L’athlétisme en EPS : paroles d’enseignant·e·s et d’élèves

Temps de lecture : 37 mn.

Pourquoi enseigner l’athlétisme ? L’équipe du Centre EPS & Société a posé cette question à des collègues et leur a demandé de développer un aspect de leur travail. 

Les réponses montrent des disparités extrêmes : « de peu d’athlétisme, pour des raisons diverses » à « une véritable culture athlétique » dans l’établissement. Les horaires annoncés vont d’un seul cycle dans toute la scolarité collège (hors course longue) à 26h sur chaque niveau de classe. En lycée et en LP, l’athlétisme est étroitement lié aux examens. 

Par leurs paroles, nos collègues soulèvent un ensemble de questions qui sont analysées dans l’article de Christian Couturier « L’athlétisme est-il soluble dans l’EPS ? » : Pourquoi enseigner l’athlétisme ? L’athlétisme, sport de base ? Quelle place pour la compétition ? Quelles spécialités choisir ? … Et encore le rôle du jeu, des épreuves collectives, des méthodes, d’une pédagogie du contrat dans l’enseignement de l’athlétisme scolaire. 

Merci à tous les collègues pour leur contribution !   

Extraits du ContrePied n°19 «  Quel athlétisme en EPS »

Un trio en triathlon, des haies pour les filles faibles  

Catherine Desbois, lycée Jean Mermoz, Montpellier.

Avec les collègues, nous avons constaté que lorsque tu dis « on va faire de l’athlétisme » aux élèves, ils n’ont vraiment pas envie d’en faire et associent trop souvent l’athlétisme à la course longue, même si nous n’en faisons pas au lycée ! Il est vrai que l’épreuve de 20 mn pour le CAP et BEP évalue la distance totale parcourue et la différence entre la distance parcourue les 10 premières minutes et les 10 suivantes. Je ne suis pas certaine qu’autour d’une piste de 250m, les élèves éprouvent beaucoup de plaisir à courir pendant 20 minutes…

En première, j’expérimente quelque chose de nouveau cette année : un triathlon collectif, en trio. Un 100m haies avec seulement 4 haies (intervalle du150 haies au bac), du saut en hauteur, un 2x500m, et un relais en 2x40m (nouvelle épreuve bac). Les premières séances sont chacune consacrées à une spécialité (S1: haies, S2 hauteur, S3 2x500m, S4 2x40m) où tous les élèves participent. Puis sur les séances suivantes, chacun s’entraîne dans la « spécialité » choisie. Les élèves se mettent par 3 et un choix s’opère sachant qu’une équipe est constituée d’un hurdler, d’un sauteur et d’un coureur ; les 3 participent ensuite au relais. J’espère ainsi créer une dynamique nouvelle avec la notion d’équipe. J’ai comme souvenir les interclubs en fédéral, les challenges par équipes en UNSS où se créent des dynamiques et des entraides…

J’ai choisi ces activités car elles préparent aux épreuves que notre lycée offre aux élèves dans certains menus. Mais j’ai fait le choix de ne pas reproduire exactement les épreuves. Je ne propose pas le pentabond alors que nous avons les installations pour le faire car je trouve que le mode d’évaluation en terminale est pervers (progrès réalisés entre élan réduit et élan supérieur à 6 foulées comptant pour 4 points). Les élèves se lancent dans des calculs pour obtenir ces points et je m’y refuse…. Pour moi, l’athlétisme doit rester une activité de performance, pas une activité de calcul pour obtenir une note. 

En terminale, j’incite mes élèves à prendre 150m haies parce que c’est assez facile. Les notes sont bonnes, rarement inférieures à 14/20 et même un élève en difficulté mais assidu peut obtenir la moyenne avec 8 points de projet et une faible performance. Les filles faibles iraient plutôt par défaut au 3x500m et je les motive pour aller sur les haies, en leur expliquant les modalités d’évaluation… Et, ça leur plaît !

Chez ces élèves, en début de cycle, haie rime avec obstacle et « saut d’obstacle » accompagné d’une grosse appréhension de chute et donc tous les réflexes sécuritaires…Il s’agit donc pour moi de les mettre en confiance et de leur faire prendre conscience qu’il n’y a pas de réel danger et qu’elles sont capables d’effectuer des franchissements. Cela passe par exemple en début de première séance par des situations de franchissement de haies en 1 appui en marchant, avec rebonds, puis du 2 appuis avec rebonds…une prise de confiance dans l’activité associée à un travail de dissociation, le tout sur des ateliers de haies de 60cm de hauteur jusqu’à 70 (hauteur de l’évaluation bac). Une fois que cette confiance est gagnée, tu peux travailler sur la technique de franchissement sur petites haies et au cours du cycle tu arrives à des haies de 70cm. Au plan moteur les élèves osent attaquer la haie avec de la vitesse et avoir une impulsion loin de la haie (condition d’une reprise active). Un sentiment de satisfaction s’installe pour avoir essayé et réussi à surmonter et vaincre sa peur.

Je constate que lorsque tu proposes des activités techniques aux élèves, ça les branche! C’est pour ça que je fais haies plutôt que vitesse, saut en hauteur (j’ai de bonnes installations avec 5 sautoirs). Non seulement c’est plus intéressant au niveau de la coordination, de la dissociation, mais les élèves s’intéressent. Ils ont l’impression d’apprendre quelque chose. Ça suppose évidemment de maîtriser les contenus, mais c’est pareil dans toutes les APSA. J’ai constaté que les élèves adhèrent mieux dans les activités que je maîtrise et suis plus experte. La maîtrise des contenus, c’est le problème numéro un si nous voulons que nos élèves apprennent et se transforment. 

Des rôles sociaux lors des apprentissages

Catherine Trannois, collège J.Prévert, Coutances. 

Au collège, on ne fait pas beaucoup d’athlétisme. A part l’endurance et la hauteur (à l’intérieur) où les élèves ont un cycle de 7 séances tous les ans. Ils ont d’ailleurs un bon niveau. Pour le reste – sauf choix personnels – l’athlétisme est programmé en fin d’année et beaucoup de séances sautent (examens, stages APPN, jours fériés). Ça s’explique de différentes manières. La programmation et le nombre d’activités à faire, notre IPR nous a imposé de refaire des APSA que nous faisions plus (combat par exemple) et tout le monde fait maintenant de la danse. C’est aussi lié à la météo et peut-être surtout parce que les élèves trouvent l’athlétisme trop technique, rébarbatif, notamment en 4è- 3è. D’ailleurs en 3è, je ne suis pas du tout sûre qu’on évalue ce qu’on a enseigné…Au bout du compte, dans notre collège, l’athlétisme est moins considéré que certaines autres activités. Ça se ressent en AS où on a parfois plus de profs que d’élèves ! 

Personnellement, depuis que j’ai été associée à la recherche INRP, je fais des cycles de 5 à 6 séances de triple saut avec toutes mes classes. 

