Pour Jean-Yves Rochex1, l’école va bien au-delà de la transmission de savoirs. Organisant temps, espace et travail d’étude, elle demande de prendre du recul sur l’expérience ordinaire pour en faire un objet de pensée. Processus qui constitue à la fois un besoin et un défi pour les élèves de milieux populaires.
Extraits d’une intervention au forum international organisé par le SNEP en 2005 et parus dans le Contrepied HS 20 _21 EPS et Culturalisme à retrouver en ligne.
L’école n’est pas seulement un lieu ou l’on transmet des savoirs mais un lieu qui vise à organiser le temps, l’espace et le travail d’étude. Le temps d’étude est un temps et un travail qui impose de faire un pas de côté par rapport à l’immédiateté de l’expérience ordinaire. C’est un temps où il faut se dessaisir de l’expérience ordinaire pour la constituer en objet de pensée, en objet à redécrire : Wallon disait que la pensée part de l’action pour retourner à l’action. Ce dont il est question à l’école, c’est bien de se ressaisir de la pensée de l’action pour la décontextualiser, la mettre en forme, ce qui passe par du notationnel, de l’écriture, de la représentation, des « tableaux », des graphiques, pour pouvoir retourner à l’action, mais évidemment pas dans le même registre.
Ce que requiert le savoir scolaire, de manière générique, c’est de se ressaisir de l’expérience ordinaire, de la mettre à l’écart du temps de l’expérience ordinaire, pour faire de cette expérience ordinaire un objet de pensée. C’est à ce travail que les élèves de milieux populaires (pour aller vite car, formulé de manière aussi lapidaire, c’est une généralisation abusive), sont les moins préparés, de par leur socialisation non scolaire, antérieure et extérieure à l’école. C’est ce que l’école leur demande de faire sans toujours leur enseigner comment il faut le faire. L’école n’a d’ailleurs pas toujours la conscience que c’est cela qu’il faut construire.
Propos parus dans le Contrepied HS 20 _21 EPS et Culturalisme
- psychologue, chercheur en sciences de l’éducation. Paris VIII↩