Le Parabad dans tous ses états !

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Membre de l’équipe de France jeunes de badminton, David Toupé est victime d’un accident qui le rend paraplégique. Dès lors il n’aura de cesse de développer son sport pour les personnes handicapés tout en poursuivant sa trajectoire sportive autrement mais jusqu’à l’excellence, puisqu’il vient de décrocher la médaille d’or en double aux mondiaux de Dortmund.


C’est en fin de rééducation après mon accident de ski en 2003 que j’ai voulu me remettre à jouer. J’avais fait des études de kiné et je faisais partie du staff médical de la Fédération française de badminton, j’étais aussi ex joueur valide, alors, tenter de développer le badminton pour les personnes handicapées devenait à la fois logique et indispensable pour moi.

La chose n’a pas dû être facile, comment cela s’est-il passé ?

Avec un entraineur, nous nous sommes déplacés sur un tournoi international, sans y participer, et nous en sommes revenus convaincus de l’intérêt et de la nécessité de développer le Parabad en France où rien n’existait, et où il suffisait, dans un premier temps, d’importer les règles existant à l’étranger.

Parallèlement j’ai repris des études et obtenu un master d’Ingénierie de la santé spécialisé dans le handicap, à travers lequel j’ai effectué un stage à la fédération française de badminton (FFB).

A cette époque 85% des clubs étaient ignorants de la pratique pour les joueurs handicapés, mais par contre ils étaient prêts à les accueillir. En 2006, avec le DTN adjoint, nous mettons au point un plan d’action, au sein de la FFB, avec une plaquette d’information (le para badminton : pour qui ? Pourquoi ? Comment ?) à destination des clubs, des ligues et comités départementaux. La direction technique prend aussi en charge une formation de futurs entraineurs débouchant sur un diplôme d’initiateur de parabad, constituant les premières bases d’accueil du public handicapé : des connaissances théoriques et pratiques sur le handicap au plan général, ainsi que des bases d’initiation élémentaires dans des situations de jeu possibles. Mon palmarès, et mon passé me permettent de faire concevoir que l’accueil devait être d’abord celui de sportifs avant celui de handicapés et d’éviter l’amalgame parabad= pratique en fauteuil.

En effet, il existe cinq catégories de joueurs : les personnes handicapées du membre supérieur du côté non raquette, des membres inférieurs joueurs debout (grand terrain ou ½ terrain selon l’atteinte du handicap), en fauteuil avec ou sans abdos. Et puis, avec le temps et de l’énergie, malgré quelques réticences institutionnelles, le parabad prend son essor.

Quelles sont les adaptations matérielles et règlementaires pour le para badminton ?

Le parabad se joue sur le même terrain, avec le même filet, les mêmes raquettes et les mêmes règles que pour les valides. Seule une adaptation des espaces de jeu est mise en place : la pratique en fauteuil et des joueurs debout qui n’ont pas de déplacements latéraux se joue sur demi-terrain dans le sens de la longueur. Les fauteuils sont semblables à ceux utilisés au tennis ou au basket avec des roulettes anti-bascule et des dossiers parfaitement ajustés en fonction de la nature du handicap. Comme les règles sont semblables, rien ne s’oppose à des rencontres valides-handicapés sur le même terrain, elles existent d’ailleurs à l’entrainement dans les clubs, même s’il n’y en n’a pas au plan officiel. La nécessité de disposer d’une double licence (FFB et FFH, Fédération Française Handisport) ne facilite pas les choses. Mais le changement de présidence à la FFB, par contre, laisse espérer qu’au-delà du seul débouché international, les rencontres de para badminton, les rencontres mixtes valides-handicapés, vont pouvoir trouver légitimité et développement sur le territoire national.

Quelles sont les qualités fondamentales des joueur(euse)s handicapé(e)s ?

En compétition les fondamentaux sont les mêmes que pour les valides : déplacement, frappe, replacement. Mais il faut maitriser une coordination complexe entre propulsion des deux mains sur le fauteuil, avec la raquette, et libération d’une main pour la frappe. La gestuelle valide exige beaucoup de relâchement, la pratique handicap exige puissance et force pour le déplacement, relâchement et vitesse pour la frappe.

Tu viens de remporter une prestigieuse victoire en double aux paramondiaux. Pourquoi le double ? Qu’apporte- t-il d’intéressant par rapport au simple ?

Lorsque je jouais en équipe nationale « valide », j’étais spécialiste de double. Ce titre mondial en double me rappelle « mes premières amours » et est tout un symbole. C’est un vrai partage sur le court et cela me permet d’être plus exigeant dans mon jeu et pour mon partenaire. Même si la tactique de double en para badminton est totalement différente qu’en valide, notamment par le jeu d’attaque qui se traduit plus par l’utilisation des espaces adverses libres que par des smashs. Et en simple nous jouons sur demi-terrain en fauteuil ; le double nous permet donc d’utiliser des trajectoires sur la totalité du court, donc plus de perspectives, plus intéressant à mon goût!

Entretien réalisé par JPLepoix et paru dans le Contrepied Hors-Série n°8 – Badminton