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Contribution signée Séverine Bertrand, Lycée de Corbeil en collaboration avec Erick Vera, retraité

Je n’ai pas l’intention, ni la prétention de vouloir inventer l’Education Physique et Sportive de demain mais plutôt de rapporter le fruit des réflexions et du travail de terrain de plusieurs générations de collègues dans un établissement donné, celui où j’enseigne depuis 16 ans. Je souhaitais témoigner de l’EPS que j’ai expérimentée au lycée de Corbeil-Essonnes (91), une EPS qui pourrait être une belle et forte source d’inspiration pour l’EPS de demain…

Plus d’heures d’EPS dans l’emploi du temps des élèves.

Au lycée de Corbeil, les élèves de seconde n’avaient pas deux mais trois heures d’EPS par semaine. Cette heure supplémentaire permettait aux élèves d’avoir deux créneaux hebdomadaires. Nous les voyions deux fois par semaine et avions le temps pour de réels d’apprentissage. Ces conditions à la fois exceptionnelles et légitimes pour une formation de qualité nous permettaient de programmer un éventail plutôt large de 6 APSA tout en menant dans chacune d’elles des cycles suffisamment longs, indispensables aux progrès des élèves.

Un choix d’APSA engagé, ambitieux et la recherche de la réussite de toutes et tous.

Les APSA étaient choisies en fonction de leurs caractéristiques profondes, de leurs logiques culturelles, de ce qui les rendaient authentiques. Dans mon lycée, on ne parlait absolument pas de « champs d’apprentissage », dénomination large, fourre-tout et qui n’a aucun sens. Les élèves étaient plutôt confrontés à des APSA très diverses dont le but était de leur faire vivre des expériences de nature différente.
On ne parlait pas non plus d’AFL2 ou 3 artificielles. Il y avait plutôt une recherche et des discussions permanentes en équipe pour déterminer les incontournables, ce que tous les élèves devaient
atteindre par niveau de classe et dans chaque activité. Ce qui nous guidait dans notre travail et nous réunissait était l’acquisition et la maitrise chez nos élèves de ce que nous définissions comme indispensables à savoir et faire dans chaque APSA.
Par exemple, au lycée de Corbeil, l’objectif en escalade, pour tous les élèves de seconde, était d’atteindre le sommet d’une voie en tête. Ce choix était le gage d’une recherche et de l’atteinte de l’autonomie et d’une gestion authentique de la prise de risque, éléments inhérents à la logique même de cette activité.

Des évènements collectifs « exceptionnels » pour une citoyenneté en actes qui a du sens.

L’EPS au lycée de Corbeil organisait aussi des temps forts qui rythmaient l’année scolaire, des rassemblements authentiques où tous les élèves vivaient de grands moments artistiques et sportifs. Nos APSA étaient des outils si précieux et évidents pour construire de tels moments. Trois grands évènements réunissaient l’ensemble du lycée : un bal avec des danses collectives, une course humanitaire et une grande soirée qui finalisait un projet autour de l’intégration de jeunes handicapés dans les cours d’EPS. Tous ces moments étaient préparés en amont, avec les élèves, pendant les cours d’EPS.
A chaque fois, 1 400 élèves étaient concernés par ces évènements. Par les apprentissages qu’ils nécessitaient, ils étaient l’occasion de construire des liens entre les élèves, entre les classes, sur l’ensemble du lycée. Parce qu’ils vivaient et partageaient des expériences, les élèves devenaient plus capables de s’ouvrir au monde et aux autres. Ces projets étaient des réponses à de vrais besoins de société (montée de l’individualisme, du repli sur soi, du communautarisme…). Ces temps forts avaient du sens parce qu’ils étaient authentiques et ils laissaient de véritables traces chez nos élèves. De réels apprentissages étaient réalisés où la dimension totale de l’individu était mise en jeu (physique, psychologique, émotionnelle et sociale). Ces évènements étaient toujours à grande échelle, sur un temp long pour pouvoir les réussir et transformer vraiment nos jeunes.

Et maintenant…

Aujourd’hui, tout ce que j’écris n’appartient-il qu’au passé ? En effet, aujourd’hui, l’EPS, « mon EPS » me rend bien triste car nous n’avons plus les moyens de mettre en place tous ces projets ambitieux et émancipateurs pour les élèves dans mon lycée.

Dans mon établissement, depuis deux ans, les politiques de réduction de la dépense publique (avec entre autres la baisse des DGH) et la réforme des lycées ont été des rouleaux compresseurs qui ont fait exploser plus de 40 ans de travail collectif et de savoir-faire pédagogiques dont les résultats sur le terrain étaient pourtant reconnus par toute la communauté éducative.
Il n’y a plus 3 heures d’EPS pour les classes de seconde au lycée de Corbeil…le Bal et tous les temps forts collectifs n’existent plus.
Tout cela ne restera-t-il qu’une expérimentation appartenant à un temps révolu ? Cela ne tient qu’à nous…

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