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Contribution signée Sébastien Molénat, Centre EPS et Société

En clin d’œil au titre du film de Pierre Carles sur Pierre Bourdieu, le séminaire a montré que « la sociologie du sport est un combat ».

Combat autour des enjeux du développement des pratiques sociales d’activités sportives.

Preuve en est, le nombre conséquent de rapports produits ces deux dernières années sur ce sujet par diverses institutions : France Stratégie, CESE, Cour des comptes, INJEP ou d’organismes marchands : Décathlon, UCPA.

La période est foisonnante, l’analyse du phénomène social sportif a repris de la vigueur.

Préoccupation contemporaine où chacun avec son prisme tente de cerner au mieux cet objet d’étude « mouvant » et « protéiforme ».

Toute recherche par définition est orientée, on trouve que ce que l’on cherche, par conséquent le Centre EPS et Société, pour circonscrire au mieux l’étude de la pratique des activités sportives, a cherché à croiser des regards afin d’avoir plusieurs points de vue sur l’activité sportive des jeunes.

Pour nous aider, nous avons invité l’INJEP en tant qu’institut national de la statistique sur la jeunesse et l’éducation populaire, Colin Gatouillat comme chercheur sur « La pratique sportive des jeunes : évolution des préférences et raisons de l’abandon » et la FSGT comme acteur du monde du sport et qui mène en même temps une réflexion sociale.

Au traditionnel combat sur la reconnaissance du caractère scientifique de la sociologie, ici s’ajoute celui de l’objet d’étude : le sport.

Plus que tout autre objet culturel, de par son caractère « populaire » et non « savant », le sport crée une proximité et affinité sociale qui font de nous tous des « sociologues amateurs ». En effet, il y a autant de sociologues du sport que d’enseignants d’EPS, or la sociologie est un métier avec des règles professionnelles. Le risque est grand à partir de sa propre pratique culturelle d’en déduire une théorie générale. Pour éviter cet écueil naturel, davantage de mesures et de relativisme sont nécessaires. Notre objectivité collective s’est donc affinée grâce à la variété des techniques de recherche employées et exposées par les intervenants :

  • l’INJEP avec sa méthode quantitative et son appareillage statistique basé sur un nombre conséquent de données (fichiers licences sportives )
  • Colin Gatouillat et son approche ethnographique avec des entretiens menés auprès d’élèves de collège
  • La FSGT par une méthode empirique mais développée à grande échelle afin de saisir les pratiques et les demandes sociales et y apporter des réponses.

Ces études montrent que le changement de focale s’impose pour appréhender le phénomène sportif dans sa totalité et complexité. En effet, on ne voit pas les mêmes choses quand on les regarde à l’échelle d’un pays, d’un collège ou d’un club multisport.

Le Combat entre une sociologie science fondamentale et/ou science appliquée se rejoue.

En effet la sociologie a pour objectif l’ Étude scientifique des faits sociaux humains afin d’établir des règles. Comme science humaine elle se distingue des disciplines de laboratoire. Si les acteurs sociaux se saisissent des résultats produits, ils peuvent agir en connaissance sur la société. L’injep a pour mission de produire des données publiques pour aider à la décision, par exemple ils nous ont montré que l’engagement associatif sportif chez les jeunes reste très important (45% des pratiquants de 15 à 24 ans détiennent au moins une licence sportive) . Colin Gatouillat, lui, a pointé le fait que les motivations à pratiquer des élèves se distinguent de celles de l’abandon, cette non symétrie nécessite un traitement différencié. La FSGT de manière très pragmatique, dans une sorte de recherche-action,a travaillé sur la mesure des effets de règles créées pour du volleyball mixte, ou d’un Brevet Multisport Familial.

Le Combat sur l’EPS de Demain, combat collatéral à l’analyse des activités sportives.

La sociologie est souvent convoquée pour produire des arguments d’autorité à prendre en compte dans le contenu culturel de l’EPS, ex : nouvelle APSA , nouveau objectif de Santé, nouvelle forme d’organisation, prise en compte de l’E sport…
La sociologie est un puissant outil d’analyse dont nous ne pouvons nous priver, mais nous devons garder un regard critique et pluriel sur les recherches produites afin de ne pas instrumentaliser les résultats. Le concept de nouveauté, concept « tarte à la crème » pour imposer des changements à la discipline est très révélateur de ces dérives possibles.
Jean Claude PASSERON nous invite à l’interroger : « En tempérant un instant l’euphorie descriptive qui fait jaillir les “nouveautés” sportives de tous les coins de notre contemporanéité au point de parfois suffire à la définir, j’entends seulement léguer une question à qui voudra bien boucler l’analyse de toutes ces “nouveautés” culturelles. Un constat de nouveautés, cela se manie, dans les sciences sociales avec des pincettes ou avec une longue cuillère, historiens et sociologues ont vu certains d’entre eux
échaudés pour avoir voulu servir à l’état incandescent cette potion diabolique. »
(Attention aux excès de vitesse, Le « nouveau » comme concept sociologique, Revue Esprit n° 125, Le Nouvel Age du sport., 1987.p 129)

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