Par Isabelle Vanneau, professeur d’EPS. Cette battle est une forme de compétition originale sous forme de défis où tous les élèves, quel que soit leur niveau, peuvent s’impliquer pour l’équipe, apprendre et être fier.es de leurs réussites. Ici, il s’agit de gymnastique au sol, mais la battle peut se faire quel que soit les actions gymniques choisies. N’hésitez pas à la tenter avec vos élèves ! 1.

J’ai choisi uniquement le sol parce que mes séances se déroulent dans un minuscule dojo avec 25-30 élèves, ce qui empêche de faire une gymnastique acrobatique. J’essaie tout de même conserver le sens et les problèmes fondamentaux de la gymnastique, en proposant ces 4 familles gymniques :
- Les rotations : roulade avant, arrière, écart, roulade arrière tendue, piquée, …
- Les sauts : ½ tour, tour complet, pirouette, grand jeté,..
- Les positions de maintien 3’’ et déplacements gymniques (tours, souplesses,..)
- Les renversements sur les mains : ATR, roue, placement de dos, rondade, saut de mains , flip-flap,..
Ces différentes actions sont abordées selon les caractéristiques de la gymnastique :
- faire simple mais ‘’propre’’ : la virtuosité.
- faire plus difficile avec une prise de risque : l’audace.
- faire original mais gymnique : l’originalité.
Pour chaque famille, une fiche hiérarchise les figures gymniques selon 3 niveaux (facile/moyen/difficile). Cette fiche est notre code de référence pour la Battle-Gym. Elle est épurée au maximum, pour des raisons de lisibilité et pour laisser une marge de manœuvre aux élèves dans la prise de risque et/ou d’originalité (ex : roue avec sursaut, roue pied-pied, roue d’une main, etc…).
La situation proposée : « Battle-Gym » (défis par équipe)
Le but du jeu : chaque élève doit faire les figures les plus difficiles possibles dans chaque famille de façon à pouvoir rapporter le plus de points à son équipe lors des défis par équipe en fin de cycle.
Les équipes : la classe est divisée en 3 équipes hétérogènes (constituées par l’enseignante de façon à les équilibrer et maintenir l’intérêt). Chaque équipe est responsable de ses choix, de son entraînement, des parades, de son organisation stratégique et de l’émulation au sein du groupe, pour la préparation de ses « défis ».
Les défis : la rencontre est triangulaire. Chaque équipe met les deux autres au défi et se trouve jury à son tour. Un défi est une rencontre entre deux élèves de même niveau dans une famille, qui vont présenter leur figure la plus difficile possible et tâcher de convaincre le jury de la qualité de leur prestation.
Pour gagner le défi, les équipes s’organisent pour :
- faire en sorte que chaque membre du groupe soit à son plus haut niveau dans les 4 familles. La parade est possible, y compris lors de la rencontre, il en est bien sûr tenu compte dans l’évaluation du défi.
- classer les gymnastes dans un ordre stratégique pour gagner le plus de défis possibles Exemple : pour des équipes de 9 élèves. Pour la famille « renversement », chaque équipe classe ses gymnastes de 1 à 9 (le 1 étant le plus débutant). Le n°1 de l’équipe A va défier le n°1 de l’équipe B. Le jury apprécie et désigne un gagnant. On passe ensuite au n°2 et ainsi de suite pour toutes les 4 familles.
Le comptage des points : Chaque participant au défi rapporte 1 point à son équipe s’il perd son défi et 3 s’il le remporte.
Le code : les critères de réussite de chaque figure sont explicités, ainsi que les critères objectifs : difficulté, amplitude, tenue du corps et des membres, exigence technique, qualité de réception, touche personnelle….
Lors de la première phase du cycle, j’introduis les critères de réussite les plus flagrants, qui sont d’ailleurs le plus souvent techniques (par exemple l’alignement bras tronc jambes pour les renversements, le « rentrer » de tête et le départ pieds joints en roulade, l’impulsion un ou deux pieds pour les sauts…).
Les critères de réussite sont explicités de manière récurrente. J’arrête parfois toute la classe pour les mettre en évidence pour tous.
