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Par Jean-Pierre Cleuziou, professeur d’EPS agrégé à la retraite, docteur en didactique des APS.

Comment un ancien prof d’EPS, ayant certes enseigné en collège et en lycée pendant 25 ans (1961-1985) puis en Staps jusqu’en 2000, peut-il avoir un point de vue pertinent sur l’EPS actuelle, alors que les textes officiels lui paraissent depuis des années de plus en plus obscurs et déconnectés de ce qui l’a passionné durant toute sa carrière ?
J’ai beaucoup hésité à répondre à la sollicitation de Jean Lafontan mais Jean m’a convaincu qu’un tel point de vue pouvait être utile. Auparavant j’ai lu les contributions des collègues pour voir si je n’étais pas hors jeu. Cette lecture m’a pris du temps mais bravo à EPS et Société d’avoir réuni tant de contributions intéressantes. Pour ma part j’insisterai sur 7 idées en soutenant l’exigence des 4 heures d’EPS pour tous les élèves.   

Le plaisir et l’intérêt des élèves pour l’EPS

Cela est capital. Plaisir de se mouvoir, plaisir de découvrir ou de mieux connaître les APSA, plaisir de progresser et d’éprouver ses limites, plaisir de communiquer différemment avec les profs et les camarades tout en devenant capables de s’entraider… Cela prend bien sûr des formes différentes selon les âges et pose de nombreux problèmes : choix des activités, variétés des exercices, modalités d’évaluation, communications avec les élèves… 

Polyvalence, APSA et réinvestissements des apprentissages

Il n’est pas d’éducation (en EPS ou ailleurs) sans rechercher la possibilité de réinvestir les acquis vers d’autres situations plus ou moins différentes, mais cela est loin d’être automatique. Ce sont les conditions d’apprentissage qui permettent ou ne permettent pas ces réinvestissements. Lorsqu’il enseigne une APSA, le professeur d’EPS est donc amené à se poser au moins 3 questions :
(1) la spécificité de l’activité est-elle respectée ?
(2) ce qui est appris prépare-t-il des évolutions positives dans l’activité ?
(3) quels sont les réinvestissements possibles vers d’autres APSA (ou d’autres domaines) et s’ils sont peu probables, est-il possible et souhaitable de limiter cette carence ? 
Lorsqu’on enseigne une APSA en EPS, il est des impératifs qui dépassent cette APSA.

Développer les capacités physiques en tenant compte des âges

C’est la même problématique des réinvestissements mais versants énergétique et biomécanique. Un exemple : lorsqu’on fait pratiquer le basket en insistant sur les contre-attaques, les replis défensifs, les soutiens au porteur du ballon… les capacités énergétiques des élèves sont fortement sollicitées. Il n’en est pas de même pour la souplesse et la force, capacités qui pâtissent des longues périodes de non-sollicitation. Que faire pour ne pas négliger ces aspects importants de l’EPS ? 

Apprendre à observer, à juger et à s’entraider efficacement. 

En 1960, plusieurs enseignants insistaient déjà sur ces aspects. Ils proposaient des situations pour apprendre aux élèves à observer, à juger, à s’entraider… mais cela ne devait pas mettre en cause « les aspects fonciers » ni les apprentissages moteurs. 60 ans plus tard, je pense toujours (avec bien d’autres) qu’ils avaient raison.  

Le professeur d’EPS à des carrefours scolaires et sociaux importants

Dans les conseils de classe, dans les relations parents – profs – élèves, le professeur d’EPS peut et doit jouer un rôle important car les élèves révèlent souvent en EPS des capacités différentes. Son rôle est aussi précieux pour orienter les élèves vers des loisirs sportifs et artistiques et sa participation est généralement très appréciée dans les événements locaux. En cela, il contribue fortement à la défense et la promotion de l’EPS qui reste menacée aujourd’hui.

Informatique, étude des performances des élèves et évaluation en EPS

Depuis les années 80, l’informatique a créé de nouvelles possibilités en EPS : des tâches qui étaient auparavant irréalisables sont devenues possibles compte tenu de la rapidité des traitements. Dans un certain nombre d’APSA, il est notamment devenu possible d’étudier les performances réelles des élèves pour construire les barèmes de notation au lieu de les décider à partir de représentations souvent erronées. Cette démarche est un facteur important de progression mais il y a plus : la durée des traitements n’étant plus un problème insurmontable il devient possible d’imaginer des situations d’évaluation mieux adaptées aux objectifs poursuivis et aux conditions matérielles.

Tout cela suppose des formations initiales et continues plus performantes

  • Une formation polyvalente de qualité dans les APSA, complétée par une expérience approfondie dans une option sportive ou artistique.
  • Des formations scientifiques partant de l’analyse des besoins de connaissances pour bien enseigner en EPS.
  • Des formations méthodologiques et technologiques compensant la dictature des écrits sous leur forme actuelle.
  • Tenir compte des enseignements du passé en les mettant en cause lorsqu’il le faut.

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