Emmanuelle Bonnet-Oulaldj 1 revient sur la nécessité à la fois de dénoncer tout ce qui porte atteinte à l’humain, tout en préservant le principe de rencontres humanistes et pacifistes.
Article issu du Dossier n°5 édité par le Centre sur les JOP 2024.
Anthropocène, montée des idées de l’extrême droite, augmentation des inégalités sociales, l’Ukraine et Gaza sous les bombes. Autant de crises écologique, démocratique, sociale, économique et géopolitique qui impactent le sport, la vie associative et évidemment les grands événements sportifs, à commencer par les Jeux olympiques et paralympiques. Doit-on y renoncer, doit-on les dénoncer, doit on contribuer à un nouveau modèle, doit on s’appuyer sur ces événements pour construire un héritage au service de la population ? Les débats sont nombreux et traversent toutes les organisations, à commencer par la FSGT et l’ensemble du mouvement sportif. La candidature de la France aux Jeux Olympiques et paralympiques d’hiver de 2030, dans un contexte où le réchauffement climatique n’est plus à démontrer, n’a d’ailleurs bénéficié d’aucun débat, ni d’aucun vote au sein du mouvement sportif, ni des conseils régionaux concernés.
Dans l’Humanité du 11 février 2024 et dans le numéro spécial sport de Politis à paraître en avril, la question de l’avenir des Jeux olympiques et paralympiques m’a été posée. Alors, j’ai osé le parti pris. Celui de dire que l’humanité à l’échelle de la planète Monde a besoin de rencontres fraternelles, humanistes, pacifistes.
… l’humanité à l’échelle de la planète Monde a besoin de rencontres fraternelles, humanistes, pacifistes.
Et que le sport, parce qu’il engage les corps, parce qu’il est une source exceptionnelle d’émancipation quand les contenus sont adaptés, parce qu’il produit des émotions, parce qu’il porte des cultures, est le meilleur vecteur pour créer cette rencontre. Nous l’avons vu avec la pandémie de Covid, l’être humain est avant tout un être social. Sans relation aux autres, il meurt. Alors doit-on renoncer aux Jeux olympiques et paralympiques ? Je ne pense pas. D’autant plus que la FSGT porte une partie de l’histoire de la haute performance sportive, comme partie prenante du progrès de l’être humain, de sa capacité, avec son corps et ses compétences cognitives de trouver des solutions pour mieux jouer, mieux nager, mieux courir, mieux glisser. Doit-on les dénoncer ? Je pense qu’il faut dénoncer les orientations sécuritaires, capitalistes voir écocides de l’évolution des Jeux olympiques et paralympiques, qui ont provoqué ces dernières années des catastrophes, sociales, écologiques et économiques.
… il faut dénoncer les orientations sécuritaires, capitalistes voir écocides de l’évolution des Jeux olympiques et paralympiques, qui ont provoqué ces dernières années des catastrophes, sociales, écologiques et économiques.
Peut-on contribuer à un nouveau modèle et à des héritages durables, positifs, pour les populations ? La réponse serait plutôt oui, même s’il serait hypocrite de dire qu’un événement sportif international, peut-être, aujourd’hui, durable sur le plan écologique, ne serait-ce qu’avec le bilan carbone du déplacement des délégations. À l’heure où la viabilité de la planète est posée, c’est une vraie question. Mais doit-on pour autant décider d’un repli sur soi, qui ne profite qu’à alimenter les replis identitaires et extrémistes ?
Dans les faits et l’histoire en atteste, les Jeux olympiques et paralympiques sont à l’image de ce que les gouvernements veulent bien en faire. Quand on est dans un pays où la ligne directrice est l’économie libérale et les politiques publiques d’austérité, il est difficile de s’attendre à un miracle sur l’héritage en matière de politique sportive. S’il faut reconnaître que Paris 2024 a permis des avancées en réduisant par deux le bilan carbone, en mettant en place une charte sociale et que le Ministère des sports et des jeux olympiques, l’Agence nationale du sport et les collectivités territoriales se sont appuyés sur Paris 2024 pour opérer un rattrapage des équipements sportifs, de financer des rénovations énergétiques, il n’en demeure pas moins que les territoires le plus carencés sont toujours très en retard, que les inégalités d’accès au sport se renforcent au gré des inégalités sociales et que le maitre mot de la campagne pour le sport comme Grande cause nationale se réduit à un mot : « Bouger ».
… le maitre mot de la campagne pour le sport comme Grande cause nationale se réduit à un mot : « Bouger »
Alors que l’Éducation physique et sportive, parce qu’elle est un passage obligé pour les filles et les garçons dès le plus jeune âge et parce qu’elle engage des apprentissages cognitifs et culturels, devrait être au cœur d’une politique ambitieuse, elle est négligée au profit d’une visée hygiéniste du sport et des activités physiques. Si la lutte contre la sédentarité et les écrans relève d’un enjeu nécessaire de santé publique, les savoirs moteurs et cognitifs fondamentaux de l’EPS ainsi que les liens sociaux et les innovations que produisent la vie associative engagent les politiques publiques éducatives et sportives.
Demain, plus que jamais, nous aurons besoin de solidarité. L’école publique à travers ses enseignant·es, élèves et parents, comme les associations sportives constituent ces espaces d’entraide. Chaque semaine, sur chaque territoire, dans la proximité avec les habitant·es et parfois même dans le cadre de projets internationaux comme c’est le cas de la FSGT avec la Palestine, elles innovent, elles résistent, elles construisent des alternatives. Alors, si nous pensons que les JOP doivent avoir un avenir, décidons qu’une alternative progressiste est possible. Nous avons besoin de débats et d’espaces où construire avec la population ce que doit être le modèle des JOP et des grands événements sportifs de demain, pour qu’ils puissent bénéficier à une politique sportive ambitieuse, qui investit massivement également dans la recherche, et plus largement à des politiques publiques au profit du plus grand nombre, et renouer avec les valeurs de paix, inhérentes à la charte olympique.
Texte issu du Dossier n°5 « Avenir de l’EPS » édité par le Centre sur les JOP 2024
- Co-Présidente de la FSGT↩