Ensuite, au tableau, je fais trois colonnes correspondant aux « fautes » petites, moyennes et grosses, et on renseigne ensemble chaque colonne. Dès la troisième ou quatrième séance le « code de pointage » devient une évidence. Au moment du défi il est totalement intégré et n’a pas besoin d’être formalisé davantage. Lors de son « évaluation » le jury se trompe très rarement. 2
| Grosse faute | Faute moyenne | Petite faute |
| Faute technique Chute Gros déséquilibre Elément incomplet Trou de mémoire | Flexion bras/jambe Réception instable Léger déséquilibre Manque d’amplitude Petit manque d’enchaînement | Pointe de pied Petit geste parasite Léger manque de ‘’finition’’ Petit rééquilibrage. |
Le jury : Un nombre impair de membres du jury vote (après concertation si nécessaire) afin que chaque défi apporte la victoire à l’une ou l’autre équipe.
Ponctuellement, les membres du jury peuvent être sollicités pour expliquer leur vote. En toute circonstance il sera respecté. Si des votes répétés s’avéraient trop subjectifs ou trop distants du code de pointage établi préalablement, le jury serait encouragé à se concerter pour rétablir les conventions.
C’est l’enseignante qui orchestre le défi et prend acte des décisions du Jury. Voir en annexe la fiche de classement des élèves.
Déroulé du cycle
Les 4 ou 5 premières séances du cycle
- Sont centrées sur la compréhension des fiches des 4 familles qui sont données dès la première séance aux élèves. Il faut au moins 2 séances pour bien décoder ces fiches. Ce n’est pas évident pour certains élèves de voir que 3 figures (une fente avant, un renversement, une fente avant) représentent une seule figure ! Il faut expliciter ce qui se passe dans ce qui n’est pas dessiné.
- Au fur et à mesure des passages, les critères de réussite de chaque figure sont établis et intégrés afin que, le moment venu, chaque gymnaste soit capable d’évaluer sa production et celle des autres selon les critères bien objectifs du code
- Je m’attache à ce que les élèves apprennent tous a minima la roue et le renversement (sachant qu’au départ, beaucoup de filles font déjà la roue, mais très peu de garçons).
A la moitié du cycle,
Les élèves prennent connaissance du déroulement des rencontres gymniques finales.
Chaque équipe a un espace attribué et reste dans cet espace.
Pour gagner le défi, les équipes devront mettre en place toute une organisation préalable permettant :
- à chaque membre du groupe de développer tout son potentiel en l’aidant, l’encourageant, lui donnant des conseils pour améliorer soit sa prise de risque soit sa virtuosité soit son originalité. La décision de prendre une parade pour le défi par exemple est une décision collective. De même, le choix entre une prise de risque plus grande et une exécution moindre et/ou un moins bon enchaînement.
- à l’équipe de s’échauffer, se préparer et participer dans le respect de l’espace, l’ambiance et l’esprit compétitif mais fair-play des rencontres.
Une gymnastique qui valorise chaque élève et où chacun∙e est porté∙e par le groupe
Cette organisation qui articule tout au long du cycle gymnastique la relation figures/code/défis me satisfait depuis que je l’ai adoptée pour diverses raisons
1) Les élèves sont tous en action la plus grande partie des séances.
2) Chaque gymnaste est ‘’porté’’ par le groupe pour donner le meilleur de elle/lui-même : il y a très rarement des refus de prestation.
3) Chacun∙e est valorisé∙e par l’organisation qui fait appel à des compétences gymniques, stratégiques, pédagogiques, relationnelles, créatives, organisationnelles, d’expression et de communication…….
4) En fin de cycle les élèves montrent aux autres leurs réussites sans même s’en rendre compte.
5) La quasi-totalité des élèves réussissent au moins une ‘’feinte d’équilibre’’(ATR sans le mur).
6) Pas d’absentéisme.
7) Pendant les rencontres qui font office d’évaluation, quasiment pas de temps morts et d’inactivité et une organisation fluide ou l’élève est soit gymnaste, soit co-équipier.e, soit coach, soit jury.
Une évaluation individuelle et collective extrêmement aisée et portant sur toutes les compétences visées : motrices, sociales, intellectuelles
Cette proposition de battle de gymnastique avait été exposée par Isabelle Vanneau, professeur d’EPS dans un collège de Vendée, lors d’un colloque en 2016.
- Cette proposition de battle de gymnastique avait été exposée par Isabelle Vanneau, professeur d’EPS dans un collège de Vendée, lors d’un colloque en 2016↩
- on pourrait aussi faire un décompte de points comme en Acrogym, où les gymnastes choisissent les figures avec deux alternatives (plus difficile au risque de ne pas maîtriser, plus maîtrisé au risque de n’a pas faire assez difficile). Voir l’article : Acro-gym au collège ↩



