Pour une éducation physique et sportive résolument scolaire

Temps de lecture : 4 mn.

Contribution signée Guillaume Dietsch, Serge Durali, Loïc Le Meur, Agrégés d’EPS.


« L’élève fait du sport avec un prof de gym qui dit faire de l’EPS. Pour les parents il fait apprendre le sport mais il n’est pas professeur de sport car très différent des entraîneurs »
Alain Hébrard résume parfaitement le manque de lisibilité de notre discipline et les dilemmes qu’elle suscite dans la construction d’une carte d’identité qui serait transparente pour les acteurs, le politique, les élèves qui la pratiquent et leurs parents.
Force est de constater qu’en diluant le fond et la forme, en ne clarifiant jamais ce qui s’enseigne, en voulant enseigner un panel de savoirs, savoirs faire et savoir être extrêmement nombreux et complexes, notre discipline a créé une véritable opacité autour de ses ambitions affichées, dont certains diraient qu’à force de vouloir tout enseigner on y perd en identité et lisibilité ce que l’on y gagne en légitimité scolaire.

Cette absence de clarification explicite des objets d’étude participe certainement de la construction de l’éternel débutant en EPS en éclatant de fait l’idée de culture commune à vivre.

il est temps de se donner la peine de rendre plus lisible l’EPS de demain, en clarifiant notamment les rapports que notre discipline entretient ou non avec le sport et en dépassant les clivages des conceptions naturaliste et culturaliste, plus assez en phase aux évolutions sociétales et aux aspirations des élèves


Il n’en demeure pas moins qu’il est temps de se donner la peine de rendre plus lisible l’EPS de demain, en clarifiant notamment les rapports que notre discipline entretient ou non avec le sport et en dépassant les clivages des conceptions naturaliste et culturaliste, plus assez en phase aux évolutions sociétales et aux aspirations des élèves. C’est un enjeu capital si l’on ne souhaite pas que des aberrations comme le 2S2C ou le « bouger trente minutes » deviennent pérennes aux yeux du grand public et du politique car les confusions et amalgames sont légions entre sport et EPS. Nous nous opposons donc à une vision d’un sport éducatif par nature et par essence, telle que la sous-tend actuellement le Ministre de l’EN actuel.
Nous postulons donc que l’EPS est par essence scolaire puisqu’elle participe de manière explicite au projet sociétal de formation des futurs citoyens en pensant dans le contexte social de la classe des formes de pratique scolaire mettant en œuvre dans et par l’action le projet politique d’éducation globale.

Dans une société marquée par le paradoxe d’un repli sur soi mais dont les compétences sociales sont au cœur des exigences de la vie active et professionnelle, il est urgent de connecter les compétences sociales recherchées aux choix de formes scolaires de pratique permettant de les construire. Nous y voyons ici une opportunité pour faire des pratiques coopératives et collaboratives une véritable porte d’entrée de structuration des formes de pratique scolaire pour que chaque élève construise un rapport positif à l’activité physique en vue d’un futur réinvestissement.
Débattre, s’entraider, conseiller, travailler en équipe, accepter des critiques, se mettre en projet sont ainsi des compétences qui peuvent être au cœur des démarches didactiques tout en étant un moyen d’amélioration des capacités motrices et une finalité de formation orientée vers les exigences de notre société. C’est certainement une vision très utilitariste de notre discipline, mais comment imaginer une discipline d’enseignement qui ne serait pas orientée vers la construction du futur citoyen ?

Comment imaginer une discipline d’enseignement qui ne serait pas orientée vers la construction du futur citoyen ? Pour autant cette vision sociale de notre discipline ne doit pas supplanter son objet central d’étude : celui de la construction polyvalente de l’usage du corps en articulation à l’accès culturel des pratiques physique, sportive, artistique et d’entretien

Pour autant cette vision sociale de notre discipline ne doit pas supplanter son objet central d’étude : celui de la construction polyvalente de l’usage du corps en articulation à l’accès culturel des pratiques physique, sportive, artistique et d’entretien. Évidemment, cette EPS ne peut se situer qu’au carrefour des enjeux de notre société contemporaine.
Il s’agit donc de penser de prime abord au pratiquant plus qu’à la pratique car il nous semble illusoire de faire abstraction des évolutions sociologiques de nos élèves.

penser de prime abord au pratiquant plus qu’à la pratique car il nous semble illusoire de faire abstraction des évolutions sociologiques de nos élèves

Il est temps de prendre en compte les attentes émergentes de notre jeunesse au risque de manquer un pari sur l’avenir : faire que chaque individu parce qu’il prend du plaisir dans les activités proposées, modifie les propres usages de son corps et en tire des bénéfices sur sa santé.
En ce sens nous pensons que les pratiques de développement et d’entretien de soi sont tout à fait légitimes en EPS, loin des poncifs les renvoyant à une marchandisation du corps ou à une forme
d’occupation ludique du temps scolaire.
Notre propos n’est pas contradictoire avec l’idée qu’il est essentiel de conserver une forme de culture patrimoniale mais l’EPS ne peut pas se résumer à cette dernière. Nous sommes ainsi sur une
vision plus ouverte de la culture en pensant qu’elle ne peut être déconnectée et désincarnée des individus qui la font évoluer.

L’EPS devrait donc à notre sens se définir au travers d’une double exigence : les APSA et le Corps comme objets d’étude de la discipline.
Nous pensons ainsi qu’il est possible de trouver une voie médiane permettant de concilier l’indispensable transmission culturelle et l’impérative amélioration de la motricité globale de l’élève dans une EPS parvenant à faire le lien effectif entre les deux, dans une logique de lisibilité pour tous les acteurs.

Cela ne sera possible que dans une volonté de réduire quantitativement les objets de savoir à enseigner dans le déroulement du cursus de l’élève et à les afficher de manière lisible et concrète pour tous les acteurs

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