Après une revue des graves problèmes posés par les JOP, Patrick Roult 1 prône une réflexion éthique et réfléchie pour une « acceptabilité » des JOP dans l’avenir.
Cette notion d’acceptabilité est probablement l’un des plus grands défis auxquels le CIO va devoir faire face dans les prochaines décennies
Les Jeux Olympiques, symbole mondial de l’unité sportive et de la compétition amicale, suscitent tantôt une indifférence résignée de la population, tantôt des débats passionnés quant à leur organisation et leurs impacts. Au-delà de l’effervescence médiatique et de l’engouement populaire relatif en amont mais bien réel lors des JO, cet événement d’envergure internationale est la cible de nombreuses critiques, touchant des aspects économiques, environnementaux et sociaux, y compris et de plus en plus fréquemment des remises en cause des atteintes à la liberté individuelle sous couvert de sécurité. Ces critiques reflètent les défis complexes auxquels sont confrontés les organisateurs et la nécessité d’une réflexion approfondie pour concilier la grandeur des Jeux avec leurs implications potentiellement négatives.
Critiques économiques
L’une des critiques les plus fréquentes concerne les coûts exorbitants associés à l’organisation des Jeux Olympiques. Les villes hôtes doivent investir massivement dans la construction d’infrastructures sportives, de logements pour les athlètes, ainsi que dans la sécurité et la logistique de l’événement. Ces dépenses astronomiques peuvent souvent dépasser largement les budgets initiaux prévus, laissant les contribuables locaux avec des dettes importantes après la fin des Jeux. On se souvient que les Jeux Olympiques qui se sont tenus à Montréal en 1976 ont occasionné une dette qui ne s’est apurée qu’en 2007.
De plus, les bénéfices économiques attendus, tels que le tourisme accru et les retombées commerciales, ne se concrétisent pas toujours comme prévu, les organisateurs surestimant généralement les retombées. Les effets à long terme sur l’économie locale sont souvent moins positifs qu’anticipés, tandis que certains secteurs comme le logement et les transports peuvent être perturbés pour les résidents locaux.
Critiques environnementales
Les Jeux Olympiques nécessitent une quantité considérable de ressources naturelles et génèrent d’importantes émissions de gaz à effet de serre. La construction d’infrastructures sportives mais également du village olympique ne sont de fait pas neutres, loin s’en faut et ce, quand bien même des efforts sont faits, JO après JO, pour essayer d’être le plus sobre possible. De plus, l’afflux massif de visiteurs et les activités associées augmentent la pression sur les ressources locales et contribuent à l’empreinte écologique de l’événement. Une grande partie des spectateurs attendus du monde entier viendront en avion…
Malgré les efforts pour promouvoir la durabilité et réduire l’impact environnemental des Jeux, ces mesures restent insuffisantes pour compenser les dommages écologiques causés par l’organisation de l’événement.
Atteintes aux libertés
Un autre sujet de préoccupation concerne les atteintes potentielles aux libertés et aux droits individuels lors des Jeux Olympiques. Les autorités des pays hôtes sont souvent critiquées pour leur répression des manifestations et des voix dissidentes pendant la période des Jeux, invoquant des raisons de sécurité et de préservation de l’ordre public. Les restrictions sur la liberté d’expression, de réunion et de mouvement peuvent soulever des préoccupations quant au respect des droits fondamentaux pendant cet événement international.
Les controverses liées aux droits des travailleurs impliqués dans la construction des infrastructures olympiques, notamment en ce qui concerne les conditions de travail, les salaires et les droits syndicaux, ont également été soulevées par diverses organisations de défense des droits de l’homme.
Perspectives pour l’avenir
Face à ces critiques multiples, les organisateurs des Jeux Olympiques sont appelés à repenser leur approche pour garantir un équilibre entre les bénéfices de l’événement et ses impacts négatifs potentiels. Cela comprend la transparence financière, la gestion responsable des ressources naturelles, la promotion des droits de l’homme et la participation des populations locales dans le processus de décision.
De plus, l’évolution des attentes sociétales en matière de durabilité, de responsabilité sociale et de respect des droits humains exige une révision constante des pratiques entourant les Jeux Olympiques. Les partenariats avec des organisations et des experts spécialisés peuvent aider à intégrer ces préoccupations de manière efficace et durable dans la planification et l’organisation des événements sportifs mondiaux.
Les critiques adressées aux Jeux Olympiques, qu’elles soient économiques, environnementales ou relatives aux droits de l’homme et au respect des libertés individuelles, soulignent la nécessité d’une approche réfléchie et éthique pour permettre de maintenir un niveau d’acceptabilité dans les populations.
On l’a vu à plusieurs reprises, des consultations populaires se sont soldées dans plusieurs pays par un abandon des candidatures à l’organisation des Jeux Olympiques, au point que le CIO est aujourd’hui soupçonné de favoriser les candidatures de pays ne pratiquant pas habituellement ce type de consultations populaires.
Cette notion d’acceptabilité est probablement l’un des plus grands défis auxquels le CIO va devoir faire face dans les prochaines décennies.
Le concept de performance, glorifié par les Jeux Olympiques et habituellement présenté comme modèle d’épanouissement individuel et comme objectif collectif tend à s’estomper dans notre monde où la performance de quelques-uns, à grand renfort de ressources, ne fait plus sens et ce, au profit d’un modèle de société bâti sur une aspiration des populations à plus de solidarité et donc de partage des ressources pour durer collectivement.Si le sportif de haut niveau, sorte d’avant-garde de l’espèce humaine, repoussant les limites des capacités physiques a pu être identifié depuis le XIXe siècle, à un modèle universel, Paul Virilio évoquant d’ailleurs le sport comme ayant toujours été la propagande du progrès ; aujourd’hui les imaginaires du progrès se recentrent sur l’idée de robustesse collective en opposition à la performance individuelle, comme voie de construction d’une société en phase avec les défis qui nous font face.
Texte issu du Dossier n°5 « Avenir de l’EPS » édité par le Centre sur les JOP 2024
- Chef du Pôle Haut niveau, Direction de la politique sportive, INSEP↩