Efficacité des apprentissages sécuritaires en escalade dans différentes institutions

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Eric Mangeant agrégé d’EPS professeur en STAPS à la Faculté des Sciences du Sport de GAP (AMU), Docteur qualifié Maître de conférences en Sciences de l’Education et moniteur d’escalade, il expose ici dans les grandes lignes les résultats d’un travail de recherche intitulé : « Approche didactique de la gestion des risques en escalade : Etude comparative de plusieurs institutions. » répond aux questions d’Y.Léziart


Pourquoi as-tu engagé cette thèse alors que tu étais prof EPS ?

Lorsque j’ai entamé ce travail universitaire en 2004, j’étais déjà PRAG en université depuis 1997. Attiré depuis longtemps par les questions de didactique, c’est assez naturellement que je me suis tourné vers la recherche en sciences de l’éducation.

Cette démarche trouve son fondement dans un constat pragmatique que je faisais à partir d’une APSA bien précise, l’escalade, étant assujéti simultanément à plusieurs institutions, en qualité de professeur d’étudiants spécialistes d’escalade en STAPS, en tant que moniteur d’escalade dans le milieu associatif et aussi comme pratiquant expert de longue date. Je constatais dans ces microcosmes différentes manières d’aborder l’activité, différentes formes d’encadrement, différents modes de pratique. La question était donc posée, de comprendre ces fonctionnements et d’en observer les enjeux. Un élément m’interpellait particulièrement dans ce constat, celui de la différence d’approche de la gestion des risques et en corolaire de la mise en place de règles de sécurité au sein de ces différentes institutions.

A l’aube du travail de recherche, la question de l’efficacité des apprentissages sécuritaires dans différentes institutions et au-delà l’éventuelle corrélation avec l’occurrence d’accidents devint le moteur de cet engagement en thèse. Deux questions semblait se dégager :

– les apprentissages liés à la sécurité de la pratique en escalade sont-ils plus efficaces (entendons pérennes) lorsqu’ils émanent d’une structure à intention didactique où lorsqu’ils sont abordés en conditions de frayage c’est-à-dire où les savoirs percolent par le fait même de l’immersion d’un sujet dans un milieu et cela même en dehors de toute intention didactique ?

– les conditions de ces apprentissages ont-elles des effets ou des conséquences sur la sécurité de la pratique ultérieure ?

Quel cadre théorique as-tu choisi et pourquoi ? Quels sont les résultats significatifs obtenus ?

En premier lieu, issu d’une formation en EPS, il m’a fallu intégrer et comprendre l’univers de la didactique envisagée sous l’angle des sciences de l’éducation. A savoir, me former entre autres aux théories fondamentales que sont, à partir de la théorie des situations didactiques de Brousseau (TSD), la théorie anthropologique du didactique (TAD) selon Chevallard et la théorie de l’action conjointe didactique (TACD) impulsée par Sensevy, Mercier et Schubauer-Léoni. J’ai donc du dans un premier temps déconstruire pour reconstruire et changer ainsi mes représentations et mon système de références, passant d’une vision didactique disciplinaire à une approche plus englobante du didactique.

De fait, le cadre théorique pour mes travaux, s’est rapidement imposé compte tenu de ma problématique et de mon laboratoire d’accueil[[UMR ADEF (Apprentissage, Didactique, Evaluation, Formation) Marseille]]. En effet, ce travail avait pour intérêt de porter un regard comparatiste sur les conditions de transmission et d’appropriation des savoirs sécuritaires au sein d’une activité physique sportive de pleine nature, l’escalade; cela, au travers d’institutions aussi différentes soient elles, considérées ou identifiées comme didactiques ou pas. L’approche de la gestion des risques liés à la pratique qui y est faite, s’effectuant sous l’angle de la didactique comparée. J’ai ainsi cherché à différencier dans cette approche ce qui relève d’une part de la généricité des institutions observées, de ce qui dépend d’autre part de la spécificité de certaines d’entre elles. Il s’agit donc d’un générique et d’un spécifique trans-institutionnels et non trans-disciplinaires comme il est d’usage de le voir aborder dans les travaux en didactique comparée.

