Projet interdisciplinaire sur l’égalité filles-garçons , avec l’EPS comme moteur

Temps de lecture : 4 mn.

Depuis 10 ans, au collège de Blainville, un projet égalité vit grâce à des profs convaincu.es et passionné.es. C’est d’abord grâce à l’EPS, avec Nina Charlier, que la question de l’égalité a été travaillée, puis d’autres enseignants s’en sont emparés. Au final, plusieurs disciplines et toutes les classes du collège sont concernées.

L’EPS à l’origine du projet

Dans l’académie de Caen, nous avons commencé à travailler en EPS dans les années 2000 – grâce à un groupe de recherche et d’innovation du PAF – sur les élèves en difficultés…. Nous nous sommes vite aperçues que ces élèves s’avéraient être presque toujours des filles ! C’est ainsi que nous avons commencé à travailler sur la mixité… et que nous nous sommes rendues compte que la mixité ne garantit pas du tout l’égalité. A l’époque, nous ne posions pas encore le problème en termes d’égalité (voir Contrepied mixité, 2005). J’ai ensuite repris des études et fait un DIU dont le mémoire portait sur les représentations que les élèves ont de la mixité. C’est ainsi que toute l’équipe EPS a été sensibilisée au sujet, et que cette sensibilisation a diffusé vers d’autres profs du collège, notamment les profs de SVT.

Naissance du projet

Une fois que l’on a pris conscience du problème, on devient très sensible à toutes les petites phrases sexistes, qu’elles viennent des élèves ou des collègues. Les premières discussions ont eu lieu autour du café. Nous avions remarqué tout un tas de problèmes de relations filles-garçons et quelque chose qui nous semblait insupportable : les filles ne se rebiffaient pas quand les garçons leur mettaient la main au fesses …parfois même certaines en étaient fières !
Nous avons voulu prendre les choses en main. Ça n’était pas simple : il fallait faire des réunions sans prendre trop de temps, on se réunissait donc en mangeant, on appelait ça une dinette. Ensuite, nous voulions proposer un évènement –pas un truc banal – qui concerne tout un niveau de classe pendant 2 jours et qui serait accepté par les autres collègues, autrement dit à une période creuse. Et nous voulions intégrer les parents d’élèves. C’est ainsi que nous avons choisi la dernière semaine de juin.

Les contenus, impliquer les disciplines

Nous voulions que pendant les deux jours les élèves soient très actifs, avec beaucoup d’inter-relations, un appui sur les disciplines, avec des acteurs différents. Le groupe pilote comprenait : le CPE, l’infirmière, la documentaliste, la prof d’arts plastiques, 2 profs de SVT et 2 profs d’EPS femmes. Nous avions l’aide et le soutien de la mission égalité du rectorat.

Le programme était le suivant :
1. Regarder deux films Billy Elliot (garçons) et Joue la comme Beckam (filles) avec débats ensuite
2. Prendre conscience des stéréotypes avec la « situation de l’Ours » (filles et garçons mélangés)
3. Une séquence avec une sociologue (G.Pezeu) sur les rapports filles-garçons (alternance de petits jeux, de discussions en petits groupes et grands groupes)
4. Un atelier arts plastiques : concevoir une affiche sur l’égalité F-G
5. Un atelier danse sur le thème de stéréotypes, mixte, animé par les 4 profs d’EPS. On avait travaillé avant pour aider les collègues peu férus de danse.
6. Une séquence avec l’association SOS-homophobie
7. Le soir, une conférence avec les parents (invitation d’une chercheuse)

Ces deux jours ont vraiment été un succès, et ont duré 5 ou 6 ans. La trame restait la même et nous changions d’inducteurs : une exposition de Femmes solidaires, une entrée par l’histoire des femmes au XXè siècle, etc.

Le projet s’est ensuite développé avec des journées à thèmes tout au long de la scolarité collège :
classe de 6è : les droits de l’enfant (1 jour)
classe de 5è : l’égalité filles-garçons (2 jours)
classe de 4è : violences sexuelles et homophobie (1 jour)
classe de 3è : les métiers et l’égalité (1 jour)

Entre temps, un des profs de SVT a fait un mémoire de master sur l’égalité.

Je pense que cela a eu un réel impact sur les élèves, sur les profs et sur les parents. En EPS, les élèves contestaient moins les équipes mixtes, par exemple en sports collectifs.

Les garçons acceptaient plus facilement d’être mis en compétition contre des filles tout en admettant qu’elles pouvaient être performantes et gagner sans que cela soit sujet à moqueries.

Plus généralement je crois que les filles ont pris leur place en EPS, une confiance en elle ré-affirmée. Elles sont devenues majoritaires à l’AS.

Le  problème est celui de la pérennité quand des membres moteurs s’en vont. Ces projets sont très liés à l’équipe qui les anime . Aujourd’hui, beaucoup de profs sont parti.es, ainsi que le CPE et le principal adjoint qui étaient des forts soutiens. En EPS il n’y a plus que des hommes qui n’ont pas eu de formation spécifique sur le sujet. C’est donc la prof de SVT qui porte le projet et elle est obligée de faire appel à des associations pour que le projet vive, avec pour conséquence directe la place amoindrie des disciplines.

Plus généralement je crois que les filles ont pris leur place en EPS, une confiance en elle ré-affirmée. Elles sont devenues majoritaires à l’AS.

Pour qu’un tel projet prenne vie, je pense qu’il faut avant tout de la conviction, et ensuite de la formation.
Travailler sur l’égalité bouscule tellement de préjugés que la bonne volonté, si elle reste un starter déterminant, ne suffit pas. Imaginer une personne-ressource égalité dans chaque établissement ne serait pas du luxe si on veut vraiment que les choses évoluent !

(Normalement, ça existe…mais la plupart du temps, c’est une personne qui est désignée sans le vouloir et qui n’a pas de formation).

Propos recueillis par Claire Pontais et parus dans le magazine Contrepied HS N°25 – Fortifier les équipes, fortifier l’EPS (Octobre 2019)