Volley-ball : naissance, développement et diversification

Temps de lecture : 9 mn.

Après une revue critique de différentes modalités d’enseignement/apprentissage du volley-ball, Yvon Leziart – enseignant-chercheur à l’Université Rennes 2 – s’appuie sur une analyse des évolutions réglementaires de ce jeu collectif et des problèmes qu’il pose aux pratiquants pour montrer tout l’intérêt pédagogique de son enseignement à l’école. 

Article paru dans ContrePied HS n° 18 juin 2017

Maintenir la complexité du jeu tout en la rendant accessible.

Le volley-ball a été la discipline phare de l’éducation physique des années 1980/90. La profusion d’articles de volley-ball dans la revue EPS témoigne de l’engouement pour cette discipline. Activité de non-contact, d’élévation, elle est propice au travail commun filles et garçons. La polyvalence des joueurs représente un atout éducatif. Les constats actuels confirment l’intérêt des élèves pour cette activité. Paradoxalement les notes obtenues au bac ne sont pas très bonnes. 

Les causes de ce décalage sont multiples. Jouer au volley-ball exige des apprentissages complexes alors que les activités à apprentissage rapide, peu techniques, sont recherchées. 

Or en volley, la caractéristique majeure qui le différencie des autres sports collectifs est que chaque erreur de manipulation entraîne immédiatement la perte du point ou de l’action entreprise. Cet échec individuel devient dans l’instant un échec collectif et entraine souvent une sensation d’impossibilité de progrès, une anxiété quant à la responsabilité de l’arrêt du jeu et donc une démotivation.

De même, les difficultés liées aux trajectoires de balle rapides contraignent les élèves à demeurer statiques, n’osant pas se déplacer au risque de créer une perturbation nouvelle et de se trouver ainsi encore plus en difficulté. 

Des choix erronés

Le jeu devrait être précédé par un apport technique initial conséquent, la précision des frappes étant une propédeutique au jeu. 

La technique s’enseigne alors de manière formelle et souvent statique en recherchant une réduction de l’écart au modèle. Cette approche omet que la mise en mouvement des élèves est un gage de précision des renvois car elle entraine une tonicité posturale qui engage un double processus d’attention informationnelle et de tension musculaire. 

Le jeu à trois touches en triangle suit souvent cette initiation technique. Il est jugé éducatif car il contraint les élèves à jouer collectivement. Sa réalisation est difficile sur le plan moteur (réception et renvoi de balle orientés). Elle fige également le jeu dans une systématique où les capacités de surprendre l’adversaire sont réduites.

Ces apprentissages de maitrise de balle individuelle et collective acquis, le jeu trouverait alors son sens. 

Ce choix est aujourd’hui daté car il escamote, pour réduire les difficultés d’apprentissage, un des fondements du volley-ball : élaborer et réaliser à plusieurs des choix stratégiques et tactiques pour remporter le gain du match.

Des questions demeurent 

Face aux difficultés rencontrées, certains enseignants sont favorables à ralentir la transmission de balle. La balle bloquée est utilisée de manière systématique ou ponctuelle. Le joueur peut alors choisir l’orientation de son jeu. La construction d’attaque est simplifiée. Des propositions similaires se déclinent également : balle jonglée au-dessus de la tête, jusqu’à équilibration du joueur pour un renvoi réussi, balle contrôlée après un rebond au sol. En ne modifiant pas les repères visuels habituels des élèves, les conditions de jeu balle haute ne sont pas abordées. 

Quant à l’entrée dans le jeu collectif, les oppositions se concentrent sur l’utilisation du jeu 1c1. Le 2c2, compte tenu des difficultés de touche de balle, est jugé comme haché et souvent arrêté. Le1c1 donne la possibilité de multiplier les touches de balle et permet de jouer avec le joueur du camp adverse, comme partenaire (établir des records dans le nombre d’échanges) ou comme adversaire (marquer des points en l’empêchant de défendre la balle d’attaque).

Ces deux points font débat au sein de la profession.

La caractéristique des sports collectifs : le jeu en mouvement

L’entrée dans le volley-ball par le jeu, même s’il présente des difficultés réelles, est fondamentale pour l’inscription des élèves dans la culture. En valorisant le jeu collectif en mouvement, nous engageons les élèves à lutter pour maintenir la balle en l’air dans leur camp. Les dimensions émotionnelles sont sollicitées (il ne faut pas que la balle tombe dans notre terrain et l’on doit attaquer le camp adverse). En proposant des règles adaptées, respectant les lois fondamentales du jeu, les élèves sont confrontés à résoudre collectivement des problèmes. Une langue de jeu s’établit entre les joueurs. Elle est faite de la compréhension et de la maitrise de quelques alternatives simples. La progression dans le jeu s’effectue à partir d’une complexification régulière de cette langue commune de jeu. L’invention permanente de nouvelles règles participe de ces transformations.