Quels sont tes choix ? 

Je fais du triple bond plutôt que du triple saut. En 6è, 5è, je ne fais pas jamais de vrai  triple saut, je reste sur le triple bond parce que la plupart s’écrasent, n’ont pas la force musculaire pour faire le cloche pied. S’ils veulent, ils ont la possibilité de le faire mais je ne l’impose pas, y compris en 4è-3è. Ce qui m’intéresse, ce ne sont pas les appuis, c’est de différencier course d’appel et bonds pour aller le plus loin possible. En début de cycle, environ 1/3 des élèves ne différencient pas la course de l’impulsion. 

Dans les premières séances, ils redécouvrent différentes façons de sauter en 3 bonds pour aller le plus loin possible. Je propose deux ateliers : un où à partir d’une zone d’appel identique, ils doivent tenter de franchir la plus grande zone possible (5-6-7m) et un autre où c’est l’inverse, avec une réception identique pour tous, ils doivent choisir la zone d’appel qui leur correspond.

Ils essaient différentes formes, on compare triple saut-triple bond et sauf exception, le triple bond va plus loin.  

Il faut bien 3 séances pour que tous les élèves réussissent à trouver leur meilleure zone, soient sûrs de faire 3 bonds, sans dépasser la zone d’appel et qu’ils soient autonomes en binôme (un observateur/juge). A partir de là, je fais des groupes en  fonction des problèmes repérés. Exemple : 

  1. piétinement ou ralentissement : il faudra différencier course et  bonds
  2. difficulté à prendre une impulsion : il faudra régler sa distance pour tomber sur le bon pied
  3. sauts à hauteur et longueur variables : il faudra contrôler le déséquilibre avant

C’est à ce niveau que ma pratique a le plus changé suite à la recherche INRP, à la fois dans l’observation des comportements et ensuite dans la façon d’associer les élèves aux apprentissages. Les deux vont ensemble, c’est ce qui permet la différenciation. Je me sers du cadre des paliers adaptatifs et de la démarche dans toutes les activités. Je leur explique qu’ils sont à tel palier, qu’ils ont tel problème, que ça s’explique parce qu’ils sont organisés comme ci, comme ça…et que donc il faut travailler tel aspect ou tel autre. C’est vraiment important d’expliquer ça, ils se situent dans un processus et acceptent beaucoup mieux de travailler pour progresser. Ils comprennent qu’ils sont dans un palier, que c’est provisoire et non immuable ! 

Ensuite, ils travaillent par deux et l’observateur peut être juge ou entraîneur, ça dépend du moment de la séance ou du cycle. Il aide l’autre à repérer la longueur des bonds ou à se concentrer sur des repères nouveaux: regarder loin derrière la zone, shooter le genou en avant …des renseignements que je leur fournis en fonction du problème qu’ils ont. Pour que ça marche, il faut que l’observateur n’ait qu’une chose à regarder. Ce travail par deux donne une bonne ambiance, il permet une émulation. 

Quelle est la place de la performance, de  la compétition entre eux ? 

Je ne conçois pas l’athlétisme sans défi avec les autres, avec des modes de rencontre différents, contre soi-même, contre les autres. Il y a des défis à chaque séance, par groupe de niveau, par zone. Je ne prends jamais les performances au centimètre près, c’est la zone qui sert de repère. La place de la performance chiffrée est moins prégnante, même si elle est déterminante puisqu’ils veulent faire toujours mieux, mais elle n’est pas le seul but. Dans l’évaluation, je compte la performance mais aussi la stabilité dans la zone et le progrès d’une zone à l’autre : être capable de refaire 4 fois la performance (10% de moins que la performance maximale réalisée), ce qui suppose d’avoir conscience de ce qu’il fait pour reproduire sa performance. 

La course longue et le cross 

Frédéric Chatillon, collège des Ulis, ZEP sensible. 

La programmation de l’athlétisme au collège relève d’une décision d’équipe qui s’appuie sur une longue tradition locale: dans la ville l’athlétisme est enseigné dans toutes les classes primaires et puis nous avons une AS de 15 à 30 licenciés qui depuis plusieurs années glane de bons résultats avec six participations aux championnats de France. Cette liaison AS-enseignement a créé une certaine tradition athlétique au collège. Il faut dire que nous avons de bonnes conditions de pratique avec un stade et un parc à proximité immédiate. 

En 6e, les élèves ont 10 séances de 2 heures en course de durée, avec une épreuve de course d’une durée de 20 minutes, où sont appréciées la régularité et la performance, finalisées par le cross du collège. Il permet de sensibiliser les élèves pour une participation au cross départemental où les modalités de résultats sont similaires à ce dernier, par un classement individuel et par équipe (classement par classe, pondéré, mixte). Tous les élèves sont récompensés par une petite médaille identique pour tous, un croissant et une boisson.

Pour la course de durée, en début de cycle, je fais une évaluation diagnostique sur un parcours particulier de 1200m (parcours dans l’enceinte du stade), afin de constituer 3 où 4 groupes de travail (groupes de niveaux). Ce parcours, par la suite, est constamment utilisé au cours de chaque leçon sous forme continue (en distance où temps selon les leçons).

La seconde partie de la leçon se fait sur la base d’un travail intermittent, sur une distance de 250m, à des allures allant de 50’’ à 1’15’’ voire 1’30/1’45’’ selon les niveaux, répété 6 fois (début de cycle) à 12 fois (fin de cycle), avec un temps de repos égal à 150m marchés.

Deux évaluations sont réalisées en fin de cycle. La première porte sur la régularité (pas d’arrêt de course et contrôle de l’allure par tour de 400m). La notation porte uniquement sur ce critère.

Par contre, la performance (distance réalisée) au cours de cette évaluation sert d’indicateur aux élèves pour une meilleure connaissance d’eux-mêmes (mise en relation sensations éprouvées/épreuve) dans la perspective de l’évaluation suivante qui prendra en compte la distance réalisée.

La connaissance préalable du barème et la mise en relation des paramètres abordés lors de chaque leçon (temps d’effort, distance courue en continue ou par intervalle, intensité) permet aux élèves, aidés par l’enseignant, d’établir un projet de performance sur cette épreuve. La réalisation de cette épreuve se fait un peu comme la construction d’un puzzle.

La course longue en CC5

Ginette Exbrayat, LP Camille Claudel, Lyon. 

Oui on fait encore un peu d’athlétisme, mais on en a toujours assez peu fait, car pour les bahuts de centre ville comme le nôtre, on perd beaucoup de temps pour aller sur les installations, en gros on perd la moitié du temps en trajet ! Donc on y va quand on n’a pas d’autres installations ! Globalement toutes nos classes font un cycle sur les 2 ans (CAP BEP), les deux spécialités support sont : la course traitée soit CC5 soit CC1 en fonction du profil des classes et le relais 2 fois 40m pour les classes à profil CAP. L’intérêt : le temps court, le travail collectif à deux ou à trois, les repères temporels tangibles, le progrès rapide, les savoir-faire sociaux.

