Jean Lafontan, Président du centre EPS et Société, brosse dans cet édito introductif du « Dossier n°5 » sur les JOP 2024, les problématiques qui seront évoquées par les diverses contributions du numéro.
Il donne aussi à réfléchir sur leur avenir…
Parler des JO, sereinement, en plein tumulte de préparation de ceux de Paris, pouvait se concevoir, pour le Centre, en s’extrayant de l’actualité. Réfléchir sur leur avenir impose une prise de distance nécessaire avec les brûlures des 100 derniers jours. Voilà pourquoi nous avons questionné des interlocuteurs·ces sur leur compréhension de l’avenir des JOP, sur une perspective qui va dépasser les années à venir et qui devra affronter plus lourdement les crises climatiques, économiques, politiques et celles aussi des spectacles sportifs.
La crise climatique évidemment est la plus anxiogène, mais toutes ont leur spécificité et urgence ; économiques à l’aune du développement croissant des inégalités nationales et mondiales, politiques avec une déréglementation de l’organisation du monde et une montée en puissance des perspectives guerrières, sportives enfin parce que la culture physique, dans sa forme la plus générale qui soit, -sport de haute performance, sport de compétition, jeux sportifs, loisirs actifs fondés sur l’activité physique, EPS -, connaît une telle créativité, une telle luxuriance qu’elle semble envahir tout l’espace public sans toutefois se confondre avec leur appropriation de masse 1. Ce simple constat pose les limites et en même temps les possibles de ce nous appellerons sport par commodité.
Ce vaste secteur est un champ de dispute que tous les intérêts, égoïstes, mercantiles, nationalistes de tous bords, mais humanistes aussi, tentent d’accaparer tant l’attrait de la population pour ces exercices se développe et incite de plus en plus les États à en faire une partie croissante de leur pouvoir. Le CIO cherche à régenter son intuition initiale, au nom de principes (apolitisme, neutralité, éducation), de plus en plus inefficaces, en tout cas, conflictuels, pour garder une convocation mondiale, la plus unitaire qui soit et conforme à son inspiration de départ : rassembler le monde entier sous une option humaniste, cela n’évitant pas cependant l’amputation de quelques États.
Le CIO a un défi à affronter et qu’il formule avec suffisamment de constance pour savoir que c’est bien là que se joue son avenir : comment en permanence s’assurer que le projet sportif, car là est son cœur, est bien celui qu’attend la population mondiale dans sa diversité ? Sa substance est bien la culture physique au quotidien, auprès de la jeunesse, de tous les adultes aussi, qui soit leur perspective d’aspiration, non pas comme participants·es mais comme exhibition de leur meilleur imaginaire d’action et de développement, comme pilote de l’espèce humaine.
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C’est bien cette ambition que le gouvernement actuel n’a pas voulu saisir, à partir de l’EPS mais aussi du sport civil et qui doit nous inciter à poursuivre nos engagements pour les faire aboutir. Dans leur mission les JOP doivent se penser comme l’unité du sport et pour cela inventer leurs formes de regroupement. Leur histoire montre que le pari n’est jamais gagné a priori, qu’il est en permanence remis en cause par l’évolution des pratiques sportives, les sensibilités culturelles de l’époque et que donc leur construction est éphémère sur la longue échelle. Ainsi la diversité des émotions convoquées, des concours à promouvoir, les configurations multiples de confrontation et d’altérité, de types de performances doivent les structurer comme autant d’outils majeurs de lutte contre les inégalités sociales et pour le développement de l’émancipation de toutes et tous. En clair faire de ces JOP renouvelés la mesure d’une nouvelle humanité du monde.
A leur façon ces contributions participent à ce débat.
Texte issu du Dossier n°5 « Avenir de l’EPS » édité par le Centre sur les JOP 2024
- N’oublions pas que c’est la marche, la course, la gymnastique, qui sont les activités les plus pratiquées par la population, lorsqu’elle pratique !↩