J’ai alors pris comme modèle initial, le système didactique associant de manière générique professeur, élève et savoir que j’ai mis à l’épreuve dans diverses institutions en observant les phénomènes de contrat et les caractères topogénétiques, chronogénétiques, mésogénétiques des différentes situations rencontrées in situ. Mais pour approfondir la question, et avec Alain Mercier comme directeur de thèse, la TACD est devenue rapidement le point d’ancrage de toutes mes réflexions et du travail de recherche qui s’en est suivi.

Le travail propédeutique à la recherche proprement dite, a consisté en une revue de questions autour de la problématique du risque dans les activités de pleine nature accompagnée d’une enquête exploratoire par questionnaire auprès d’un panel de grimpeurs représentatif de différentes institutions et de pratiques (milieux universitaire, scolaire, associatif, personnel et privé…).

Le premier enseignement que j’en ai tiré, a été de m’apercevoir que la littérature scientifique autour de la problématique du risque traitée sous l’angle de la didactique était très pauvre, le sujet étant davantage exploité sous les aspects psychologiques, sociologiques, socio-anthropologiques voire psychanalytiques. Le second, issu de l’enquête, nous apprend qu’une majorité des grimpeurs sondés (53%) a commencé l’escalade avec des parents ou amis, c’est-à-dire un contexte informel en situation de frayage, une institution a priori non didactique ; mais aussi que les pratiquants nouent un rapport librement consenti avec le risque. Celui-ci étant consubstantiel à l’activité, il fait partie du jeu.

Ces éléments recueillis m’ont permis d’engager une analyse a priori m’amenant à retravailler le modèle du système didactique pour le visualiser sous la forme d’un tétraèdre incorporant l’institution dans le système. Cette analyse, a donc fourni comme matériau, un synopsis global des institutions qui m’a permis ensuite d’aborder au plus près la question relative à la relation contractuelle en escalade. Car en effet, c’est bien de contrat (entendu comme un accord sur les fonctions de chacun, une convention), qu’il s’agit dans le cas de l’escalade en cordée.

A partir de cette analyse a priori de la relation contractuelle , je suis allé pratiquer des observations vidéo in situ de séquences d’initiation à l’escalade dans différentes institutions, suivies d’entretiens d’auto-confrontation avec les différents intervenants protagonistes des séquences filmés. Ont été observés : un cycle d’escalade en STAPS, une séance d’évaluation en collège classe de 6ème SEGPA, une leçon en lycée 1ère S, deux séances en club (CAF) avec des adultes, des séquences de pratiques autonomes. Les résultats de ces investigations comparatives mettent en évidence plusieurs choses :

– Aucune institution qu’elle soit didactique ou non, ne peut se garantir du risque d’erreurs. Nous retrouvons de manière générique le même type d’erreurs concernant par exemple des problèmes de mousquetonnage ou d’assurage. Ces erreurs se retrouvent de manière systématique quels que soient le contexte ou le cadre de pratique (SAE[[SAE : Surface artificielle d’escalade]], SNE[[SNE : Site naturel d’escalade ]]), l’âge ou le genre des sujets, le mode pratique (en tête ou en moulinette), l’institution qui organise la pratique (école, club, autonomie de pratique). Cependant, ce qui semble marquer la spécificité des institutions didactiques par rapport à celles considérées à la limite, est vraisemblablement leur aptitude à gérer ces dites erreurs en mettant en place des systèmes de protection ou d’alerte. En effet, l’enseignant – qui bien que de l’aveu même des intéressés ne peut pas tout voir – assure un contrôle effectif de la sécurité collective avec des dispositifs de sécurité passive, et impose des procédures de vérification et de co-validation explicites à ses élèves, ce qui ne se retrouve pas en situation de frayage. Ces procédures agissent comme des règles sécuritaires dont la fonction opératoire convoque la limitation des risques corporels. Ceci semble renforcé par l’association de règles institutionnelles, groupales et d’apprentissages.