Depuis l’arrivée de la CC5 en course longue et l’un des objectifs santé de vie physique durable, on a des contenus très intéressants à faire passer : physiologie, mise en projet personnalisé, gestion de l’effort, connaissance de soi, estime de soi (les progrès sont souvent conséquents), récupération, verbalisation du ressenti, retour sur soi, étirements….

Ce sont nos élèves les plus âgés qui adhèrent le plus et les filles en particulier! 

De plus, c’est une pratique éminemment démocratique pour nos élèves car elle ne coûte pratiquement rien (les baskets et un peu d’espace), c’est une pratique hygiénique qu’ils n’ont de chance de poursuivre qu’à la condition de trouver des copines ou copains pour courir avec eux (plaisir convivialité d’abord), mais nous aurons semé une graine!

Un cycle long de javelot

Jean Michel Masson- St Sauveur Lendelin 

Faites-vous de l’athlé et pourquoi ? 

C’est vite répondu, on ne fait que du javelot en 4è ! Et beaucoup de course longue mais est-ce que c’est de l’athlé ? La course longue fait de très loin référence à une « pratique sociale » d’athlé. Ça pourrait ressembler au cross ou à un 5000. Mais on travaille sur d’autres objectifs que ceux je poursuis en athlé. En course longue, on est sur une perf très personnelle (tel temps, telle distance, à tel pourcentage de la VMA, etc..). L’athlé, c’est plus l’idée d’une performance contre les autres, comme en sports co. Qu’est-ce que je suis capable de faire dans une rencontre. Mais, bon…je ne suis pas sûr ! 

Nous ne faisons que du javelot pour des raisons matérielles. C’est le seul lancer long que nous pouvons faire. On a une petite aire stabilisée, mais le poids c’est casse pied pour les gamins, le disque ça part dans tous les sens. Rien pour faire du saut en hauteur, ni longueur ; un anneau de 166 mètres sur lequel on a essayé de faire du relais mais ça tourne beaucoup trop ! 

En javelot, je travaille essentiellement sur la liaison élan-impulsion (c’est comme ça que j’ai appris). 

Je trouve ça intéressant sur le plan de la motricité à transformer : 

  • lancer à l’arrêt, tout le monde y arrive,
  • courir et s’arrêter pour lancer, tout le monde y arrive, 
  • courir et lâcher le javelot en se cassant la figure derrière, tout le monde y arrive ! 

En revanche, courir pour donner une impulsion à l’engin sans arrêt, tout ça avec un maximum d’énergie… ça nécessite de réels apprentissages. 

Je trouve que les comportements observables sont assez significatifs et facilement repérables.

On fait un cycle de 9 séances d’1h15 effective. Il faut au moins ça pour transformer les comportements. Ça leur plait, le javelot ce n’est pas rebutant, la symbolique de la chasse joue je pense, y compris pour les filles. Ils et elles arrivent à faire une performance tout de suite (sauf exception), et à la fin du cycle la quasi-totalité lance plus loin avec élan que sans élan. 

Un joker en course longue 

Martine Geffrouais, collège Kervilan, Fouesnant

Que faites-vous en athlétisme et pourquoi faites-vous ces choix là ? 

Nous avons un projet d’équipe pour l’athlétisme au collège: c’est apprendre à courir, sauter, lancer avec un souci de performance (faire mieux par rapport à soi, par rapport aux autres dans un contexte codifié et stable), c’est accepter de se comparer. 

Nous faisons deux cycles de 12h en 6e: le premier (liaison CM2-6e) est finalisé par le cross, le deuxième par un interclasse (sur de la multiactivité), deux cycles de 12h en 5e et 4e et un cycle de 12h en 3e où un quadrathlon (en binôme) finalise le cycle (le binôme élabore son projet de performance, se répartit les épreuves selon le code établi).

Notre souci, comme dans les autres APSA, est de travailler les contenus pour que nos élèves développent à la fois une véritable motricité athlétique, une attention tournée vers le pourquoi du résultat « j’ai progressé parce que » et une compréhension de l’autre (agir avec l’autre, l’aider dans ses progrès). Le tout supposant de rendre attrayante et accessible une activité que les élèves pratiquent parfois à contre-cœur.

La course longue

Il nous a fallu chercher une alternative aux 20 minutes, activité perçue négativement par les élèves. Nous visons maintenant pour nos classes de 5e la compétence suivante: « être capable de courir 5 mn à une allure la plus proche possible de sa VMA en respectant un tableau de marche (tableau de planification) établi ». Chaque élève doit construire sa VMA (véritable fil rouge du cycle), faire des mises en relation entre une distance à parcourir et une allure, construire un tableau de marche pour réaliser une performance personnelle, observer et conseiller ses camarades en maniant divers indicateurs. 

En 5e, il s’agit de travailler sur la performance mais aussi beaucoup sur la méthodologie et les sensations. Cela prend du temps pour que ce soit les élèves eux-mêmes qui construisent leur propre tableau de marche avec un travail sur les repères extérieurs (plots), la respiration et les sensations liées à l’intensité de course (savoir qu’on a une allure supérieure à sa VMA, inférieure, etc.) 

En 3e, les élèves travaillent par deux (avec qui ils veulent). Comme les outils sont personnalisés, personne n’est pénalisé de travailler avec un plus faible. Ils doivent faire un 3000m (chacun 1500m), ils se débrouillent pour être le plus près possible de leur performance maximum. Ils ont un joker  qu’ils utilisent si besoin (toute l’équipe ne fait pas cela, c’est en discussion entre nous). Par exemple, les deux élèves décident d’alterner 750m (A: 750m puis B: 750m, A: 750m, B: 750m), ce qui leur semble la meilleure solution par rapport à leurs possibilités (en référence au tableau de marche établi ensemble). Si l’élève A (qui a une petite VMA) choisit de faire la course à 100% et craque a un moment de la course, B qui voit son copain en train de faiblir vient le relayer sur les derniers 100m (en respectant au maximum le rythme de A), puis B reprend son parcours normalement à son allure. Pour moi, ce joker est très important. Il va permettre aux élèves (notamment les plus faibles) de prendre un risque mais ce risque, ils l’ont pris à deux, et l’erreur, ils la jouent à deux. (C’est un peu la même chose en gymnastique si je choisis un élément pour lequel j’ai besoin d’être paré. Avec la parade, je peux prendre un risque, sans, je ne le prends pas). 

Je trouve extrêmement important la notion de partage y compris dans des activités individuelles. 

Je travaille presque toujours par binôme, en relais par exemple en 5e. Au lieu de se mesurer contre le chrono, ils peuvent se mesurer à un autre. Le relais 2x20m doit battre le coureur seul qui court 40m (on peut augmenter ou diminuer la distance courue par le coureur solitaire)

Il s’agit d’associer les réussites pour mieux apprendre. Les élèves s’engagent avec plaisir, ils aident l’autre, travaillent à être plus efficients pour satisfaire au projet commun de performance. 

