Femmes et sport : l’autre regard du cinéma !

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Entre clichés généralisateurs sur les sportives surdimensionnées, lanceuses de disque ou nageuses et gros plans graveleux, des médias se caractérisent par un regard douteux sur les femmes dans le sport. Heureusement de plus en plus de cinéastes abordent la relation des femmes au sport sous l’angle beaucoup plus intéressant de leur émancipation, en se donnant les moyens de la crédibilité.
Si certains stéréotypes subsistent, les héroïnes apparaissent pour ce qu’elles sont : des femmes en quête de désirs et de réalisation.

Dans Joue-là comme Beckham la réalisatrice anglaise d’origine indienne Gurinder Chadha, jongle entre passion du foot et préjugés sur la féminité des footballeuses. Et comme elle le dit si bien : « Nous (les femmes) pouvons voir notre objectif, mais, au lieu d’avancer droit vers lui (comme Beckham vers le but) nous devons aussi slalomer entre les règles pour obtenir ce que nous voulons ! » Et pour donner davantage de poids à son propos, elle recrute un coach pour entrainer ses actrices afin d’assurer la vraisemblance des scènes de foot !

La scénariste américaine Jessica Bendiger, au passé de gymnaste professionnelle, après l’univers version sportive des « pom-pom girls » dans American girls, nous amène à voir, dans Stick it , comment performances et exigences que réalise et s’impose l’héroïne gymnaste vont de pair avec un certain esprit de rébellion et avec la nécessité de trouver sa place dans la société. Si le scénario prône l’émancipation d’une adolescente, le rôle de la gymnastique ne passe pas au second plan.

Avec Bliss , de Drew Barrymore, actrice passée derrière la caméra, il y a quelque chose à voir avec le défi, faire comme les hommes, tout en « restant fidèle à elle-même ». Bliss déguisée en « punkette » fait du roller derby, sport d’équipe où un joueur doit dépasser ses adversaires en roller, dans un temps donné, sans se faire projeter au sol ni sortir de la piste ovale. En s’imposant cette pratique rompant avec son milieu, Bliss trouve là l’appartenance à une « tribu » et les moyens de sa réalisation.

Dans Million dollar baby , Clint Eastwood nous met en prise avec un véritable duel homme-femme. Portée par son histoire jalonnée d’épreuves, l’héroïne s’obstine pour convaincre le célèbre coach de l’entrainer. Emportée par son désir de monter sur le ring, elle concrétise son rêve et gagne son plus beau combat contre celui qui ne croyait pas en elle.
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Dans La ligne droite de Régis Wargnier, c’est dans le dépassement par l’athlétisme que Leïla (sortant de prison) et Yannick (venant de perdre la vue) dépassent les difficultés par la complicité et trouvent un nouvel équilibre, un moyen de se réaliser, une revanche sur l’existence.

Japhar Panahi, avec Hors jeu , nous projette dans l’univers de l’apartheid. Revendiquant leur amour du foot en entrant clandestinement dans un stade, cinq iraniennes affirment leur besoin de liberté et contestent l’absurdité des lois.

Dans la même veine, la réalisatrice saoudienne, Haifaa Al-Mansour montre dans Wajda cette jeune saoudienne qui refuse de psalmodier le Coran ce qui lui vaut d’être punie. Elle voit alors passer un vélo vert derrière une barricade qui matérialise brusquement son rêve de liberté devenant obsessionnel : faire du vélo !

Patricia Mazuy dans Sport de filles , c’est Gracieuse, écuyère, qui démissionne quand sa patronne vend le cheval d’obstacle qu’elle devait monter. L’héroïne est prête à tous les combats dans un monde sali par l’argent, pour défier ceux qui ne manquent pas de lui rappeler que dans la société et celle du dressage, elle n’est rien.

Enfin, film présenté à « un certain regard » au dernier festival de Cannes, Sarah préfère la course de Chloé Robichaud, montre cette jeune femme en construction qui, malgré les évolutions de sa vie, en revient finalement à l’essentiel pour elle : la course.
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Ce qui est intéressant dans ces films, c’est de constater les contraintes qui s’imposent à celles qui n’ont que le désir légitime d’assouvir un besoin : celui de pratiquer le sport de leur choix. Mais aussi de voir que c’est dans la pratique qu’elles trouvent à la fois les forces de vaincre les obstacles et de se réaliser pleinement comme femmes.

Cet article est paru dans Contrepied – Égalité ! – Hors-Série n°7 – Septembre 2013