10,00 €
Il est presque osé de comparer les faits que chaque individu, après sa naissance, en 20 mois sache marcher et que parfois il lui faut tout une vie pour ne pas savoir nager ! Tel est le statut de l’humain qui a tout à apprendre des créations des générations antérieures. C’est bien le milieu culturel qui invite ou ralentit les acquisitions, qui fait besoin. Au terme d’exigences administratives, maintes fois renouvelées, l’apprentissage de la natation s’avère très inégalitaire durant la scolarité primaire : la première étape de ce savoir n’est parfois pas maîtrisée en CM2 et la deuxième incomplètement à la fin du cycle 3. Ailleurs, les constats sont terribles ; à l’Université beaucoup trop d’étudiant·es manifestent une maîtrise inconsistante de la nage, y compris en STAPS, des non-nageurs et non-nageuses existent bel et bien.
L’explosion des inventions ludiques, performatives en matière de rapports à l’eau est telle que les inégalités se creusent et empêche tout un chacun·e d’en profiter pleinement. L’école doit être à l’initiative de toutes les audaces et mettre la natation à la hauteur à laquelle nous la plaçons, à savoir un enseignement incontournable, constitutif de l’individualité moderne. Toutes les conditions matérielles et humaines doivent être tendues dans ce sens et l’administration de l’éducation, les collectivités locales, doivent être appelées à remplir leurs responsabilités sous les exigences politiques trop souvent oublieuses des décisions nécessaires.
Nager, comme toute activité physique, demande un effort, un soin dans son apprentissage et c’est bien cela que notre revue cherche à ré-explorer. Effort de réunir toutes les conditions adéquates lorsqu’il s’agit de l’école : temps disponible, piscines ou plans d’eau, déplacements, compétences… et aussi volonté des élèves, des parents, des médecins, des élu·es. Les conditions à réunir sont telles que l’on comprend les mailles qui s’ouvrent et conduisent au résultat connu : trop de non-nageurs et non nageuses.
Apprendre à nager ? Vous verrez dans le cours de la revue que cette expression n’est pas simple à définir lorsqu’elle est pensée comme but de l’apprentissage : la constitution de la capacité à affronter, en tous lieux, toutes circonstances et tout type de performances. De façon insuffisante, l’ASNS, s’y emploie ; nous voyons bien que les noyades, l’air du temps sécuritaire, des formes de populisme aussi, guettent cette pratique.
Le pari de ce Contre Pied est clair. Réinjecter des débats, proposer des pratiques professionnelles réfléchies, nourries de connaissances scientifiques et de controverses, pour débusquer les impasses et élargir les possibles.
En clair ce que nous vous proposons c’est une mise à l’épreuve de nos options pour donner un sens à ce que nous nommons émancipation.
Jean Lafontan