La multiactivité en 6è

Ce fonctionnement est en fait quasiment obligatoire quand on travaille avec différents ateliers sur de la multiactivité. Comme le prof ne peut pas être partout, il faut organiser la classe pour que les élèves aient envie de travailler sans qu’on soit toujours près d’eux. 

En 6e par exemple, nous faisons un interclasse avec 6 épreuves que nous conçevons pour qu’elles soient un peu rigolotes. Il y a de la vitesse (6 secondes), des haies (7 secondes pour 3 haies), 1 saut avec 3 bonds (on ne mesure que le 3e bond pour privilégier la conservation de la vitesse), un lancer de vortex et un relais de toute la classe (chacun 50m). Nous aimerions leur faire explorer l’espace haut mais nous ne pouvons faire ni perche, ni hauteur. 

Avec un objectif de 6 épreuves, tu abordes obligatoirement à chaque séance 2 ou 3 épreuves. Il faut concevoir les ateliers pour que les élèves soient les plus autonomes possibles: au plan de l’organisation (des zones, le parcours plat avec une seconde en plus pour les haies, etc.), donner des quantités de travail prévues à l’avance (« je dois répéter 10 traversées de bac à sable 5 pied droit, 5 pied gauche »). Avec une telle organisation, le binôme apparaît comme une nécessité aux élèves. Je trouve qu’ils travaillent plutôt bien. Evidemment, on ne peut pas avoir les mêmes attentes à l’atelier où tu es présente et l’atelier où tu ne l’es pas. Si tu n’es pas là, tu ne peux pas faire jouer toutes les variables et les obliger à se centrer sur tel ou tel repère.  

Athlétisme pour le primaire 

Philippe  Delamarre, Conseiller pédagogique départemental EPS, Manche.

En tant que conseiller pédagogique, que conseilles-tu aux professeurs d’école ? 

En athlétisme, ma première référence a été le mémento FSGT de 74 ! Il n’y a pas de changement fondamental depuis. Il y avait déjà à l’époque l’idée de donner envie d’agir, de progresser, de rendre l’élève acteur (cf. les planches en bande dessinée présentant les situations proposées); également la volonté d’analyser et d’interpréter les réponses des jeunes.

Plus récemment, le document du CRDP de la Somme (sous la direction de R. Delhemmes) donne des précisions intéressantes sur les compétences à construire.

Dans notre département, les séances d’athlétisme s’appuient souvent sur deux spécialités (exemple triple saut + lancer de vortex). Deux ateliers dont un en autonomie se justifient par les installations, un seul sautoir ne suffit pas pour que les élèves d’une classe agissent vraiment. La présence de l’enseignant.ee à un atelier permet d’aider les élèves à mieux mettre en relation leurs actions et leurs performances, les autres apprennent à s’organiser seuls. Faire deux activités cela évite aux élèves qui s’engagent à fond à cet âge, de se faire mal à l’épaule par exemple ou de faire trop de répétitions d’appuis. Les collègues travaillent aussi en classe entière notamment en vitesse et relais.

L’enseignement qui a le plus changé est celui de la course longue. L’organisation de rencontres scolaires favorise la construction de modules d’apprentissages qui ne sont pas seulement orientés par « courir régulièrement à faible intensité« . Cela permet aussi que tous s’engagent dans une dynamique d’apprentissage et que chacun progresse. 

Notre volonté est de développer des ressources (pas seulement agir) et de transformer: l’élève qui s’arrête 1, 2 ou 3 fois à la première séance quand il court 10 minutes saura, à la fin du cycle, courir 15 minutes en parcourant une grande distance (par exemple 2000m). Ce qui est en jeu c’est la régulation de l’effort en course longue. Dans cet esprit nous avons tenté de construire des outils qui permettent aux élèves (et aux enseignants) d’analyser leur profil de course afin que chacun construise des repères sur soi pour mieux piloter son corps en mouvement. (voir ces propositions sur le site : Course longue au cycle3)

Aménagement de l’espace et auto-évaluation

Michel Cremonesi, lycée de Gardanne 

Que programmez-vous ? 

Dans mon établissement, je suis le seul spécialiste d’athlétisme. La plupart de mes collègues font plutôt de l’athlétisme à reculons, certains hésitent à faire plusieurs ateliers en même temps pour des questions de sécurité et d’autres se limiteraient à ne proposer que de la course pour des raisons de temps de pratique, avec au final des élèves qui, je crois, en ont vraiment marre de faire toujours ce type d’activité et d’effort là. Personnellement, je trouve que c’est plus dangereux de faire javelot avec toute une classe en même temps (particulièrement en lycée où le nombre d’élèves dépassent souvent la trentaine) ,que faire 3 ateliers dont un de javelot !

Après une petite formation interne au lycée, nous avons un peu changé notre fonctionnement, nous proposons notamment deux activités en seconde: 1000 m et triple saut (choix d’activités qui ont une résonance sociale), en première: 2 x 500 m et javelot, trois activités en terminale: 3 x 500 m,  pentabond, javelot. Comme nous avons de bonnes installations, cela permet à la fois la variété et la continuité de la seconde à la terminale. C’est pour ça que j’étais malheureux quand les élèves faisaient souvent la même chose !

Comment choisissez-vous les activités ? 

Nous avons choisi le triple saut parce que c’est plus intéressant que la longueur et qu’il y a une continuité de pratique jusqu’en terminale (même si l’activité proposée au bac à ce jour est le pentabond, mais c’est un autre problème). Cela demande aussi davantage de coordination, d’effort sur le plan musculaire, l’enchaînement des 3 sauts donne le temps de se voir sauter et la marge de progression est nettement plus grande. Progresser de 20 cm en un cycle, c’est déprimant, en triple saut, les progrès sont visibles. 

On fait du javelot parce qu’on a du matériel mais aussi pour des raisons de gestion, le javelot est un engin qui se contrôle mieux que le disque par exemple, il se lance le plus souvent devant soi, le disque peut partir dans tous les sens et demande beaucoup plus d’espace et de vigilance, en particulier pour des séances en lycée. 

Nous avons choisi de proposer le 1000 m à nos élèves de seconde parce qu’il y a une continuité avec le 3 x 500 m en terminale et les moyens mis en œuvre pour progresser restent dans une logique de préparation à cette épreuve. 

Pour moi, l’athlétisme doit se faire le plus possible sous forme jouée, se lancer des défis et obligatoirement plusieurs ateliers, si possible faciles à gérer. 

C’est une activité tellement variée qu’elle permet à chacun de trouver une pratique qui lui convient en course, saut et/ou lancer. 

Peux-tu donner un exemple en triple saut ?

