Volley-ball : privilégier le jeu en mouvement !

Temps de lecture : 10 mn.

Cathy Girre, enseignante au collège de Coutances, dans ce compte rendu de pratique réalisé en 2017, montre comment avec une classe de 6ème SEGPA, elle joue avec les règles du volley en fonction du niveau des élèves : taille du terrain, hauteur du filet, nombre de joueurs, touches de balles autorisées. Mais quelles que soient ces règles, elle impose toujours des contraintes de déplacement qui, à la fois rendent le jeu dynamique, et aident les apprentissages techniques. En un cycle ses élèves, mobiles, font tout pour rattraper les balles et viser le terrain adverse.

Article paru dans la revue ContrePied HS n° 18 de juin 2017.

Il s’agit d’une classe de 6e SEGPA de 12 élèves dont une fille et dont certains ont des problèmes relationnels. Deux élèves sont en très grande difficulté. Quatre ont déjà joué au volley en primaire. Ils connaissent tous ce sport (existence d’un filet, touche de balle notamment). La démarche exposée ici n’est pas spécifique à ma classe de SEGPA, je l’utilise avec tous les élèves débutants, quel que soit leur âge.

Mon objectif est qu’ils sachent tous jouer en 2 c 2, en auto-arbitrage et grâce à un jeu en mouvement, empêcher la balle de tomber dans son camp tout en ayant l’intention de mettre les adversaires en difficulté. Pour atteindre cet objectif, je m’autorise toutes les possibilités d’aménagement du règlement (blocage, rebond, passe canadienne, engagement, taille du terrain…). Je fais le choix d’un filet haut (2,20m/2,35m) pour faciliter la défense et d’un grand terrain, ainsi que de contraintes de déplacement avant la frappe de balle. 

Toutes mes séances comportent trois grands temps de travail (3 tiers temps) :

  • L’échauffement avec énormément de manipulation de balle et de déplacements (un ballon chacun) ainsi que des jeux de coopération, 
  • Une situation d’apprentissage sous forme de match avec contraintes, 
  • Des matchs dont le règlement évolue au même rythme que les contraintes de  la leçon (d’abord en 1 c 1, puis 2 c 2)

L’échauffement

Au départ, on lance la balle à 2 mains et on la rattrape, pour aller de plus en plus vers des jonglages type volley : faire rebondir le ballon et le rattraper dans toutes les positions possibles (debout, assis, à genoux, allongé), passer dessous, rattraper devant, au-dessus de la tête, bras tendus, à genoux, assis, derrière, faire autre chose pendant le lancer (toucher 1 pied, regarder un camarade, passer sous le filet), faire 1 jonglage (une passe à 10 doigts) avant de rattraper, faire une tête puis une passe à 10 doigts, faire rebondir sur l’avant-bras gauche, droite… puis tête, passe…etc. 

Conseils pour la passe à 10 doigts 

Avant : se placer sous la balle comme pour faire une tête. Placer vite les mains au-dessus de la tête. Ecarter les doigts paumes vers le ciel. Faire un « losange » avec ses pouces et ses index.

Pendant : « accueillir » la balle sans lui faire mal. « Embrasser » la balle avec un maximum de surface (doigts, mains). 

Après : Les mains restent un guide pour le ballon (rayon laser).

Pourquoi autant de manipulation ? 

Pour qu’ils apprennent à calculer des trajectoires, la puissance, la direction, la hauteur de la frappe, à se décentrer/recentrer du ballon, à se déplacer et se positionner équilibré sous la balle, à faire autre chose en même temps. Ils doivent le faire même s’ils réussissent d’emblée la passe à 10 doigts. Le but est de former des joueurs disponibles, réussir ces exercices leur ouvre des possibles. Cela leur plait, les meilleurs se lancent des défis, les plus faibles prennent plaisir à contrôler la balle, condition pour jouer sans avoir mal. Avec des élèves plus grands, on peut leur donner la liste de ce qu’il y a faire et ils commencent dès la sortie du vestiaire. 

En coopération, faire le maximum d’échanges

A la 1ère séance : défi à 2. De chaque côté du filet (haut), faire le maximum d’échanges. Le but est d’expérimenter le plaisir de rattraper la balle chez soi (sauver son camp) et de la renvoyer (faire vivre le ballon) avant de jouer sur la rupture. Au départ, beaucoup n’y arrivent pas. C’est l’occasion d’introduire des règles différenciées sur la façon de renvoyer la balle en fonction des façons de faire des élèves et de leurs possibilités. 

