Je débute en Volley… et je suis performant.

Temps de lecture : 10 mn.

Les jeux et les règles que Samuel Lepuissant enseignant au SIUAPS de l’Université de Rennes, propose dans cet article de 2014, peuvent surprendre ou étonner. Et pourtant il s’appuie à la fois sur ce qui fonde le volley : la dialectique attaque/défense, et sur une démarche où toute solution technico-tactique devient elle-même un nouveau problème à résoudre. Alors, à condition de placer l’alternative continuité/rupture au cœur du volley, les débutant·es comme les plus expérimenté·es peuvent être performant·es en volley-ball.

La performance en volley, c’est gagner le point, le set, le match. Est donc performant·e un joueur, une joueuse, qui permet à son équipe de gagner. Pour gagner, il faut faire tomber la balle dans la cible adverse ou empêcher l’adversaire de renvoyer. Pour réussir cela, il faut tenir compte du rapport de force et intégrer l’alternative : tirer ou conserver dans son camp avec un partenaire.

La performance se déclenche précisément dans le choix et l’optimisation de cette alternative quel que soit le niveau à condition que le rapport d’opposition soit équilibré.

Par exemple, quel que soit le contexte, si je reçois une balle en zone avant et que je décide de conserver le ballon vers un partenaire en zone arrière, je ne suis pas performant.

Je suis performant·e si j’identifie le contexte d’opposition plus ou moins favorable au tir ou à la conservation, si j’identifie le couple risque/sécurité : comment y a-t-il le plus de chance de marquer sachant qu’être efficace dans le jeu, c’est amener le plus souvent possible la balle sur la cible adverse tout en protégeant sa propre cible ?

Ce choix individuel est coordonné au choix de son/ sa partenaire : si la conservation est choisie, ce choix individuel devient collectif et révélateur de la performance collective qui se définit par la capacité collective à créer le danger chez l’adversaire en réduisant les risques chez soi.

Comment se concrétisent la performance et les apprentissages qu’elle nécessite avec des élèves de 6e débutant-es lors d’un premier cycle ?

Dans une classe, les élèves ne sont pas tous au même niveau. Être performant-e se décline de manière différente selon les étapes. C’est pourquoi seules des équipes de niveau identique se rencontrent. Dans une séance, le temps de jeu est important.

1e étape : le renvoi direct

Jeux de départ :

Alternance de jeu en 1c1 et 2c2

Terrain de volley divisé en 4 (largeur 2,50 m, profondeur 3 m)

Hauteurs du filet différentes, cela dépend de la taille des élèves, mais à peu près à hauteur d’un bras tendu : 1,90 m, 2 m, 2,10 m.

Le ballon :

type beach-volley

Règles :

Mise en jeu :

balle lancée par en dessous à 2 mains depuis la ligne des 3 m, la balle n’arrive pas trop vite chez l’adversaire.

Une seule touche de balle autorisée même en 2c2.

Toutes les touches de balle doivent être réalisées au-dessus de la ligne des épaules à 1 ou 2 mains (pas de manchette).

Marque :

1 pt à chaque erreur de renvoi ou atteinte de la cible.

Tant qu’on marque, on garde la mise en jeu.

Matchs au temps : 2’30 mn

Rencontres type montante/descendante pour équilibrer les rapports d’opposition.

Il est intéressant d’alterner 1c1 et 2c2 car le 2c2 pose un problème supplémentaire, même s’il n’y a pas de passe : il faut apprendre à ne pas gêner son partenaire, identifié comme futur porteur de balle, c’est la première étape de la coopération.

Ce que font les élèves et la performance visée

On attend des élèves qu’ils/elles renvoient direct pour défendre leur cible. Les élèves en difficulté ratent souvent leur renvoi, ils/elles sont hypotoniques, n’entrent pas dans un jeu d’anticipation posturale et d’attention. Peu de vigilance, pas de tension musculaire.

Ce qu’il y a à apprendre

Pour renvoyer direct, donc être efficace, il faut être en tension musculaire, la mobilité étant un gage de tonicité permettant à la balle de repartir.

Exemple de situation pour améliorer la tonicité musculaire : 

à la mise en jeu, les receveurs sont en dehors du terrain, donc loin de la cible à protéger pour susciter un état de vigilance avant la frappe : derrière les 3 m, à droite, à gauche, assis, allongé, etc. 

Un lanceur envoie 20 balles depuis la zone comprise entre les 3 m et le filet. Il faut réussir 15 renvois directs. Cette efficacité est révélatrice du développement de l’anticipation posturale.