En seconde, dans une séance 1000 m et triple saut, je fais d’abord un bon échauffement de 15 mn que je mène moi-même. A la fin, les élèves se préparent seuls mais pas trop tôt, ils ont besoin d’être bien guidés si on veut qu’à la fin ils soient capables de vraiment s’échauffer tout seuls. Il y a toujours une première partie générale et une deuxième partie spécifique (davantage liée à l’activité qui va suivre). Je commence par le triple saut. J’utilise rarement le sautoir dans le sens traditionnel, seulement pour mieux étalonner la course d’élan ou pour la prise de performance officielle au cours de la séance d’évaluation. Je prends le sautoir en travers pour avoir un maximum de couloirs de sauts jusqu’à 8, 9 couloirs de 5 à 9 m. Je mets en place un système de montante descendante pour que les élèves se situent dans le couloir qui leur convient le mieux. Pour que leur saut soit valide tout en recherchant la meilleure performance, ils doivent d’une part enchaîner les trois sauts différents qui composent le triple et d’autre part pour des raisons de sécurité ils doivent chuter à 1 m dans le sable. Au début de la séance, ils restent par affinité et au fur et à mesure ils se mettent dans le couloir qui leur correspond. S’ils arrivent trop limite dans le sautoir (saut non valide), j’impose un changement de couloir. Ainsi, ils font environ 10 à 15 sauts par séance. 

Je travaille beaucoup sous forme de défis, soit défis à eux-mêmes, soit défis entre eux. Ils s’auto-évaluent facilement avec un système de repères placés à chaque couloir (voir schéma). Ils s’organisent entre eux, ils n’ont pas besoin de moi pour ça, je ne pinaille pas sur les centimètres! Ça me permet de me distancier, repérer tout le monde, apprécier les différentes réalisations, conseiller certains et aider davantage ceux qui sont en difficulté.

Suivant ce que je veux, je vais aménager le milieu (pour allonger le deuxième bond par exemple) ou alors jouer sur l’élan. J’impose un élan court et une fois qu’ils ont stabilisé leur performance trois ou quatre fois, la prise d’élan devient plus libre, ce qui leur permet de prendre de la vitesse. 

Des batailles pour l’athlétisme

Roland Reynaud, lycée polyvalent du Dauphiné, Romans.

Nous avons programmé l’athlétisme dans notre lycée parce que cette activité doit participer à la formation des jeunes. C’est une activité motivante: nos élèves du lycée et du LP veulent connaître leur potentiel, explorer leurs limites tout en se confrontant à des règles.  Elle est intéressante pour nous, car elle est diverse, précise, exigeante. On parle beaucoup de méthode : là il s’agit de s’entraîner, se préparer à, se tester, analyser sa production. Comment est-ce venu? En 1995, la réfection de la piste a déclenché l’idée. Je suis de plus très sensible à la préparation physique généralisée. Les conditions de pratique sont satisfaisantes: une piste de 333m, avec six couloirs dans la ligne droite, un sautoir en longueur collectif, la possibilité de lancers longs et 3 sautoirs en hauteur en gymnase. Après dix ans de bataille, on a réussi à arracher l’option, la seule du département. L’option m’a fait évoluer dans le traitement de l’athlétisme pour tous les élèves, avec l’idée que cette formation devait leur servir pour plus tard. Pour cela tu es obligé d’être au cœur de l’activité, donc de connaître l’APSA sous ses aspects les plus divers (énergétique, mécanique…). Il me fallait leur transmettre et leur faire acquérir une polyvalence d’athlète, des connaissances en culture athlétique.

En option, l’évaluation porte sur un triathlon qui est devenu une sorte de culture du lycée. En terminale, sur dix groupes, nous en avons deux avec de l’athlétisme. Nous consacrons 10 séances de 2 heures à chaque activité. Nous n’avons pas de déplacement, ce qui apporte un temps de pratique conséquent. Les cycles dans les autres niveaux de classes sont globalement orientés dans le but d’être préparatoires aux épreuves de terminale. En première, les élèves font du triple saut comme préalable au pentabond, et du 150 m haies. En seconde, ils se préparent en vitesse-relais et au javelot.

Dans l’esprit, les épreuves exigent un entraînement important. Le projet de chacun n’a de sens que s’il est lié à une recherche de la performance, l’évaluation de ses possibilités, la répétition d’une performance…Dans la préparation, on garde la philosophie de l’épreuve et on met l’accent sur la capacité à s’entraîner pour l’épreuve.

J’aime enseigner l’athlétisme parce que je suis athlète et je perçois bien comment on peut se mettre en difficulté quant on n’a pas pratiqué, combien ça peut être douloureux de vivre mal ce qu’on sent être mal enseigné parce qu’on n’a pas les images, les sensations en soi…On ne peut pas faire en apparence, faire semblant, c’est forcément difficile, et c’est tout le plaisir quand la petite lumière s’éclaire chez l’élève qui vient de rentrer dedans. C’est une activité exigeante qui demande un important niveau de maîtrise et de ce fait exige des élèves qu’ils aillent au-delà de ce qu’ils font habituellement, sans quoi il n’y a pas de performance possible. C’est, je crois ce qui fait l’intérêt.

L’athlétisme, une école de la volonté, de la souffrance

François Vuillet, collège Raspail, Carpentras.

Dans chaque niveau on fait une course, un saut et un lancer. Nous sommes, pour au moins trois enseignants de l’équipe, d’anciens pratiquants et nous estimons qu’au niveau des enfants, il y a de nombreux apports sur le plan morphologique mais aussi de nombreux enjeux de formation.

Par exemple, je fais de l’endurance car je trouve que c’est une école de la volonté, de la souffrance. C’est une activité qui permet de connaître son corps. Dépasser les craintes que les élèves vont ressentir lors d’un effort. Cela m’intéresse que les élèves aient mal mais qu’ils réussissent à la contrôler pour réussir.

Je vise plus de l’éducation physique, la compréhension du corps, le contrôle de sa souffrance. Leur donner une culture physique pour que plus tard ils soient à l’aise dans la gestion de leur vie physique. L’athlétisme est pour moi une école de la patience, de la volonté et de l’effort. Pour moi l’athlétisme est un sport de base, les acquis vont pouvoir être utilisés dans les autres activités. Par exemple la souplesse, c’est un travail de qualité physique générale qui va pouvoir être réinvesti dans les autres activités physiques.

En javelot, je fonctionne beaucoup en classe entière organisée en vague de 6 à 7 élèves. Je travaille sur la maîtrise de l’engin, la maîtrise de ses trajectoires, beaucoup de travail sur la sécurité, la rigueur des règles de lancer. Par exemple à partir du planter de javelot, on essaie de comprendre les erreurs au niveau des placements. Je fais aussi des jeux du type parcours de golf avec des trajectoires aménagées avec l’aide de ficelles ou des jeux avec des cibles à atteindre.