  • Si je rattrape au niveau du ventre, dans ce cas, je relance du bas vers le haut.
  • Si j’attrape au-dessus de la tête, je dois faire un « lance-pousse » (se lancer la balle à soi-même et touche de volley à 10 doigts).
  • Si je touche à 10 doigts, j’ai droit à 1 ou 2 contrôles (petits jongles) ou je peux renvoyer directement (au départ, le contrôle ne les aide pas). 

Chaque élève renvoie comme il veut, en fonction de la balle qu’il reçoit et de sa posture à moment-là. Il est seulement interdit de se déplacer avec le ballon lorsque l’on bloque la balle (droit de se tourner vers le filet sans se déplacer). Les élèves savent que la passe haute est la réponse la plus élaborée, mais acceptent bien les règles différentes. Les plus faibles bloquent quasiment toutes les balles, les plus forts uniquement lorsqu’ils sont en difficulté. Grâce à ces différentes façons de jouer la balle, des élèves de niveaux très différents pourront jouer ensemble

Matchs 1 contre 1 avec obligation de se déplacer

L’objectif est d’abord de bien comprendre le règlement. Sur le plan tactique, sauver son camp est la priorité si on veut pouvoir marquer le point. Le 1 c 1 sera utilisé pendant 3 ou 4 séances, avec des règles évolutives. 

1 c 1 + déplacement vers l’arrière

On marque le point si : 

  • L’engagement adverse est incorrect : dehors, filet, si on donne un effet au ballon.
  • L’adversaire ne réussit pas à rattraper le ballon avant qu’il ne touche le sol ou le relâche.
  • L’adversaire ne réussit pas à renvoyer le ballon.
  • La contrainte de déplacement n’est pas respectée (le plot n’est pas touché).

Le terrain est grand pour contraindre à se déplacer et construire la cible (il y a de grands espaces libres). Le filet est haut pour donner du temps.

Le déplacement, contraint par le règlement, ne se fait pas après la mise en jeu, pour qu’il y ait égalité de traitement entre les deux joueurs sur la 1ère balle. La mise en mouvement aide à se placer sous la balle. Sur le plan tactique, cela crée immédiatement un espace libre à droite ou à gauche puisque le joueur qui va toucher le plot est en crise de temps. 

A la fin de la première séance, tous les élèves cherchent à sauver leur camp et renvoient. Très vite, ils apprennent à jouer vite, à jouer à l’opposé du plot vers lequel l’adversaire se déplace, à jouer près du filet (ils ne lancent pas encore fort). 

1 c 1 + déplacement sous le filet

Sur le plan moteur, c’est un passage crucial. La plupart des élèves ne savent pas se déplacer vers l’arrière (perte de repères). Or, le fait de regarder le plot vers le bas, puis attraper la balle au-dessus de la tête va permettre un déséquilibre et une bascule de la tête vers l’arrière nécessaire pour une passe haute. Cela a des conséquences sur le plan tactique : ils commencent à pouvoir lancer plus loin. 

… le fait de regarder le plot vers le bas, puis attraper la balle au-dessus de la tête va permettre un déséquilibre et une bascule de la tête vers l’arrière nécessaire pour une passe haute.

Ces contraintes de mobilité étant systématiques, les élèves les acceptent facilement et progressent vite. Dans cette classe de SEGPA, un seul élève n’a pas réussi à se placer sous la balle en une séance. La mobilité est travaillée également en situation de coopération lors des échauffements (ex : situations de passe et suit et passe et va).

Transition entre balle bloquée et balle frappée : passe haute après un rebond 

A cette étape, les élèves sauvent les balles. Tous ont envie de ne pas bloquer. Ils commencent à renvoyer avec l’intention de marquer le point vers le fond, mais le renvoi reste explosif. Certains sont encore obligés de bloquer et de renvoyer par en bas. 

Une étape intermédiaire est nécessaire pour que tous apprennent à frapper à 10 doigts en étant bien équilibré après un déplacement. Je leur propose donc un jeu avec balle frappée à 10 doigts après un rebond. Le rebond a plusieurs avantages : 

  • Il donne le temps d’aller se placer sous la balle. 
  • Il amortit la balle qui arrive moins vite, et est moins impressionnante.
  • Il donne le temps de regarder en face et permet donc un début d’attaque

Le terrain est plus grand : 4,50m x 4,50m. Les autres règles sont identiques, sauf qu’il faut aller toucher un plot sous le filet + le bas du filet (= 2 actions). Le déplacement doit être difficile parce qu’ils ont largement le temps de le réaliser. 

