Le langage des APSA : opérateur de transformations en EP

Temps de lecture : 4 mn.

Contribution signée Romain Chevrollier, Professeur d’EPS au CLG Pierre et Jean Lerouge de Chablis


Si à l’Ecole, le présent s’institutionnalise dans « un vivre ensemble », nous pensons que l’EPS de demain doit mieux cibler l’enjeu de citoyenneté. Dans notre « cité » : la classe, l’enseignant et les élèves construisent un ensemble de droits et de devoirs grâce à l’APSA étudiée, comme source de lien social.
En s’appuyant sur « l’origine antique du concept » avancée par Aristote, trois aspects semblent décisifs:

  • La référence à un « bien commun » : l’APSA.
  • L’égalité : qui permet à tous les élèves de concourir à une formation culturelle et les soumet à des obligations.
  • La liberté : notamment par l’activité corporelle permettant de se constituer une identité.

Dans notre conception de l’EPS, l’élève passe du rôle d’acteur au rôle d’auteur-compositeur-interprète en s’imprégnant des APSA comme matière. Il nous parait alors indispensable que l’élève puisse accéder au pouvoir du langage et de la pensée afin d’assumer davantage son corps en action comme outil et moyen d’émancipation.

L’EPS de demain, ne peut se limiter à former un joueur de badminton, un grimpeur, un danseur etc… Il s’agit bien de penser l’élève comme un citoyen ayant besoin d’acquérir et d’exprimer des savoirs et savoirs faire lui permettant d’agir pour développer, enrichir et orienter ses capacités motrices ou celles des autres.

Le fait même d’être assisté, trop guidé, parfois dominé faute d’avoir les moyens corporels et moraux de répondre, altère la construction de soi, marquant l’ensemble des rapports avec autrui. Cette problématique est un frein pour tendre vers notre finalité : « former un citoyen épanoui, cultivé, capable de faire des choix éclairés »[[BO spécial n°1 du 22 janvier 2019]] Ainsi, pour que l’EPS d’aujourd’hui et de demain puisse relever de tels défis éducatifs, alors, elle se doit d’inclure dans son champ d’action la capacité de penser et de discuter.
L’EPS de demain, ne peut se limiter à former un joueur de badminton, un grimpeur, un danseur etc… Il s’agit bien de penser l’élève comme un citoyen ayant besoin d’acquérir et d’exprimer des savoirs et savoirs faire lui permettant d’agir pour développer, enrichir et orienter ses capacités motrices ou celles des autres.

L’EPS d’aujourd’hui à demain c’est :

  • Partager, discuter, échanger, observer à chaque leçon d’EPS le sens commun d’un vocabulaire spécifique propre aux APSA et un CA, appartenant donc à la culture de la discipline, parallèlement (re)connu ou non au sein de la société.
  • Elaborer une organisation matérielle et pédagogique réfléchie permettant à chaque élève d’écrire, voir, entendre le vocabulaire spécifique. Que chaque élève vive corporellement et manipule ce vocabulaire spécifique. Enfin, que chaque élève puisse s’exprimer pour débattre de choix conduisant à l’émancipation de soi et/ou du groupe.

Pour reprendre les termes de N. Térré, « ces petites contributions » répétées à chaque leçon de la maternelle au lycée, nous semblent être un petit pas pour l’enseignant mais un grand pas pour l’Homme.
Combien d’élèves disent faire du « babynton » ? Combien ne peuvent pas accéder à un plus haut niveau de compétence car le vocabulaire pour s’exprimer et faire des choix en vue des AFC et AFL n’est pas maitrisé ? Selon Michel Foucault [[FOUCAULT M., « Le discours ne doit pas être pris comme…», Dits et écrits 1954-1988. Tome III, Paris, Éditions Gallimard, p. 123-124. Et FOUCAULT M., L’ ordre du discours, Paris, Éditions Gallimard, 1970]], « Le discours, les mots et les idées ne sont pas seulement une surface d’inscription pour le rapport de force, mais ce sont eux-mêmes des forces, ce sont des opérateurs (…) ».
Comment mieux faire vivre son corps sans mot pour le comprendre et le décrire ? Comment penser sa motricité sans pouvoir y mettre des mots ? Ainsi, plus que toutes autres disciplines, l’EPS, de la maternelle au lycée, ne peut se passer de faire vivre en acte la maitrise de la langue, la compréhension des représentations du monde et chaque domaine du socle commun. C’est bien par le jeu du corps, le ressenti, l’observation, et en exploitant par des mots les émotions vécues que nous pouvons faire prendre conscience à nos élèves de leur capacité intellectuelle, physique et sociale.

C’est bien par le jeu du corps, le ressenti, l’observation, et en exploitant par des mots les émotions vécues que nous pouvons faire prendre conscience à nos élèves de leur capacité intellectuelle, physique et sociale.

Pour conclure, notre démarche d’enseignement incitant à mettre l’accent sur « les langages pour penser et communiquer », ne vient en aucun cas confondre la leçon d’EPS à un cours de théâtre ou un concours d’éloquence.
Les vocabulaires employés et manipulés par tous ont nécessairement un lien direct avec l’acquisition des techniques corporelles, le développement ou l’enrichissement de la motricité. Il n’y a pas de disparité, tout est bel et bien lié.
N. Terré[[

TERRE. N, « L’EPS d’aujourd’hui à demain. Quels en sont ses enjeux ? », Dossier n°2, p 11-13,
Contre Pied, EPS et Société, Décembre 2021.]] évoque le fait que « les élèves développent, affinent et transforment leurs perceptions », par l’acquisition de techniques corporelles. Dans la continuité de cette réflexion, l’acquisition de vocabulaires spécifiques ne permet elle pas de mieux comprendre et de faire évoluer sa perception pour ainsi développer davantage sa motricité ?

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