Le javelot permet d’avoir une notion de satisfaction immédiate, cela fait aussi appel à l’imaginaire guerrier qui conduit à ce que les élèves accrochent rapidement. Une fois qu’ils sont entrés dans l’activité, ils ne s’arrêtent plus.

Pour des élèves en difficulté qui sont en manque de cadre, ils comprennent que par la répétition et la rigueur, ils se font plaisir et progressent. Et c’est un enjeu de formation qui est vraiment important. 

En saut c’est plus difficile de saisir ce que signifie sauter, ils n’ont que la représentation de la distance à parcourir. Le rapport à la performance me semble plus complexe à percevoir. La vitesse relais est bien perçue car il y à la fois l’aspect individuel et celui du collectif. 

Des défis pour une grande quantité de pratique

Xavier Ricord, collège Gérard Philiipe,.Cannes la Bocca.

J’ai une programmation liée davantage aux indications des programmes et aux conditions matérielles qu’à un intérêt particulier pour l’activité.

Je mets à la disposition des élèves un cadre qui facilite leur implication: la matérialisation des couloirs, la piste. Cet espace crée des conditions favorables de l’entrée en activité avant même le début de la séance.

Que fais-tu en course de relais?

En sixième, il y a plusieurs départs possibles. Il y a la ligne de départ normale, mais si tu te sens plus fort que l’autre équipe, tu recules d’un à deux mètres. Plus tu as un décalage important, plus tu marques des points. Ils se lancent des défis avec des décalages. Dans le relais, il y a tout de même une part d’incertitude due au passage du témoin et il y a des surprises. Donc au final, il y a des défis intéressants ou tout n’est pas joué d’avance. Ils ont une feuille de courses qui va leur permettre de marquer les résultats contre les autres équipes. Je donne des départs toutes les deux minutes et les élèves partent quand ils le souhaitent.

Mon système de notation prend en compte à la fois les résultats des défis et la quantité de course qu’ils vont réaliser. L’objectif était qu’ils fassent au moins 10 courses dans l’heure, avec ce système ils font entre 12 et 17 courses.

Par ailleurs le système du défi et du passage du témoin permet aux moins bons de courir contre les meilleurs et parfois de gagner.

Je me suis rendu compte qu’en 6e le temps ne faisait pas forcement sens, par contre la transcription du temps dans une distance et le jeu de course poursuite vers la ligne d’arrivée sont plus signifiants.

Je fonctionne avec ce système sur tout le cycle. L’important dans un premier temps, c’est que les élèves aient un volume important de pratique. Sur un cycle de 8 séances, je vais faire au moins 5 séances avec la situation de défis que je viens de présenter. J’exploite les progrès par leur nombre de répétitions en donnant quelques conseils. Lors des premières séances, les élèves vont surtout transformer leur comportement dans la course. Ils vont partir plus vite et ne pas décélérer jusqu’à la ligne d’arrivée. Je vais aller jusqu’au bout de leur possible, simplement par le jeu de répétition d’une situation de jeu, ce que l’on pourrait qualifier d’activité fonctionnelle. Ensuite, je vais leur apporter un petit plus en terme d’apprentissage technique, comme par exemple à propos du passage du témoin: partir avant que mon camarade soit sur moi, différentes façons de transmettre le témoin.

Ce qui est intéressant à ce moment là, c’est que l’apprentissage technique permet de modifier la hiérarchie et donc donne plus de sens.

Se confronter aux autres

Bernard Beliveau, collège Alphonse Daudet Draveil

Il y a toujours eu une pratique athlétique dans ce collège depuis 1969! La forêt de Sénart n’est pas loin.

C’était une activité importante à l’époque. Il y avait trois priorités: la gymnastique, la natation et l’athlétisme. Il s’agissait d’activités sportives de base qui permettaient de travailler des fondamentaux.

Depuis les textes ont changé mais l’athlétisme est toujours programmé.

L’athlétisme s’appuie sur des gestes de base: courir, sauter, lancer. Et puis la dimension physiologique, la dépense énergétique sont importantes. On recherche dans chaque épreuve le potentiel maximal. Le collège est situé près de la forêt. Pour des citadins, c’est important d’y courir. Mais depuis trente ans que les élèves courent dans cette forêt, j’ai remarqué une baisse du niveau assez considérable sur les qualités d’endurance. Ce n’est d’ailleurs pas le cas sur les autres qualités: force, vitesse, souplesse, coordination,

En athlétisme, il y a un classement, opposition, la confrontation à l’autre est directe, peut être plus qu’en sports collectifs. On peut faire de l’athlétisme sans chronomètre. C’est l’origine de l’activité pour moi: les Grecs se confrontaient ainsi! Puis vient la confrontation avec soi. 

Quelles spécialités programmez-vous?

Il y a une proposition pour chaque niveau de classe. Le choix se fait en fonction des possibilités matérielles. Nous disposons d’un gymnase, une piste bitumée de 85m sur 4m de largeur, un sautoir et un plateau pour les lancers. Nous ne pouvons plus faire ni javelot ni disque depuis la construction du nouveau lycée professionnel sur le stade! Mais les spécialités restent nombreuses: course de durée qui est pratiquée parfois à travers la course d’orientation, vitesse, sprint, haies sur courte distance, haies type 200m, triple bond voire triple saut, longueur, poids, mais aussi des épreuves combinées course, saut, lancer.

La durée des cycles est de 6 à 8 semaines. En tout, il y a environ 24 à 26 heures d’athlétisme par an. 

Bien sûr la course d’orientation n’est pas une activité classée dans l’athlétisme, mais on développe les qualités d’endurance d’autant que le terrain est plat.

Pourquoi toutes ces activités ?

Ce sont des activités complémentaires, voire opposées parfois. Par exemple la course ce n’est pas un seul type de course : on peut être bon en vitesse et moins en endurance. La course de haies permet de travailler la coordination. La richesse vient de la complémentarité. Il faut une grande diversité pour développer toutes les qualités physiques. Nous essayons aussi de développer le goût de la pratique athlétique par la diversité. Bien sûr, on a le droit de ne pas aimer l’athlétisme, mais il faut d’abord avoir essayé! L’athlétisme est souvent considéré comme une activité ringarde, or finalement elle recueille beaucoup de volontaires à l’AS. 

La diversité entraîne des durées d’apprentissage relativement courtes. Les élèves de 6e préfèrent changer plus souvent quitte à y revenir après. La diversité enfin prépare aux épreuves combinées en 3e

Quelles formes de pratique sont-elles privilégiées ?

La lutte homme à homme est souvent prioritaire sur la notion de performance. La victoire est valorisée par les élèves. 

La situation de référence en 6e en course de durée est de 10 ou 15 minutes. C’est un temps court, mais ceux qui réussissent sur 20 minutes sont les mêmes que sur 10 minutes. De plus pour les plus faibles, courir sur une durée de 20 minutes est une épreuve difficile. Cependant, les séances de travail sont, le plus souvent, axées sur des durées supérieures.