Pour le rebond, la consigne est : aller chercher le ballon avec 1 main au-dessus de la tête (le plus haut possible bras tendu) pour le faire rebondir 1 ou 2 fois au sol puis le renvoyer en passe haute. Cela nécessite une certaine vigilance du prof qui doit vérifier que l’élève ne tape ni trop devant (comme un dribble), ni trop derrière (l’élève se retrouve en avant de la balle et ne peut plus la jouer), mais bien au point haut de la trajectoire. 

Cette étape est vécue par les élèves comme un exercice, elle ne dure qu’une séance. A la fin de la séance, aucun élève ne bloque plus la balle, beaucoup envoient au fond du terrain. 

Pour poser le problème du relai : le 1 c 2

Cette situation a pour objectif de faire comprendre aux élèves la nécessité d’un relai. Dans un 2 c 1, c’est en principe le duo qui devrait gagner. Or ce n’est pas le cas. Pourquoi ne marque-t-on pas ? 

Le match se joue sur 10 lancers. 

Mise en jeu : A se met où il veut pour engager. C et D sont en dehors du terrain. 

A lance obligatoirement en zone arrière. Si c’est raté, on recommence. Si c’est trop difficile, A lance du terrain adverse et revient dans son terrain pour jouer l’échange. 

A la mise en jeu, C et D rentrent dans le terrain et sont donc contraints de se déplacer pour toucher la 1e ou la 2e balle, cela les rend vigilants.  Lorsque l’échange est terminé, on alterne, B fait la mise en jeu. 

La nouvelle règle : 1 seule touche de balle par joueur pour obliger à poser le problème du relai. 

Observation des élèves : Comment joue l’équipe de 2 ? 

Qui gagne le point, l’équipe de 2 ou le joueur seul ? La plupart du temps, le joueur seul. 

Comment sont marqués les points ? Par faute adverse la balle ne revient pas.

Quels sont les ballons qui font le point ? Tous ceux qui arrivent en zone arrière. 

Combien de fois la balle passe le filet ? Il y a peu d’échanges, le duo est en difficulté.

Pourquoi le duo perd-il le point ? Le 2e joueur n’est pas prêt, il est en retard, il ne regarde pas, la balle ne va pas assez haut, elle va dans le fil… 

Que devriez-vous faire pour gagner ?  Communiquer (dire « j’ai »), faire une passe, et donc relever la balle vers le haut. (Les élèves s’occupent d’abord de relever la balle, l’idée de la relever un peu vers l’avant vient seulement dans un second temps). 

Cette situation de 1 c 2 permet de comprendre la nécessité d’un relai. Elle peut être reprise chaque fois que nécessaire, sous forme d’exercice. On peut passer maintenant à un 2 c 2.  

Le 2 contre 2 avec 1ère touche obligatoire à 10  doigts

A cette étape, le relai reste une difficulté. La balle de réception étant encore très peu contrôlée, il est difficile pour le 2e joueur de rattraper au-dessus de la tête en étant équilibré. Pour leur faciliter la tâche, ils ont le droit de faire une « passe canadienne » s’ils en ont besoin, c’est-à-dire bloquer la 2e balle au-dessus de la tête, redescendre la balle au niveau des genoux et la relancer par en -dessous. La passe canadienne permet à la fois de lancer une balle très haut verticalement, tout en se réorientant si besoin. Peu d’élèves l’utilisent systématiquement, elle est plutôt vécue comme un joker lorsqu’il faut sauver la balle. Ce 2 c 2 va devenir la situation de référence pour la fin du cycle. Il sera fait sous forme de « jeu du gagne-terrain » pour permettre à beaucoup d’élèves de jouer en même temps. 

A la fin de cycle, ce que les élèves de SEGPA savent faire

Sur le plan tactique : le sens du jeu et le règlement sont bien compris. Dès qu’ils peuvent renvoyer directement, ils le font. En réception, ils savent qui prend la balle, un la remonte vers le haut et l’autre est prêt à intervenir. La 2e balle reste cependant rarement exploitable pour une attaque, la balle est alors renvoyée sans intention dans le camp adverse ou perdue. 

Sur le plan des touches de balle : la moitié des élèves jouent tout le temps en touches de volley, tous utilisent les blocages ou passe canadienne quand ils en ont besoin. 

Sur le plan des déplacements, tous sont mobiles et le volley est pour eux un sport où l’on se dépense beaucoup. 

Article paru dans la revue ContrePied HS n° 18 de juin 2017.

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