L’indicateur d’efficacité :

la continuité à la fin de cette étape, dans la dialectique continuité/ rupture, c’est la continuité qui est significative de performance puisque ne gagnent que ceux, celles qui sont capables de renvoyer le ballon avant qu’il ne tombe dans leur cible.

Lorsque le point est gagné après 2 ou 3 franchissements, c’est que les élèves sont devenus capables de renvoyer un ballon qui arrive sur eux, proche du filet. 2 à 3 séances sont nécessaires pour réussir cela, on peut alors passer à l’étape suivante.

2e étape : le tir direct.

Jeux : 2 contre 2

Terrain : plus grand, largeur : 5 m, longueur : 6 m.

Filet : idem.

Règles identiques : toujours une seule touche de balle, qui doit être maintenant réalisée obligatoirement au-dessus de la ligne des épaules à 1 ou 2 mains. Temps : 2’30 mn.

La performance visée

Pour gagner, il faut rompre l’échange rapidement. Il faut donc passer d’un échange qui dure longtemps (leur renvoi ne dépasse pas 3 m) à un échange plus court avec des tirs au fond du terrain.

Ce qu’il y a à apprendre

Renvoyer vers la zone du fond nécessite d’apprendre la dissociation des poussées des membres supérieurs et inférieurs sur la balle et apprendre à « amortir » la balle pour la renvoyer. En effet, quand le ballon descend, un débutant percute la balle avec les mains qui partent des épaules et s’élèvent vers le ciel.

Or il faut inverser : attendre la balle mains hautes en extension, jambes tendues, et se laisser « compresser » par le ballon lourd pour ensuite inverser la poussée.

Les mains sont les « oreilles » du ballon. Pour ne pas avoir mal, il faut offrir une surface du corps plus dure que le ballon.

Exemple de jeux :

Seul-e ou à deux avec des ballons lourds, type ballons de basket, jongler au dessus de sa tête les mains en hyper extension en faisant faire un grand écart au pouce et au petit doigt. Un grand nombre de répétitions permet de gagner de 3 à 4 m la portée du tir.

L’indicateur d’efficacité : la rupture à la fin de cette étape, l’échange est court. La rupture devient significative de la performance. Pour gagner, l’attaquant produit une trajectoire de 0 à 6 m. Le réceptionneur n’ayant droit qu’à une seule touche de balle, soit il rate son renvoi, soit son renvoi arrive dans la zone proche du filet de son adversaire qui peut alors jouer court.

Les élèves ont ainsi « épuisé » le renvoi direct. Se pose alors la question de l’utilité du partenaire pour rendre possible le renvoi depuis le fond du terrain.

3e étape : le tir à 2

  • Jeux en alternance 1c1 et 2c2
  • Terrain identique à celui de l’étape 2 : 5 m x 6 m.

Règles :

  • Qualité de la frappe identique.
  • Une 2e touche, et seulement une 2e est autorisée, même en 1c1.

La performance visée :

Pour gagner à cette étape, seul-e ou à 2, il faut ramener la balle en zone avant ou centrale pour renvoyer chez l’adversaire. 

Ce qu’il y à apprendre :

Conserver le ballon sur son terrain puisque le renvoyer depuis la zone de fond n’est pas efficace.

Différencier si j’ai le ballon ou non. Si non, ne pas intervenir dans l’espace de mon partenaire.

Pour cela, il faut apprendre à identifier si le PdB est en situation de tir ou en situation de conservation.

En zone arrière, il doit conserver. 

En zone avant, il doit tirer.

Le NPdB doit donc se déplacer dans le couloir de jeu direct, entre son partenaire et le filet, face à lui.

Exemple : les 2 joueurs sont au milieu du terrain. Le ballon arrive au fond à droite.

Le réceptionneur de droite recule et envoie le ballon

HAUT DEVANT lui, dans le couloir de jeu direct.

Son, sa partenaire se déplace vers la droite, en zone avant face à lui et envoie le ballon chez l’adversaire à l’aveugle, en passe arrière puisqu’il est dos au filet.

A cette étape, il est nécessaire de tolérer des frappes arrière non réglementaires avec les mains en supination.

Les PdB apprennent donc à lancer le ballon dans un espace libre en avant et non sur un partenaire immobile, ce qui crée un jeu d’engagement, de mouvement.

Quand cela est intégré, on devient performant.e car capable de conserver ET renvoyer.

Jouer en mouvement.

Pour l’intégrer, je propose des « routines » (nombreuses répétitions). Exemple : traversées de gymnase à 2 en faisant le minimum de touches sans faire tomber le ballon au sol avec toutes les touches au-dessus de la ceinture (bras ou tête).

