, le parcours
peut-être long avant d’atteindre le meilleur niveau. à l’inverse, les équipes de petit niveau ne rencontrent jamais de plus forts.
Le système proposé casse ces enjeux de montantes descendantes du football traditionnel. Chaque année, toutes les équipes peuvent prétendre jouer au meilleur niveau du championnat. Là aussi, une règle a été édictée de façon à ce qu’aucune équipe ne triche et ne tente d’entrer dans le championnat sans passer par la phase de brassage.
L’année se poursuit par le championnat de printemps avec des poules basées sur les résultats précédents.
Pour conclure, il me semble que les valeurs portées par ces propositions peuvent intéresser les enseignant(e)s : l’associativité, l’implication et la sportivité ont certainement toute leur place en EPS et en AS.
Ce texte est paru dans Contrepied HS n°4 – sept 2012 – Sport demain, enjeu citoyen. Les propos ont été recueillis par Marie Anne Gury