Cirque : Je suis le tarzan de 2070

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Elie, 20 ans, apprenti de l’académie, trapéziste volant et ballant (volant avec
un partenaire et un filet de sécurité, ballant seul avec une ceinture de sécurité).

Par quoi faut-il commencer pour devenir circassien?

C’est un univers à mille facettes. On peut passer par les écoles, nombreuses dans le monde, ou par des voies plus indirectes qui concernent tout ce qui touche au monde du spectacle: la régie, les costumes, le plateau, la musique, la lumière… ce qui est sûr c’est qu’il faut s’investir totalement. Il y faut une passion sans doute qui facilite une rigueur indispensable de tous les jours. C’est ce qui m’habite, j’ai fait un « bac arts du cirque » et ce monde m’a accueilli ! La vie devient alors une oeuvre d’art: du montage du chapiteau à la vie en roulotte, un univers poétique qui fait le cirque et qui a un peu tendance à perdre quelques-uns de ses codes et de ses valeurs.
Au plan du contenu, chacun a sa spécialité dont il va faire une production artistique et ça, c’est comme les personnages de la Comédia Del Arte, c’est une longue construction: il y a au départ un canevas, un scénario qui va s’enrichir avec l’entraînement et la maturité.

Quelle est la part du sport dans cette démarche ?

La performance sportive on aime tous ça ! En Chine, en Russie c’est ce qui fait la force de leur cirque: quand ici on fait un double(salto) eux ils en font quatre; ils s’entraînent avec des entraineurs du haut niveau, moi si je veux me former à ce niveau je vais voir ceux qui font de la voltige en cross ou en fauteuil, mais n’oublions pas que dans la prouesse il y a de la prise de risque, de la recherche d’équilibre, mais aussi de la beauté, de la fluidité…Dans certains spectacles d’aujourd’hui une tendance un peu intello risque de nous éloigner du côté populaire du cirque et d’en faire quelque chose qui pourrait devenir élitiste ce sont ces dimensions que l’on va peut-être davantage valoriser, l’ouverture au monde sensible qui sont peut-être un peu plus élitistes ?

On dit que l’art est subversif, est-ce que c’est quelque chose qui te concerne et quel sens ça prend dans ton travail?

L’artiste se doit d’amener un point de vue autre, il doit servir d’exorcisme, de catharsis…Je suis dans le cirque à fond parce qu’il apporte de l’humanité, du contact; il est un moyen de dire ce qui ne te convient pas, un moyen d’appeler les gens, à les éveiller. Je travaille sur tout ce qui est corrosif: dans mon prochain spectacle qui est une ébauche, je suis peint en vert, je suis le tarzan de 2070, je meuble l’espace avec des lianes techno, j’ai du texte et je fais du trapèze. J’appelle à la désobéissance civique et j’assume totalement le message !

Qu’est-ce qui t’apporte le plus dans cette formation?

C’est la rencontre avec les personnes, de belles personnes, simples, humbles, curieuses, généreuses, chaleureuses, des gens avec qui on peut communiquer et pas seulement avec la parole, très libres: on rigole beaucoup et parfois ça décoiffe mais tout le temps dans la simplicité. Il y a beaucoup de spontanéité dans les rapports humains: l’autre jour on a fait semblant de jouer avec une balle imaginaire sur le quai du métro, des gens étaient là assis et nous regardaient, on les a associés…

Cet article est paru dans Contre Pied – C’est quoi ce cirque ? – Hors-série n°3 – mai 2012