Au départ, les élèves cherchent à ne pas faire tomber le ballon, puis ils se transforment en jouant en avant du partenaire. Les joueurs courent et sont de moins en moins face à face. L’orientation « partagée » vers l’avant et vers son partenaire se construit.

Bonifier les ballons

Jouer avec l’autre n’a d’intérêt que si on le, la met en situation confortable, en lui permettant de tirer dans de bonnes conditions. Le ballon que j’envoie à mon, ma partenaire doit être meilleur que celui que je reçois.

Cela demande une nouvelle organisation sous la balle pour produire une trajectoire haute et exploitable

Les transformations à acquérir : aller voir sous la « jupe » du ballon en basculant la tête en arrière. C’est une déconstruction de l’horizontalité du regard et de l’équilibre. Il est nécessaire de construire des appuis décalés avant/arrière pour réguler l’équilibre.

Les jeux de fontaine : dans une zone de 2 m x 2 m environ, je lance le ballon au-dessus de moi et doit le garder dans l’espace le plus longtemps possible. 

A deux, je lance, fait rebondir, je sors de l’espace, mon partenaire entre dedans et remonte le ballon.

L’indicateur d’efficacité : la continuité à nouveau la continuité prime. Il faut 2 à 3 tirs pour marquer ou provoquer la faute adverse, donc 4 à 6 franchissements.

Le tireur, la tireuse ne vise pas mais cherche toujours à renvoyer le ballon chez l’adversaire. C’est toujours une étape de renvoi. Il faut 12 à 13 séances de 2 h depuis le début pour en arriver là.

4e étape : le tir délibéré à 2

Le jeu

Mêmes règles, toujours 2 touches de balle, frappes hautes.

La performance visée

Pour obtenir la rupture, donc diminuer les franchissements, il faut rechercher la cible adverse de manière délibérée. C’est la différence entre le renvoi/tir et le tir délibéré.

Le tireur va s’orienter face à la cible pour accélérer le ballon lors du tir et dans certaines conditions, viser.

Si une balle arrive en zone avant, elle est renvoyée directement.

Si une balle arrive en zone arrière, elle est renvoyée à 2.

Ce qu’il y a à apprendre

La principale transformation est liée à la construction de l’orientation partagée pour rendre possible le jeu indirect. Le réceptionneur ne doit plus envoyer le ballon devant lui dans le couloir de jeu direct, mais en oblique.

Il faut construire des trajectoires plus ou moins incompatibles qui font un angle. Cela contraint le tireur à avoir une épaule vers son partenaire, une épaule vers le filet et la cible adverse, c’est l’orientation partagée comme dans tout sport collectif. Alors le tireur peut accélérer le ballon par la frappe bras cassé.

Performance et recherche de « l’espace libéré »

En aucun cas, je ne demande de viser, c’est impossible de voir un espace libre, même à très haut niveau. La vision centrale est accaparée par la rencontre avec le ballon. Dans le meilleur des cas, un élève qui garde les pieds au sol (ne saute pas) peut voir des « masses » et percevoir l’espace occupé en utilisant la vision périphérique. En fait, l’espace libre se construit avant la frappe, par des fausses informations, des feintes. On ne peut donc parler d’espace libre, mais d’espace libéré.

Par exemple, si j’ai décidé de jouer court avant de tirer, je feinte un jeu en puissance et joue court et inversement. La zone est atteinte, non parce que je l’ai vue, mais parce que je l’ai créée en faisant croire à un jeu court, long ou puissant.

2 cycles de 10 à 12 séances sont nécessaires pour arriver à cette étape. 

La performance que je vise est conditionnée par le fait de poser aux élèves débutant-es des problèmes de même nature que ceux auxquels sont confronté-es les joueurs et joueuses de haut niveau.

Les jeux et les règles proposées s’inscrivent dans une démarche qui s’appuie sur la dialectique attaque/ défense : toute solution à un problème devient, elle-même, un nouveau problème à résoudre. C’est ce qui crée l’alternance continuité/rupture. La résolution du problème de défense grâce à l’acquisition du renvoi direct engendre la recherche d’une nouvelle solution offensive : le tir direct au fond.

Chaque étape porte en elle la naissance et la nécessité de la suivante. Le renvoi direct est dialectiquement une solution défensive mais aussi un problème offensif. De même, le tir à deux est à la fois une solution offensive mais un problème défensif.

Samuel Lepuissant, 2014. Article paru dans la revue ContrePied HS n° 10, septembre 2014

Ces articles pourraient vous intèresser

Un commentaire ? Exprimez-vous !