Ainsi, en relation avec notre analyse a priori et le modèle employé, on distingue nettement in situ que les systèmes didactiques disposent ainsi d’un système de gestion des risques et de la sécurité à 4 niveaux : l’élève (qui doit prendre en charge les procédures liées à sa propre sécurité), la cordée (qui doit mettre en place des procédures spécifiques pour assurer la sécurité de son évolution), le professeur (qui gère à la fois la sécurité active et passive du groupe), l’institution (qui fixe les normes et règlemente la pratique). Et c’est précisément cette structure organisationnelle qui semble faire défaut en régime non didactique puisque ces institutions n’en comportent que 2 (les 2 premiers). Car dans ces conditions d’apprentissage et de pratique, les protagonistes constituent à eux seuls l’institution. Celle-ci étant informelle, aristocratique comme dirait Verret, elle n’a comme règles de sécurité que celles que les actants définissent et reconnaissent entre eux. Aucun règlement ni tiers n’impose quelconque procédure, et la gestion de la sécurité n’incombe qu’aux seuls pratiquants. Nul autre ne peut leur rappeler l’erreur. De ce fait le fonctionnement en régime didactique, montre que la gestion des risques est implicitement partagée : au professeur la gestion du danger pour que l’élève puisse prendre tout le risque nécessaire à son engagement. La notion de contrat didactique qui unit professeur et élèves et qui délimite les tâches de chacun, prend en compte aussi ce partage dans la topogenèse. De sorte, nous comprenons mieux par cette observation l’efficacité de la relation trilogique qui confirme en partie mon hypothèse en montrant qu’au-delà de la simple erreur de vigilance communément invoquée lors d’un accident, on est en droit de mettre en avant des causes didactiques et institutionnelles.

– Les captures vidéo, par l’émergence d’incidents critiques didactiques, apportent aussi d’autres éléments de compréhension de la complexité de la gestion des risques en escalade. Elles permettent d’identifier trois formes de prises de risques :

  • ceux que l’on prend en situation autonome (de manière consciente ou non)
  • ceux que l’on prend en position d’intervenant.
  • ceux que l’on prend sous contrôle de l’intervenant

Les premiers ne sont pas uniquement le fait de grimpeurs experts. On les retrouve généralement chez des grimpeurs initiés voire confirmés. Lorsqu’ils sont pris de manière consciente, ils relèvent soit d’une volonté d’émancipation de la démarche d’apprentissage, (tentant de s’affranchir de la tutelle du professeur pour agir de manière autonome et selon ses propres procédures la plupart du temps en occultant certaines procédures de contrôle) soit de l’ignorance ou d’une formation initiale mal assimilée.

Les seconds, ceux pris en position d’intervenant, interpellent davantage dans le cadre d’une institution didactique. A plusieurs reprises, j’ai pu observé que des enseignants se plaçaient en position inconfortable pour ne pas dire risquée, dans l’exercice de leur fonction. Ces risques pris concernent soit directement leur intégrité physique (circulation non assurée en haut de falaise), soit leur légitimité topogenétique en laissant se dérouler une situation dont ils ne contrôlent pas toujours les effets (chute en 1ère), ce que je nomme un glissement topogenétique. C’est alors une mise en danger institutionnelle. Mais là encore, j’observe que ces prises de risques sont partagées car elles s’opèrent dans le cadre de l’action didactique.

Enfin, en ce qui concerne les risques pris sous le contrôle d’un enseignant, ils ramènent directement à la notion de contrat. Les élèves ne peuvent s’engager vers la prise de risques que si le professeur a ôté le danger. Cette relation de confiance renvoie au partage des tâches inhérent à la situation topogénetique. Derrière ce contrat, il y a un non-dit connu de chacun des actants, mais qui est le ciment de la relation didactique. C’est justement parce qu’il n’y a plus de danger que l’élève peut prendre le risque. Cela revient à introduire un paradoxe traduit par la formule oxymorique suivante: « prendre des risques en toute sécurité ».

– Enfin, on notera que les frontières entre le didactique et le non didactique sont beaucoup plus perméables qu’on ne pourrait le supposer de premier abord. J’ai en effet pu constater que des élèves testaient de manière non didactique les effets de la chute dans le cadre d’une institution didactique qui ne proposait pas la situation de chute comme situation d’apprentissage, et inversement nous avons observé comment en situation autonome (a priori non didactique) l’aide de l’assureur par le repos sur corde pouvait être considéré comme une variable didactique évitant au grimpeur une chute de grande amplitude et permettant de « travailler » un passage difficile à moindre coût. Il y a donc confirmation de présence de quelque chose de didactique dans le non didactique et de l’a-didactique dans le didactique (ce qui a par ailleurs déjà été démontré dans d’autres situations).

