Contribution signée Maxime SCOTTI, Professeur en REP au collège Paul Eluard de Bonneuil-sur-Marne.
Ne pas sombrer dans la recherche incessante d’une légitimité scolaire comme signature d’une discipline victime d’elle-même…
Avec les 2S2C, l’heure des questionnements existentiels est arrivée. Comment l’EPS doit-elle s’appeler ? Que doit-on faire en EPS ? Comment repenser la formation ? Comment faire exister la discipline au sein d’un établissement ? Si certaines de ces questions doivent être posées, et elles l’ont été à l’occasion des Assises Nationales, il est cependant important d’en tracer les contours pour ne pas sombrer dans la recherche incessante d’une légitimité scolaire comme signature d’une discipline victime d’elle-même.
EP…S comme santé ?
L’une des propositions avancées pour distinguer la discipline du mouvement sportif et lui offrir plus de lisibilité serait de remplacer le ‘S’ par Santé, affichant ainsi la finalité qui semble être la plus prégnante aujourd’hui. Cependant ce choix qui cherche sa pertinence dans l’instant en oublie l’évolution certaine de la société et ses enjeux, de l’école et ses problématiques, de la discipline et son utilité scolaire.
En effet, si les problématiques sanitaires apparaissent comme prioritaires dans le paysage contemporain, qu’en sera-t-il demain lorsqu’elles auront cédé leur place à de nouvelles relevant davantage de la citoyenneté, de la laïcité ou d’autres encore ? Devra-t-on de nouveau questionner le nom de notre discipline ? Peut-on réellement compter là-dessus pour favoriser la lisibilité ? Donc non, une discipline ne peut arborer en son nom les finalités qu’elle porte au risque de devenir rapidement obsolète.
EP…S comme scolaire ?
Une seconde proposition voudrait une Éducation Physique Scolaire. Surprenant ? Oui et non.
Non, car une fois de plus il s’agit de créer les conditions de son illégitimité scolaire sous couvert de vouloir pleinement asseoir la discipline dans le paysage éducatif. Comme si elle ne l’était pas déjà.
Oui, car la redondance est frappante et malvenue. Les Mathématiques n’ont pas besoin de s’appeler Mathématiques Scolaires pour se distinguer des Mathématiques universitaires. Au même titre que l’Histoire ou la Géographie n’ont pas besoin d’être qualifiés de ‘scolaire’ pour se distinguer de l’activité des historiens et des géographes. Le caractère scolaire d’une discipline se traduit par le travail de didactisation des enseignants sur l’objet culturel qu’ils manipulent pour répondre à des problématiques qui touchent le système éducatif. L’EPS devient scolaire dès lors qu’elle s’inscrit dans les programmes d’enseignement. Nul besoin de le rappeler.
EP…Sportive comme objet culturel
Finalement, qu’y a-t-il de vraiment choquant à entendre élèves et parents dire qu’en EPS il est fait du sport ? Que font-ils lorsqu’ils pratiquent badminton, handball, athlétisme ou judo ? Du sport ! Pourquoi en rougir ? Le professeur de Mathématiques s’inquiète-t-il d’entendre les élèves dire qu’ils « font des maths » alors qu’il met tout en œuvre pour transposer ce savoir savant en un savoir scolaire répondant à des enjeux éducatifs qui dépassent la simple maitrise de ces connaissances ?
Si la confusion entre EPS et Sport est si prégnante c’est parce qu’effectivement les élèves vivent les activités sportives durant leur scolarité. La force des enseignants d’EPS ne doit pas se traduire par une fuite de l’objet culturel qu’ils portent mais par une mise en valeur de leurs compétences pédagogiques et didactiques qui légitiment notre discipline dans le paysage scolaire et qui la distinguent de sa pratique culturelle de référence.
A force de vouloir se distinguer, le risque est de se perdre et de ne plus exister. Recentrons-nous donc sur nos qualités plutôt que de fuir nos prétendues faiblesses.
Au-delà du nom
L’important n’est pas de requestionner indéfiniment l’objet culturel mobilisé mais les raisons pour lesquelles nous le mobilisons.
L’important n’est pas de requestionner indéfiniment l’objet culturel mobilisé mais les raisons pour lesquelles nous le mobilisons … Recentrons-nous donc sur nos qualités plutôt que de fuir nos prétendues faiblesses.
A continuer de débattre indéfiniment sur son nom plutôt que sur son opérationnalisation la montagne risque d’accoucher d’une souris. Changer d’appellation n’aura certainement pas pour effet d’impacter la réalité du terrain. Dès lors, La question que tout le monde doit se poser relève davantage de notre capacité à nous organiser collectivement, dans nos pratiques, pour répondre à des problématiques de plus en plus nombreuses et complexes. Il s’agit de penser aux conditions de notre adaptativité pour tendre vers une réactivité pédagogique et didactique. Le contexte sanitaire lié au COVID en a révélé l’impériale nécessité.
Les débats qu’on suscité un tel sujet souligne le décalage entre une EPS des ‘bienpensants’ discutant sur des éléments de détail et une EPS des ‘bienfaisants’ confrontés au quotidien à l’urgence du terrain et souvent distant de ce genre de préoccupations. L’EPS doit se réorganiser afin de permettre à chacun de se sentir investi de la nécessité absolue de penser la discipline pour lui permettre d’évoluer de manière pertinente en se confrontant à ce qu’est l’EPS dans toutes ses réalités