Stéphane Bonnery et le collectif d’auteurs, impliqués depuis longtemps sur la thématique des inégalités scolaires, démontent un rouage non interrogé jusqu’à présent : l’usage des manuels scolaires et plus largement des « supports » pédagogiques.
Ils prouvent, à travers leur évolution dans l’histoire, que ces supports ont beaucoup changé. On s’en doutait, évidemment. Mais ce qui est intéressant dans le livre, c’est la confrontation de ces changements avec l’activité de l’enseignant en classe et les observations faites en classe. globalement, si les exigences se sont élevées au cours des dernières années, si l’activité intellectuelle sollicitée est a priori plus intense, les supports pédagogiques et leurs usages ne revoient pas à une clarification de la nature de l’activité attendue. Ils participent ainsi au « brouillage » qui est à l’origine de l’échec scolaire : les élèves en connivence avec la culture scolaire réussissent, pas les autres ! C’est le thème central de recherche du groupe de recherche ESCOL. Or les manuels scolaires influencent l’activité de l’enseignant et, en étant remplis d’implicites, ils ne permettent pas d’identifier l’activité cognitive des élèves. L’évolution des manuels s’est réalisée en grande partie sur la base d’une théorie sous-jacente : le savoir se construit. en présentant par exemple un ensemble de savoirs et d’informations sans autre guidage, les rédacteurs du manuel invitent (on le suppose) les élèves à faire des liens de causalité entre les savoirs présentés, de regrouper les savoirs de même nature, d’en tirer un « sens », etc. Or c’est bien cela le problème : quelle est la véritable nature de ce qu’il faut faire ?
Cette logique, loin de permettre l’hétérogénéité des approches (car en fait il n’y pas tant de façons de faire différentes), peut au contraire renforcer les inégalités en ne guidant pas suffisamment l’élève au prétexte qu’il doit « construire par lui-même » le savoir. Cette conception pousse un peu les enseignants à penser que chaque élève sait spontanément mobiliser la bonne activité au lieu de penser minutieusement les dispositifs pour qu’ils guident collectivement les élèves vers le savoir.
Bien que nous n’ayons pas, en EPS, de manuel scolaire, il serait intéressant de travailler malgré tout nos « supports pédagogiques » pour voir s’il y a des conclusions similaires à faire. Mais il est probable que la nécessité de « lever les implicites » soit un mot d’ordre général à appliquer partout.