Je conclue cette première partie de recherche en affirmant que même si les garanties de sécurité dans les phases d’apprentissage sont à mettre au crédit d’institutions didactiques, rien ne me permet d’affirmer par contre que ces apprentissages sont plus fiables hors de l’institution qui les a vu naître.

Pour cette raison, j’ai tenté alors de comprendre dans quelles conditions les accidents survenaient en escalade, même si les statistiques plaident en faveur des systèmes encadrés en les montrant moins accidentogènes. Faute de n’avoir pu constater de facto de situations critiques (et c’est heureux), j’ai eu recours aux témoignages. J’ai donc mené une série d’entretiens cliniques libres ou semi-directifs auprès de grimpeurs ayant vécu des situations critiques qui auraient pu leur être fatales. C’est donc par le récit d’épisodes de vie que j’entre en relation avec l’enquêté. J’utilise un procédé d’anamnèse, le rappel à la mémoire, technique librement transposée de la psychanalyse. J’ai donc interviewé : un professeur d’EPS victime d’un accident lors d’une pratique personnelle, un guide de haute montagne accidenté dans le cadre professionnel, un jeune grimpeur initié accidenté lors d’une pratique autonome, une auto analyse d’un incident personnel.

Il résulte de ces entretiens, que j’ai traités toujours sous une forme comparée, que la cause identifiée à l’origine de l’accident n’est pas uniquement une erreur de vigilance, mais plutôt une erreur qui trouve son origine dans un cadre institutionnel mal délimité. Je relève comme élément générique à ces accidents, un problème de co-validation ou de non respect des procédures élémentaires de sécurité, et ce bien que les grimpeurs soient majoritairement expérimentés. Je note également, que dans tous les cas l’assureur était peu expérimenté. Ce constat, réaffirme mon analyse a priori, qui définit la sécurité en escalade comme une action conjointe des actants, conjointe mais dissymétrique car l’essentiel de cette sécurité repose sur l’assureur. Ainsi, d’un point de vue théorique il est possible d’imputer une part non négligeable de l’origine des accidents à la faiblesse de la relation dialogique dans un contexte institutionnel qui n’impose pas de procédures obligatoires.

Ces entretiens montrent aussi que l’erreur n’est pas exclusivement le fait du débutant. Trois de ces accidents sont survenus avec des grimpeurs professionnels ou assimilés de l’activité qui logiquement, plus que quiconque, devraient commencer par appliquer pour eux-mêmes les procédures sécuritaires qu’ils imposent à leur public.

Pour clore cette partie de la recherche, je constate encore une fois, que les éléments recueillis lors de ces entretiens plaident en faveur de mon hypothèse initiale et de mon analyse a priori. Au-delà de la simple erreur de vigilance, ce sont des causes comme la négligence (l’affranchissement de procédures apprises et validées antérieurement) ou la méconnaissance (problème d’identification) des risques encourus qui sont à l’origine de ces accidents et qui trouvent leur explication dans un contexte et un fonctionnement didactiques et/ou institutionnels particuliers. Ainsi se repose la question de la pérennité des apprentissages « scolaires » d’une part, et leur mise en relation avec la situation réelle d’autre part.

Quels sont les apports de ce type de thèse pour des enseignants d’EPS de « terrain » ?

Il semble que de toute évidence la gestion des risques en escalade est multifactorielle. Elle ne repose pas uniquement sur la qualité de la formation initiale, mais dépend beaucoup de l’institution qui organise la pratique. Et le problème est bien de comprendre la variabilité des contrats institutionnels où cette pratique se développe ou s’enseigne.

Ainsi je peux avancer que la description des savoirs sécuritaires en termes de compétences est insuffisante pour justifier à elle seule une bonne gestion des risques en escalade. Ceci tient au fait que le problème de la sécurité n’appartient pas à une personne unique, mais à un collectif dans une activité coopérative et dissymétrique. Et cela renvoie aux institutions complexes où l’activité se déploie car, d’une part, il existe bien plus de situations diverses qu’on ne l’imagine pour un même problème, et d’autre part la confrontation avec la situation réelle est toujours plus complexe qu’on ne le pense parce que souvent différente ou éloignée des conditions de l’apprentissage.

