Pour une égalité des droits en EPS : la question socio-culturelle

Temps de lecture : 4 mn.

Contribution signée Eric DONATE, LP Alfred de Musset – Villeurbanne


« La France est devenue le pays avec l’Ecole la plus inégalitaire des pays de l’OCDE ». Ce constat posé par le CNESCO [[ Conseil National d’Evaluation du Système Scolaire, Inégalités Sociales et Migratoires,
Comment l’Ecole amplifie-t-elle les inégalités, Septembre 2016]] est illustré par Jean Paul DELAHAYE[[L’Ecole n’est pas faite pour les pauvres, Pour une École républicaine et Fraternelle,Jean-Paul DELAHAYE.]] via l’étude des résultats de PISA (2018) en compréhension écrite : « Les élèves français de 15 ans scolarisés en LGT obtiennent des résultats très supérieurs à la moyenne de l’OCDE. En revanche, les élèves scolarisés en LP ou encore au collège ont un score très inférieur »[[MEN PISA 2018, stabilité des résultats en compréhension de l’écrit, note de la DEPP, 2019]].

« Les élèves français de 15 ans scolarisés en LGT obtiennent des résultats très supérieurs à la moyenne de l’OCDE. En revanche, les élèves scolarisés en LP ou encore au collège ont un score très inférieur »

Cette tendance de fond, reconnue donc institutionnellement, épargne-t-elle l’EPS ? Quels en sont les enjeux dans notre discipline ? Quelles pistes pour restructurer, une EPS égalitaire et émancipatrice ?

Inégalités d’accès aux Pratiques Physiques Sportives et Artistiques

« Si les 2/3 des Français âgés de 15 ans et plus déclarent avoir pratiqué une activité sportive au cours des douze derniers mois […] cette moyenne cache des pratiques différenciées selon le niveau de diplôme, la CSP et le niveau de vie » : « 88 % des titulaires d’un diplôme supérieur à bac + 5 ont eu une activité sportive, contre 39 % de ceux qui ne disposent pas de diplôme » ! Plus encore, le type de pratique est également vecteur d’inégalités : « les parents orientent les choix […] vers des pratiques où les enfants se retrouveront entre milieux sociaux similaires, ce qui va influencer leur pratique à l’âge adulte. »

Glissement vers un accompagnement des inégalités : La CC5

EEn 2011, les Cahiers du Cèdre n°10, questionnent les IA.IPR EPS sur les apports « essentiels à l’EPS[[Cahiers du Cèdre n°10, La CP5 et l’apprentissage du « savoir s’entraîner physiquement » Que proposer à l’étude des élèves en EPS, 2011, article La CP5 au programme EPS des lycées, Point de vue des IA.IPR.EPS.]][de] l’apparition d’un champ culturel type CC5 dans les programmes lycées? ». A travers cette démarche, l’AEEPS confirme une tendance de fond : l’EPS bascule de l’étude de ses objets (les APSA) vers l’étude des ses finalités (Santé, par exemple).
Cette logique a pour conséquences une évolution des formes de réussites attendues, comme en témoignent les derniers référentiels nationaux Musculation Baccalauréat GT [[Bulletin officiel n° 25 du 21-6-2018, Fiche musculation, CP5 niveau 4.]].

La partie Analyser (3 points) exige au niveau maximal « des justifications pouvant se référer à des connaissances acquises en dehors du cours », contre pour le niveau moyen des justifications par des « connaissances générales de l’entraînement abordées en cours ». L’EPS dans ce contexte de forte inégalité d’accès aux PPSA, vient donc en CA5 explicitement entériner cette question de reproduction des inégalités sociales en valorisant les savoirs acquis hors champ scolaire.

Glissement vers une accentuation des inégalités sociales

Actuellement, cette tendance de fond s’affirme plus encore.
Tandis que le programme LGT pose « une liste nationale d’APSA », explicitant ainsi l’exigence d’incontournables (culturels à notre sens) au profit d’élèves ayant déjà une pratique hors EPS dense et élargie, le programme LP ne prévoit pas « a priori de liste d’APSA »… laissant aux équipes pédagogiques « l’initiative du choix d’APSA », pour ces élèves déjà déficitaires en termes de pratiques hors école.
Qui plus est, l’accent est mis du côté du LGT, en classe de 2nde sur l’engagement « dans un processus de création artistique », tandis qu’au LP, en Bac Pro, il s’agit de programmer « deux séquences au minimum » du CA5. L’orientation de « choix » de « pratiques où les enfants se retrouveront entre milieux sociaux similaires », évoquée précédemment, et influençant mécaniquement « leur pratique à l’âge adulte » s’en trouve renforcée.
Enfin, la logique de délégation au niveau local des attendus, via le projet d’EPS qui «fixe les objectifs », et via les nouveaux référentiels bac construits au niveau de chaque établissement dans le but de prendre en compte les caractéristiques du public scolaire accueilli, pose plus encore la logique d’abandon d’exigences communes indépendantes des caractéristiques des élèves accueillis.

Nous pensons qu’actuellement dans ses acceptions institutionnelles l’EPS n’échappe pas au constat posé par le CNESCO d’une «école inégalitaire ». La question des programmes et des référentiels d’examens, fixant des exigences nationales, doit être saisie par la profession. Il en va d’une mise en débat salutaire pour notre discipline, notre Ecole et le projet de société dont nous sommes porteurs !

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