Les Jeux Olympiques, vecteurs de projets déraisonnables

Temps de lecture : 4 mn.

Xavier Cerati 1, nous raconte trois projets, en EPS et dans un cadre interdisciplinaire, sur le thème des JOP.

Article issu du Dossier n°5 édité par le Centre sur les JOP 2024.

Je vais évoquer trois projets que vingt ans séparent mais qui ont comme origine commune l’envie d’aller au-delà du gymnase et des cours d’EPS, trois projets interdisciplinaires dans leur esprit sans l’être forcément dans leur réalité. Ils se sont construits sur fond de Jeux Olympiques, sans compter l’engagement, car la seule issue possible était leur réussite. 

En 2003, dans la perspective de « 2004 Année Européenne de l’Éducation par le Sport », j’imagine écrire avec mes collégiens, l’histoire d’un jeune marseillais qui bousculerait à la fin du XIXe siècle Pierre de Coubertin sur les quais du Vieux Port. De cette rencontre fortuite, naitrait une saga familiale qui s’étendrait à travers l’Europe au gré des Olympiades. Victor Rapide, notre héros, participerait aux premiers Jeux Olympiques à Athènes en 1896 et je me fixais comme ambition d’amener mes élèves à Athènes 2004, pour y retrouver une classe de chacun des collèges partenaires provenant de toutes les villes européennes ayant accueilli les JO. Cette ambition « démesurée » était aidée par des budgets européens faramineux et l’envie de raconter sur fond de valeurs sportives une épopée européenne partagée. 

Le projet 2 dans sa version européenne s’est éteint progressivement sous l’ampleur d’un travail colossal. Cependant, grâce au conseil général des Bouches du Rhône nous pouvions aller à Athènes… avant que les attentats de Madrid en mars 2004 ne mettent un terme au projet. 

C’est ainsi qu’en août 2006, j’ai voulu rebondir en me lançant un nouveau défi, celui d’emmener des élèves aux JO de Pékin 2008. 

Le programme reprenait deux thématiques du précédent projet, soit une réflexion sur les JO et l’écriture d’une fiction qui débutait à Marseille pour s’achever aux Jeux. S’ajoutait une initiation à la langue chinoise et, ce qui s’avèrera le plus satisfaisant, une découverte du journalisme sportif. En dernier lieu, pour envisager une accessibilité à tous, un budget dont la participation des familles ne devait pas excéder 400€ par personne ! 

Ce projet était structuré autour de deux axes. Le premier nous invitait à développer des compétences de reporters. C’est ainsi que dix-neuf entretiens ont été menés par les élèves dans le but de comprendre le processus qui avait permis de passer d’un adolescent sportif à un athlète de haut niveau.

Quel bonheur de voir se développer une maîtrise progressive du reportage chez mes élèves. Une aventure qui débute par les questions balbutiantes d’une enfant de douze ans face à une Virginie Dedieu bienveillante (triple championne du monde de natation synchronisée) et qui s’achèvera seize mois plus tard par un entretien sur la terrasse du Cercle des Nageurs de Marseille avec Fabien Gilot, futur médaillé d’argent du 4x100m nage libre aux JO de Pékin. Absolument pas impressionnée par la carrure du nageur, Fiona rebondit sur les réponses avec l’aisance d’un poisson dans l’eau sans jamais lire ses fiches. Positionné en retrait, mon émotion est aussi grande que lorsque deux mois plus tard nous entrerons dans le nid d’oiseau.

L’aspect artistique quant à lui comprenait plusieurs orientations : écriture scénaristique, jeu d’acteur et réalisation d’un court-métrage au scénario complexe dont les derniers plans devaient se tourner à Pékin. 

Quand au bout de deux années de travail acharné nous nous retrouvons entre stade et bassin olympique, c’était l’aboutissement d’un projet impossible qu’il nous restait à vivre en nous laissant porter. Echanger avec Alain Bernard, champion olympique du 100m nage libre, au lendemain de son sacre, assister au titre d’un Usain Bolt naissant sur 4x100m ou au record du monde du saut à la perche féminine par Yelena Isinbayeva, partager le bonheur du titre olympique avec les handballeurs français au club France, comprendre que le sport est un langage universel en partageant une partie de jianzi devant la cité interdite ou déambuler sur la muraille de Chine sont des souvenirs inoubliables 3.

Le troisième projet est plus récent, c’est celui de trois enseignants du collège Karl Marx de Villejuif (94) qui, dans le cadre d’un club journalisme, ont construit progressivement l’idée d’emmener leurs élèves aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Je vous invite à lire un entretien avec Jean Galabert, un des enseignants d’EPS du projet 4 et à regarder le magnifique documentaire issu de l’aventure sur Canal+ 5.

Ces trois projets olympiques se sont construits sur une base de journalisme et de sport avec les mêmes envies, les mêmes obstacles et la même combativité. 

Ces projets protéiformes auraient pu être de beaux projets interdisciplinaires. Mais l’inaccessible est peu fédérateur. L’interdisciplinarité est incitée mais pas toujours soutenue, elle dépend de rencontres plus que d’injonctions ou d’une temporalité disciplinaire qui manque parfois de souplesse.

Pour rayonner, notre discipline a autant besoin d’une réflexion didactique qui renouvelle ses pratiques que d’histoires construites autour du sport, au-delà de l’établissement, au-delà de l’EPS conventionnelle. 

C’était impossible, nous ne le savions pas, alors nous l’avons fait !

Texte issu du Dossier n°5 « Avenir de l’EPS » édité par le Centre sur les JOP 2024

  1. Enseignant à la Faculté des Sciences du Sport de Marseille
  2. https://www.calameo.com/books/0006203045c81fc25a3d1
  3. https://www.dailymotion.com/video/x76dyd
  4. https://www.cafepedagogique.net/2023/03/20/le-petit-karl-se-donner-les-moyens-collectivement-de-deplacer-des-montagnes/
  5. Bande annonce https://vimeo.com/804587008/d905f05049

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