Nous défendons l’idée que les modes d’enseignement du VB, en simplifiant et en segmentant l’activité complexe du jeu, créent une difficulté d’exécution des gestes et une perte de sens des apprentissages laborieusement réalisés par les élèves. En effet, l’addition des appris gestuels, décontextualisés des déplacements-replacements inhérents aux contraintes règlementaires, ne permet pas un jeu rapide et efficace. La complexité du jeu ne peut se réduire à la présentation de séquences simples. Il faut, à tout niveau de pratique, maintenir la complexité du jeu tout en la rendant accessible.

Une règle fondatrice du jeu

Nous estimons que la touche de balle est un exercice spécifique du volley-ball qui exige des adaptations motrices conséquentes chez les élèves. La balle bloquée n’aide en rien à la maitrise du renvoi frappé. Il est nécessaire, même si le temps est compté, de ne pas se détourner de l’apprentissage de cette spécificité du volley-ball. 

Le volley-ball est un jeu collectif de déplacements et de frappes qui exige, pour obtenir le gain du match, que des interrelations entre les joueurs s’engagent dès le premier cycle d’enseignement (par exemple 2c2 en deux touches de balle maximum). Réduire le volley-ball à du jeu1c1, c’est se priver de la dimension collective. Jouer à deux, c’est construire son jeu en tenant compte de son partenaire. La relation à l’autre est indispensable à la construction de chaque joueur. Jouer à deux c’est établir un code commun de jeu, c’est établir des alternatives de jeu partagées.

Un règlement fondateur du jeu, des pratiques diversifiées

Le volley-ball est une activité à statut particulier au sein des sports collectifs. B. Jeu le qualifie comme « un volontarisme qui réussit ». Il nait quatre ans après l’invention du basket. Il est présenté comme une activité délassante, de moindre intensité physique, permettant un entretien physique agréable, hors saison de basket. Le décompte des points n’apparait d’ailleurs pas dans les premiers règlements. 

Diversification du mode de pratique 

Actuellement le volley-ball s’est diversifié. C’est une activité compétitive, de loisir et d’entretien. Le volley-ball est une des activités sportives les plus pratiquées au monde aujourd’hui (l’estimation du nombre de pratiquants avoisine 270 millions) et mobilise également les femmes et les hommes. Les chiffres de licenciés à la fédération française de volley-ball confirment cette parité (45% des licenciés à la fédération française de volley-ball sont des femmes). Les compétitions féminines sont appréciées par un public fidèle. Soulignons cependant que les compétitions officielles n’acceptent pas, ainsi que tous les autres sports collectifs, la mixité. 

Diversité des formes de pratique

Le volley-ball de compétition, s’est profondément transformé au cours du temps. La dialectique, modification des règles-affinement de la pratique est le moteur de la complexification du jeu. Quelques ruptures majeures peuvent être évoquées : le volley-ball est passé d’un jeu statique à un jeu dynamique, du maintien systématique des places sur le terrain à un changement de places dans l’axe latéral et dans l’axe antéropostérieur, de l’uniformité des trajectoires de balle à des changements de rythme, de la concurrence physique à un jeu de feintes collectives. Le volley-ball apparait aujourd’hui comme un jeu de mobilité basé sur la multiplication de stratégies collectives.

Le volley-ball apparait aujourd’hui comme un jeu de mobilité basé sur la multiplication de stratégies collectives.

Longtemps joué en 6/6 le volley-ball de compétition a entériné la création du Beach volley (représenté aux J.O. de Rio de Janeiro comme le Volley-ball en 6/6). Ces rencontres en 2/2 sur sable offrent une nouvelle forme de pratique et de nouvelles façons de jouer. Les pratiques de loisir ont adopté de longue date les formes réduites de jeu. Le 3/3 ou le 4/4 qui se pratiquent sur les plages ouvrent d’intéressantes possibilités tactiques. 

Les pratiques de loisir et l’éducation physique et sportive offrent ainsi une pratique à effectifs réduits où la mixité existe.

Ce qui fonde l’unité de ces différentes formes de pratique, est le respect des mêmes règles : le jeu se joue à plusieurs dans chaque équipe sur une surface déterminée, la balle est frappée, le ballon doit franchir un obstacle vertical haut, et doit, pour qu’un point soit marqué, tomber dans le camp adverse sans pouvoir être défendu. 

