Sébastien Armengol est photographe et circassien. Quelques unes de ses photos sont présentées dans le numéro. Pour lui, les photos ne sont pas seulement des photos, mais aussi un voyage, un poème, un bout de spectacle, un moment capturé qui va au-delà du moment lui-même. Le cirque permet tout cela.
Qu’est ce qui t’as porté vers ce mariage artistique, cirque et photographie ?
En fait j’ai commencé par la photo. J’en fais depuis l’âge de 16 ans et c’est mon grand-père qui m’a transmis cette passion. J’ai été très attiré par la photo de spectacle. A l’époque je faisais une classe théâtre au lycée. C’est un peu comme ça que ça a commencé.
Parallèlement j’ai cheminé de la gymnastique à la danse puis à la musique. Et j’ai découvert le cirque contemporain, qui est un art qui mélange tous les matériaux visuels, corporels… c’est un art hybride qui, pour cette raison probablement, m’a très vite passionné.
Un jour j’ai vu le livre d’un photographe, Philippe Cibille (connu notamment pour ses photos du cirque des « Arts sauts ») et ça m’a donné envie. Pour ma formation j’avais alors deux possibilités : soit faire une école de photo, soit une école de cirque. J’ai choisi le cirque (5 ans de formation à l’Ecole Nationale des Arts du cirque de Rosny sous-bois et de Chalons-en-Champagne). Ce qui est étonnant c’est qu’avec mon frère, qui est aussi présent dans cette revue, on a la même passion. Lui a choisi la pédagogie, moi la pratique. On suit le même fil, mais avec des chemins différents.
Et voilà je suis acrobate et photographe. Mais mon activité principale est le cirque. C’est ce qui me fait vivre : je suis intermittent du spectacle. Sans ce statut, rien ne serait possible. Je le dis pour sensibiliser les gens qui connaissent peu ce problème : pour faire du cirque, il faut beaucoup s’entrainer. Pendant ces heures de travail, on n’est pas payé. Sans le statut d’intermittent, on ne pourrait pas tenir…
Qu’y a t-il d’intéressant à mettre en image dans le cirque ?
Le cirque est un incroyable terrain de jeu pour la prise de vue : les angles, les corps, les vols… tout est prétexte à une image originale. Comme je suis acrobate, lorsque je photographie un envol par exemple, mon corps sait à quel moment déclencher. L’expérience corporelle me permet de sentir le bon moment. Et puis il y a la vie autour. J’ai choisi aussi le cirque pour ça, la vie nomade, l’idée du voyage, le changement. Je vis dans une caravane depuis 7 ans, la vie d’une troupe est quelque chose de passionnant. J’ai aussi voulu dans mes photos rendre compte de cela.
Justement on peut voir deux genres dans tes photos : le côté « reportage » et puis des photos qui ont été composées, avec une idée de figures de cirques transposées dans un lieu particulier…
Lorsque j’étais en formation, j’ai demandé à ceux qui étaient avec moi de proposer un lieu insolite pour se mettre en scène. On a travaillé et ça a donné cette série avec quelqu’un dans une barque dans un arbre, une fille allongée sur un fil au dessus d’un cours d’eau… On ne s’en rend pas compte, mais elle est restée 2 heures sur le fil (voir page suivante), il valait mieux ne pas tomber ! J’ai appelé cette série de photos « 13 mètre de diamètre » pour la sélection de 13 images de 1m carré, en rapport avec le diamètre d’une piste traditionnelle de cirque, elles sont tirées sur des bâches (en rapport à la toile de chapiteau) et s’accrochent et se décrochent aussi rapidement qu’un cirque à peine démonté a déjà repris la route…
L’autre exposition, « Tes yeux ont l’avantage d’être deux », est différente. C’est une série de diptyques que j’ai travaillés en collaboration avec une poétesse (Emilie Bonnafous) qui a mis des mots sur mes images. On a choisi ensemble ces photos et ces mots qui sont autant de titres insolites : « Mouette, mouette, mouette, me voilà ! Tant qu’il y en aura… » ou « Il s’y envoie et il aime ça, l’air de rien, sans trébucher »… C’est tout cela qui m’intéresse finalement dans ce que je fais, convoquer de multiples arts, travailler avec d’autres artistes. Les photos ne sont pas seulement des photos, mais aussi un voyage, un poème, un bout de spectacle, un moment capturé qui va au-delà du moment lui-même. Le cirque permet tout cela.
Des projets ?
Continuer à exploiter cette source d’inspiration. Mais d’une autre manière peut-être. Continuer à travailler avec Emilie (poétesse, clown…), et intégrer probablement un musicien pour développer l’idée de « carnets de voyage ». Un spectacle-installation à partir des photos qui pourraient être imprimées sur des grandes bâches, des rideaux, des transparents… un support original, la musique en plus, le clown, l’acrobatie, le chapiteau, la caravane, la proximité avec le spectacteur… Au fond toujours la même histoire : mêler les différents arts.
Mais aussi continuer à tourner notre spectacle « Risque zérO » avec la compagnie Galapiat-cirque, sous notre chapiteau, avec nos caravanes et toujours un public proche et grandissant.
Pour en savoir plus :
www.galapiat-cirque.fr
http://www.flickr.com/photos/sebarmengol/sets/
Cet article est paru dans Contrepied – C’est quoi ce cirque ? – Hors-série n°3 – mai 2012