Mais nous allons souvent en forêt, c’est plus intéressant. Il y a le côté nature, on peut rencontrer des animaux comme des biches ou des chevreuils. Il y a l’espace: on peut choisir son parcours en fonction de la distance que l’on veut courir, la diversité des allées qui serpentent, des lignes droites. Il y a un sentiment de liberté pour les élèves même si certains en profitent pour « gagner » deux à trois minutes. Enfin on respire mieux dans la forêt, on s’oxygène!

Mais quand je demande aux élèves après huit séances de forêt ce qu’ils veulent reprendre, ils valorisent toujours la quantité de course: on peut courir longtemps sans se fatiguer. Je propose aussi un contrat de kilomètres à parcourir par classe. 

En vitesse, je n’utilise pas toujours le chronomètre. Les élèves se confrontent les uns aux autres par l’intermédiaire d’une montante/descendante. On constitue ainsi une hiérarchie.

Pour la course de haies, j’utilise souvent des nomogrammes qui me permettent de noter l’aspect technique en mettant en relation la vitesse de base et les temps obtenus sur les obstacles.

L’esprit combinard

Anne Levard, lycée Victor Hugo, Caen

Dans mon lycée, nous programmons de l’athlétisme sur tous les niveaux, mais uniquement des courses. Du relais en seconde, le 3×500 en première et terminale, ainsi que le relais-vitesse en terminale cette année. Nous avons laissé de côté les lancers et les sauts, pas seulement parce qu’avec des groupes de plus de 30 élèves c’est plus compliqué, mais avant tout parce que les évaluations bac sortent de la logique de l’activité athlétisme et donnent lieu à des stratégies d’élèves qui ne vont pas dans le sens d’apprentissages moteurs grâce à l’activité. 

L’essence de l’activité c’est d’être performant à un moment donné en se dépassant grâce à la compétition. Pour parvenir à cet objectif, et aussi parce qu’il y a du plaisir dans les mouvements athlétiques, toujours exécutés à grande vitesse, on rentre dans un apprentissage technique, physique et psychologique, on enrichit sa motricité. Mais les épreuves nationales du bac ne vont pas dans ce sens, leur conception engendre chez les élèves des stratégies de petit gagnant, de calculateur et ce sont de nouveau les mêmes élèves que l’on valorise : ceux qui savent calculer !
Depuis que j’ai vu des terminales « viser » sans élan au poids ou au pentabond pour surtout ne pas perdre les points de l’amélioration liée à l’élan , j’ai arrêté de proposer ces épreuves.


En revanche, une option facultative EPS athlétisme/musculation fonctionne depuis 5 ans au lycée Victor Hugo, sans aucune installation spécifique à l’athlétisme, sauf à l’AS. Il s’agit d’initier les élèves à toutes les activités athlétiques, à partir d’un travail technique autour des fondamentaux. En quittant le lycée, ils sont capables de programmer leurs séances de musculation selon la période de l’année, ils ont des notions de base sur l’entraînement, la programmation, la physiologie de l’effort. Pour cela ils doivent s’investir à l’AS et tenir à jour un classeur d’entraînement qui est noté au bac. Il y a une vraie dynamique autour de cette option qui concerne 45 à 50 élèves du lycée, c’est un moment différent dans leur semaine de cours, la convivialité est une des clefs de son succès. 

Quel type de cycle proposez-vous : multiactivité ou monoactivité? 

Il faut à mon sens aborder l’athlétisme avec l’esprit d’un « combinard » et donc initier les élèves aux joies des épreuves combinées. Premier principe: les élèves sont notés trimestriellement sur un biathlon qui va prendre en compte leurs deux meilleures performances en compétition. Au premier et troisième trimestre, il suffit de relever les performances à l’AS (indoor, cross, estival). Au deuxième trimestre, il y a un « creux » et pour soutenir leur motivation, j’organise chaque année en février, juste avant le bac blanc, un pentathlon (50 m haies, hauteur, poids, longueur, 800 m pour les filles, 1000 m pour les garçons). Nous avons la chance d’avoir accès au stade couvert de Mondeville l’hiver à l’AS, je recrute pas mal de bonnes volontés, les collègues, les copains de mon club et c’est notamment l’occasion de former sur le terrain les jeunes juges de la section sportive du collège de Mondeville. Le lendemain, le palmarès au lycée avec remise des lots marque bien l’importance de l’évènement. Ce pentathlon est un moment clef de l’année, 40 optionnaires du lycée s’y affrontent, tout cela en 3 heures ! C’est vraiment rentré dans leur culture d’athlètes en herbe pendant le cursus au lycée. 


Alors, quels cycles? De l’initiation athlétique en nature à la rentrée, un travail autour des fondamentaux : qualité des appuis, gainage, alignements, segments libres, et surtout le gain de vitesse dans l’exécution. Quand les fins de journées sont encore belles, après la reprise, c’est un travail de développement de la VMA, couplé avec des lancers longs. Lorsqu’on ne peut plus aller dehors, on attaque dans le gymnase les haies, le saut en hauteur, le poids (avec des poids en caoutchouc sur des tapis de réception placée dans un angle du gymnase). Puis le travail des sauts horizontaux, en gymnase toujours, avec des tapis. Dès qu’il fait moins humide à l’intersaison, c’est le retour à notre vallée des jardins ou sur le stade en terre du Campus pour reprendre un travail de course (développement VMA) et aborder derrière un autre lancer long. Lorsque les compétitions estivales pointent le bout de leur nez, le début de séance est toujours consacré aux relais, puis chacun prépare ensuite son épreuve spécifique.

Certaines activités ne peuvent être abordées que sur les créneaux de l’AS : la perche l’hiver, les haies basses par exemple. 

Quels objectifs ? 

Ils sont multiples. 

Le premier serait sans doute de faire partager ma passion pour l’athlétisme et les épreuves combinées. Pour les valeurs d’effort, de dépassement, de respect de soi et des autres que cette activité véhicule, pour le plaisir moteur et gestuel que procurent les épreuves athlétiques : avaler des obstacles ou prendre une planche de saut à pleine vitesse, ressentir toutes les finesses du lancer de poids si mal connu : les dissociations segmentaires, la différenciation tonique qu’il nécessite, ressentir l’aisance en course lorsqu’on s’est bien préparé, la fluidité des mouvements. Ressentir l’accélération du rythme cardiaque, la décharge émotionnelle que procurent en compétition les instants qui précèdent l’épreuve, et ceux qui les suivent. Connaître des moments de joies, de déception, des moments qui nous rapprochent des autres, le partage et les objectifs communs des compétitions en équipe (qui sont la règle maintenant à l’UNSS). Mieux se connaître grâce à l’athlétisme, parvenir à une maîtrise de son corps, de ses émotions, de son intellect.