J’estime à l’instar de ce que Brousseau a déjà démontré, que les apprentissages nécessitent un contexte signifiant pour être efficaces en situation. C’est pour cette raison que je pense que l’école ne donne pas aux élèves les moyens d’identification du risque alors qu’une de ses attributions est de former pour une pratique autonome hors de l’institution. L’enseignant opère un contrôle permanent sur la chronogénese et la mésogénese des apprentissages, et cela soulève le problème des conditions de rencontre des situations. A l’opposé, les systèmes d’apprentissages par frayage placent l’apprenant au plus proche de la situation réelle, ce qui en font des apprentissages aussi sûrs que les apprentissages scolaires, même si on n’y apprend pas explicitement et en priorité la sécurité. D’un coté, les pratiquants issus de l’école peuvent s’engager hors l’institution avec une certaine maîtrise des techniques sécuritaires censée les rendre autonomes, mais ont ainsi la possibilité d’aller à la rencontre de risques nouveaux, de l’autre les pratiquants issus du frayage se limitent souvent à ce qu’ils ont appris car le frayage n’a pas vocation à les rendre autonomes. Dans les deux cas, ce qui pose problème n’est pas la manière dont on a appris mais plutôt le passage de la phase d’apprentissage (d’assistanat) à celle d’autonomie qui bien plus qu’un savoir propositionnel requiert un savoir d’expérience qui lui ne s’acquiert pas à l’école.

Ceci m’amène à distinguer dans ma conclusion 2 composantes, l’une pragmatique, l’autre théorique :

>> La composante pragmatique propose une organisation en 5 critères de la gestion de la dialectique risque /sécurité en escalade. Une gestion rationnelle et raisonnable passe obligatoirement par :

  • une formation initiale de qualité respectant des étapes hiérarchisées bien définies englobant l’apprentissage de la sécurité passive et l’apprentissage de la sécurité active.
  • une attention de tous les instants. Le seuil de celle-ci ne pouvant être augmenté ou diminué, il faut donc l’orienté en sélectionnant le type d’informations à rechercher. L’attention est donc en ce sens aussi une affaire de formation.
  • Un recueil d’informations continu. Entretien et mise à jour des connaissances initiales mais aussi en situation en fonction des conditions de pratique du moment.
  • Des vérifications méthodiques. Si le contrôle ralentit l’action, il a au moins l’avantage de donner la possibilité de revenir sur la procédure engagée ou de la stopper. Ainsi la co-validation systématique des actions permet dans les situations dialogiques de palier l’absence du professeur en situation trilogique.
  • L’expérience. Il est impossible de tout enseigner, donc toute formation aussi complète soit-elle est forcément par définition limitative. C’est donc par la confrontation directe à des situations diverses et variées réparties dans le temps que se forgera l’expérience. Celle-ci bien que personnelle – puisque qu’elle n’appartient qu’à celui qui a éprouvé la situation – et difficilement transmissible, prend en compte à la fois l’évènement ponctuel marquant mais aussi le cumul des connaissances dans le temps.

>> La composante théorique met l’accent sur le savoir d’expérience, sur la formation de l’expérience, en situation didactique ou situation autonome. Dans les deux cas, on observe qu’il y a peu de traitement de l’expérience de la part du sujet. L’expérience personnelle est très attachée en réalité une expérience institutionnelle, et sa fiabilité repose essentiellement sur la capacité du sujet à analyser l’institution. Cela pose donc le problème de sortie de l’institution et de l’autonomie de la pratique.

En ce sens, et pour en terminer avec cet exposé, je pense que la maîtrise du risque en escalade ne peut s’envisager que dans une perspective d’émancipation progressive et organisée de la structure institutionnelle (école ou frayage), pédagogique (cours, séance) et relationnelle (le prof, l’initiateur).

Cet entretien réalisé par Y.Léziart est tiré du Contrepied Escalade (Hors-Série n°11 – Janv 2015).

Pour aller plus loin sur le sujet :

• Mangeant, E. (2008). Approche didactique de la gestion des risques en escalade : Etude comparative de plusieurs institutions. Thèse de doctorat en Sciences de l’Education. Université de Provence, Aix-Marseille Université.

• Mangeant, E & Mercier, A. (2010). La sécurité en escalade : une étude comparative trans-institutionnelle. Education & Didactique, Vol 4, n°3, pp 83-95. PUR.

• Mangeant, E. (2011). Regard didactique sur la gestion des risques en escalade : une approche trans-institutionnelle. Revue EJRIEPS, n° 22, pp 56-77.