Caractères de l’activité volley-ball

Faire voler la balle longtemps pour l’envoyer dans la cible adverse

Le volley a trouvé son sens social en combinant les notions d’échange et d’élévation. Ce double mouvement fait naitre une émotion particulière chez les pratiquants et les spectateurs. La balle vole entre deux camps et ,à un instant, cet échange est interrompu. Les échanges de balle qui durent longtemps accroissent les tensions. La rupture de l’échange met les joueurs et spectateurs au paroxysme de l’émotion. C’est ainsi que le volley-ball a trouvé son ancrage populaire, sa résonance culturelle et son inscription dans l’imagerie collective. 

Pratiquer le volley-ball c’est rechercher la rupture de l’échange de balle à son profit.

Polyvalence/spécialisation des joueurs

Pour éviter une spécialisation des joueurs, (les grands devant, les petits sur la zone arrière) néfaste à l’évolution du jeu, est imposée une polyvalence pour chaque joueur mis en demeure de réaliser, à tous les postes, toutes les actions de jeu. Cette originalité confirme sans doute la vocation formatrice du volley-ball. La contradiction entre l’obligation d’occuper toutes les places sur le terrain et la nécessaire spécialisation des joueurs est facteur d’inventivité. Comment réussir à spécialiser les joueurs en fonction de leurs capacités, tout en respectant les contraintes de rotation ? 

La création du libéro en 1999 a introduit une forme de spécialisation dans un jeu polyvalent. Cette spécialisation introduit une rupture dans la pratique du volley-ball et interroge sur d’éventuelles nouvelles spécialisations qui conduiraient les joueurs à n’occuper qu’un poste. Le rapport polyvalence/spécialisation est une interrogation forte.

Jeu d’adresse et de stratégie collective

Le règlement du contrôle de balle exige que celle-ci soit frappée. Cette particularité entraîne un certain nombre de difficultés. Contrairement aux autres sports collectifs, la balle manquée par le réceptionneur du ballon condamne l’enchainement des échanges dans son camp. Le jeu s’arrête alors que dans les autres sports collectifs l’attrapé de balle est autorisé, celle-ci se perd moins facilement et peut toujours être reprise par un partenaire. La maitrise de la balle « frappée » est ici une condition nécessaire du jeu collectif. Autant en initiation, en club, qu’en cours d’EPS, cette difficulté mobilise les techniciens et enseignants. 

Pourquoi le volley-ball à l’école ?

Ces difficultés n’entravent pas l’apport du volley-ball en EPS. Nous l’apprécions sur deux plans : 

  • Sur le plan individuel, le volley-ball contraint les élèves à adapter leur motricité à une action spécifique, la rencontre de leur corps avec une balle qu’ils doivent frapper. Les enseignants d’EPS connaissent tous les frappes explosives où l’élève transmet toute son énergie lors de la frappe (il est parfois en suspension) pour obtenir une trajectoire courte, poussive. Il s’agit de réaliser un ajustement fin entre la trajectoire de la balle, le déplacement de l’élève et le choix du déclenchement de la poussée. L’alignement et le gainage du corps doivent être assurés. 

Dans le même ordre d’idée, l’abandon des repères visuels ordinaires au profit de prises d’informations en l’air, modifie sensiblement les capacités motrices des élèves. 

… Il est donc indispensable de construire un langage commun de jeu pour maintenir la balle dans son camp et attaquer le camp adverse.

Enfin, l’apprentissage d’un déplacement dissociant tronc et jambes confère de nouvelles possibilités aux élèves, en effet, le déplacement en mode course ne permet pas à l’élève de pouvoir réceptionner la balle dans de bonnes conditions.

  • Sur le plan collectif, les apports sont également identifiables. Les joueurs occupent un espace réduit où le blocage de balle est interdit. Il est donc indispensable de construire un langage commun de jeu pour maintenir la balle dans son camp et attaquer le camp adverse. L’instauration de ce langage commun s’effectue dès l’approche du jeu à deux. Il organise le jeu entre partenaires et structure la pensée tactique. Le système de contraintes (les règles) adaptées pose des problèmes aux élèves. Des réponses sont apportées. Elles imposent à leur tour l’introduction de nouvelles contraintes. Cette dynamique affine la motricité des joueurs, enrichit la coopération entre partenaires en affirmant un langage commun.

Il faut enfin signaler que la grande diffusion du volley-ball en France et dans le monde permet aux élèves, initiés à cette pratique, de pouvoir, en tous lieux, la pratiquer et entrer aisément en relations avec des personnes inconnues. Cet ancrage dans la culture vivante est une des missions de l’école et dans le cas présent de l’EPS.

Article d’ Yvon Léziart paru dans ContrePied HS n° 18 juin 2017

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