L’athlétisme est pour moi un choix parfait pour une option facultative en lycée, tous les gabarits peuvent s’y réaliser : les grands maigres, les petits gros, les petits nerveux, chacun a sa chance, et même si on manque d’élasticité et de tonicité en arrivant, avec du travail et de l’entraînement, les progrès suivent. Sur 3 ans un élève qui s’investit 3h à l’option, 2 à 3h à l’AS chaque semaine en plus des 2h d’EPS obligatoires, cet élève se développe énormément. Et c’est gratifiant aussi professionnellement de s’investir, car on a un réel impact dès lors que l’horaire de pratique est important.

Un autre intérêt du choix de l’athlétisme, à l’option comme en EPS de manière générale, c’est celui de toutes ces activités individuelles décriées à tort. Les élèves l’expriment souvent lorsqu’ils viennent des sports collectifs : l’athlétisme c’est exigeant, on ne peut pas reporter ses échecs sur les autres, sur l’arbitrage…etc. A part en relais, on est responsable de la réussite comme de l’échec et ça aussi c’est très éducatif, on ne peut pas se cacher derrière les autres, il faut s’interroger sur soi-même et donc apprendre à mieux se connaître sur ce plan là aussi.

Quels contenus ?

Les contenus sont ceux des fondamentaux de l’athlétisme. Puisqu’il faut se propulser, propulser un engin ou se propulser à l’aide d’un engin, toute la motricité est organisée autour d’actions d’impulsion et tous les apprentissages techniques tendent vers le même objectif : gagner de la vitesse ! Il ne s’agit pas ici seulement de la vitesse comme donnée physique, talent inné ou que sais-je encore. Il s’agit aussi et surtout de réaliser des progrès perceptifs pour pouvoir réaliser les actions de propulsion à la plus grande vitesse possible. On est efficace lorsqu’on prend une planche de longueur à vitesse optimale, n’empêche, plus cette vitesse optimale est importante, plus on est efficace !
Les contenus sont construits autour de cette idée qu’il faut mettre en place le repérage perceptif à vitesse réduite (sauts, lancers sans élan, passages de haies en marchant …) mais toujours avec l’ambition d’automatiser certaines choses pour ensuite pouvoir se repérer et contrôler le mouvement à une vitesse plus importante. 

Chaque séance est l’occasion de faire ses gammes, chaque échauffement débouche sur des gammes athlétiques spécifiques à la spécialité suivante. Comme dans les autres activités, les contenus sont construits autour de la nécessité de répéter, et celle de permettre aussi une certaine variabilité. Les multiples spécialités athlétiques sont l’occasion de répéter les mêmes principes, tout en ayant l’impression de faire des choses très différentes. 

Construire des contenus en athlétisme n’est pas difficile lorsqu’on a analysé l’activité en termes fonctionnels et que l’on a dégagé l’essentiel : exercer des actions complètes au sol avec ses pieds, restituer la contre poussée du sol à l’ensemble du corps en étant aligné, en résistant à la déformation, en accompagnant et en coordonnant toutes ses actions segmentaires, avec la possibilité de provoquer des changements de rythmes.

La plus grande erreur serait à mon sens d’enseigner l’athlétisme en faisant mimer aux élèves des formes gestuelles. 

Non, les enfants ne se lassent pas vite !

Nathalie Bojko – Claire Pontais 

En juillet, 2005, le Centre EPS et Société, en collaboration avec le FSGT, a animé un stage de formatrices et d’animatrices de camps d’été (l’équivalent de nos centres aérés) en Palestine. Ce témoignage est un épisode de ce stage.

Nous devions animer un atelier de course sur la place Sadaka (Hébron). C’est un « milieu ouvert », les enfants arrivent et partent quand bon leur semble, l’enjeu est de les retenir le plus longtemps possible (au moins une demi-heure) pour qu’ils aient le temps d’entrer dans le jeu et de prendre du plaisir dans l’activité, condition pour qu’ils reviennent et participent activement aux animations en étant de plus en plus autonomes. 

Ce qui était prévu  

Nous avons choisi une situation qui avait bien marché la veille en « camp d’été »: une situation de vitesse sous forme de défi par deux. 

Deux coureurs se défient 

courir 25m deux par deux, le premier qui attrape le foulard (posé sur une poubelle) a gagné

recul

                          Départ                                                                                         arrivée (foulard sur carton)

– le foulard à l’arrivée concrétise l’arrivée : qui a gagné ? Il n‘y a pas de contestation possible. 

Il doit être surélevé de façon à ce que l’enfant arrive à la vitesse maximum et n’ait pas à trop ralentir pour l’attraper. 

Pour l’animation en milieu ouvert, nous décidons qu’une animatrice se mettra à l’arrivée et tiendra un plastique en hauteur. Nous prévoyons d’être vigilantes sur le départ pour qu’il n’y ait pas de triche. 

Comptage des points : celui qui gagne marque 1 point (un bâton sur le tableau de résultat). 

Les deux vont ensuite aller défier d’autres coureurs.

Si je défie un coureur qui a plus de bâtons, celui ci recule d’un mètre par bâton (si on a un bâton d’écart : 1 mètre, 2 bâtons d’écart, 2m, etc.)

Un joueur ne peut pas défier un joueur qui a moins de bâtons que lui.

Critère de réussite : 

« on dit que tous ont bien joué si chacun a 3 bâtons à la fin du jeu» (ou deux, selon le nombre de joueurs, parce que c’est  assez long)

Ce jeu ayant très bien fonctionné quel que soit l’âge des enfants, nous partons sereines pour la place Sadaka. 

Ce qu’il s’est passé  

Nous nous sommes installées dans un espace très petit, avec une possibilité de course de 15m environ. 

Nous avons eu des enfants très petits (entre 5 et 10 ans maximum), un petit groupe (10 –12 enfants)

Beaucoup de petites filles (sans tenue sportive, avec des chaussures genre tong). L’atelier a duré une heure, c’est nous qui l’avons arrêté parce que nous étions épuisées ! 

Il ne s’est pas passé exactement comme prévu : 

Les enfants se sont mis par deux et se sont lancés des défis, ils avaient équilibré les duos sans que nous n’ayons à intervenir. Ils ont couru de nombreuses fois, sans que nous ne mettions en place notre système de handicap. La vigilance au départ devait être très forte, ils tentaient à chaque fois de grignoter des centimètres. Comme ils ne changeaient pas spontanément de concurrent, nous avons tenté de modifier les duos, pour qu’ils défient quelqu’un d’autre. Cela ne les intéressait pas, ils ne voulaient pas, ils le faisaient pour nous faire plaisir et revenaient défier leur concurrent favori ! ..et cela pendant une heure ! 

Nous avons été surprises cet après midi là du moteur que représente le défi sur une simple course de vitesse. Alors qu’il est écrit dans tous les livres que les enfants de cet âge se lassent vite, qu’il faut varier les situations, eux sont non seulement rester sur la même pendant une heure, mais avec quasiment le même concurrent tout le temps ! 

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