Par Cécile Ottogalli. Si les résultats épidémiologiques font apparaître un certain avantage pour les femmes, et un niveau de mortalité moins élevé que celui des hommes. Devraient-elle payer leur «moindre vulnérabilité» au prix d’un ostracisme médical et scientifique ? Et quel rapport entre leur santé et leurs pratiques sportives ?
Cécile Ottogalli est formatrice au Staps de Lyon, responsable du master Egal’APS. Cet article est issu du Contre Pied l’EPS est santé HS ,°16 , 2016
Les résultats épidémiologiques font apparaître un certain avantage pour les femmes. D’après le rapport 2015 sur L’état de santé de la population français, le niveau de mortalité des femmes est, à âge égal, moins élevé que celui des hommes. Ces chiffres suffisent à dénoncer le mythe de la fragilité féminine entretenu par le corps médical au xxe siècle (Dowling, 2000) mais ils sont néanmoins partiels (et peut-être partiaux) car ils taisent les contextes et les différences de qualités de vie pour se centrer uniquement sur les taux et causes de décès.
Si pour les hommes, les relations sont aujourd’hui avérées entre leur mortalité prématurée (plus de 2 fois plus élevée que celle des femmes) et la consommation d’alcool (x 3), de tabac (26% des femmes et 32,4% des hommes), de drogues illicites, les expositions professionnelles, les nombreux et divers comportements à risque, autorisant un début de vigilance sur les coûts de la domination masculine, (donc sur les rites liés à l’exercice d’une masculinité de domination et leurs conséquences sur la santé), il n’en est pas de même pour les femmes (Dulong et coll, 2012).
Devraient-elle payer leur «moindre vulnérabilité» (à l’aune de la mortalité) au prix d’un ostracisme médical et scientifique?
Effectivement, rares sont les analyses qui soulignent qu’en raison de leur longévité, les femmes sont plus concernées par les maladies chroniques, les maladies dégénératives (notamment Alzheimer) et les situations d’incapacités fonctionnelles et de dépendance liées au vieillissement.
De même, rares sont les études articulant leurs représentations de la santé (globalement elles se considèrent en moins bonne santé que les hommes) ou leur consommation de soins et de médicaments (plus forte que les hommes) avec leurs conditions de vie.
Peut-on ignorer que les dépressions (touchant 19% de la population et deux fois plus les femmes) sont souvent associés à des situations de violences sociales (chômage ou précarité face au travail), de violences conjugales, ou/et de violences sexuelles qui touchent particulièrement les femmes!
Sait-on que les maladies mentales devraient être la deuxième cause de mortalité en 2020!
Enfin, n’oublions pas que les troubles du comportement alimentaire (19% des adolescentes), qualifiés de « maladie féminine » (75% de patientes) découlent des normes esthétiques de « la » féminité et constituent le terreau de nombreuses tentatives de suicide.
Il est difficile d’ignorer que le système de genre, et les violences qu’il génère, a un coût en matière de santé publique, celui-ci concerne aussi les femmes. Ces dernières sont quasi invisibles dans les rapports scientifiques ou réduites à un propos naturalisant qui, comme aux XIX et XXe siècles les enferme dans les spécificités physiologique de leur sexe (puberté, grossesse, menstruation, ménopause).
Le rapport INSERM 2008 sur L’activité physique, contexte et effets sur la santé n’y échappe pas!
Le chapitre consacré aux effets de l’activité physique et sportive aux différents âges de la vie de la femme se focalise sur les troubles de menstruation et le reste du rapport n’apporte quasiment aucune autre donnée.
De même si les bienfaits du sport et de l’activité physique comme facteur de santé et de bien-être sont largement vantés, ils ne sont malheureusement mis en relation ni avec les besoins révélés par les données épidémiologiques (ci-dessus), ni avec les taux de pratique physique et sportive nettement en défaveur des Françaises (17,5% des françaises contre 30,83% des hommes sont licencié-e-s dans une fédération sportive).
C’est la double peine pour les femmes: invisibles dans les politiques de santé publique et trop peu présentes dans les politiques sportives.
Pourtant, au regard des effets avérés de la pratique pour réduire la perte musculaire, la perte osseuse et l’altération neuronale due au vieillissement, pour prévenir les maladies dégénératives, et les problèmes circulatoires, pour limiter le syndrome dépressif (autant de maux qui concernent davantage les femmes), ce rapport pourrait constituer un argument de poids pour la promotion du sport auprès des femmes et la lutte contre les inégalités entre les sexes qu’elles soient sportives ou de santé.
Cécile Ottogalli – cet article est issu du Contre Pied l’EPS est santé HS ,°16 , 2016